Princesse de Montpensier
Fiche de lecture : Princesse de Montpensier. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar jules06d • 19 Mai 2023 • Fiche de lecture • 1 467 Mots (6 Pages) • 222 Vues
Le sujet :
Prenant pour toile de fond les Guerres de Religion opposant protestants et catholiques, Madame de Lafayette tisse ici la tragédie d’une passion amoureuse qui se heurte aux lois de la société. L’habileté de la romancière réside dans la manière dont elle imbrique histoire publique (réelle) et histoire privée (inventée mais toujours vraisemblable) de telle manière que la première donne une réelle assise à la seconde et fait accepter ce qui pourrait, autrement, paraître douteux.
[pic 1]L’aventure de la Princesse de Montpensier et du duc de Guise est insérée dans la trame bien connue des rivalités des maisons de Bourbon et de Guise. S’appuyant sur les travaux d’historiens dont Enrico Davila, les aléas des Guerres de Religion rythment le récit et Madame de Lafayette fait clairement allusion au siège de Paris en 1567, aux batailles de Saint-Denis et de Jarnac, à la paix de Lonjumeau, à la Saint-Barthélemy. La fiction ainsi mêlée à des faits véridiques y tire un fort pouvoir de persuasion. L’évocation du massacre de la Saint-Barthélemy, par exemple, intensifie l’impression de désolation qui se dégage du final de la nouvelle.
De plus, la Princesse de Montpensier diffère du roman par plusieurs aspects. Ouverture in medias res et récits intercalés du grand roman disparaissent au profit d’un récit linéaire. Aucun épisode ne vient interrompre l’intrigue de la princesse éponyme et la morale qui le clôt y met un terme définitif. Le récit est entièrement à l’imparfait et au passé simple, ce qui introduit une grande continuité dans la narration. Dépourvu de tout commentaire explicatif, les faits sont rapportés de manière concise, serrée, quasi hâtive et débouchent sur une morale minimaliste : « Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions. » Le style laconique est coupé. La langue se révèle répétitive voire monotone, confinant au dépouillement. L’auteur privilégie la litote, procédé caractéristique de la langue classique qui permet de dire beaucoup en peu de mots : « le roi avait déjà assez d’aigreur contre le Duc de Guise ». De même, la question de la morale est prégnante. Une seule sentence est livrée directement au lecteur et semble être un commentaire du narrateur sur le comportement de son personnage : « L’on est bien faible quand on est amoureux ». Elle justifie le manque de vertu de la princesse et joue un rôle proleptique, annonçant la fin malheureuse de la nouvelle. Cette maxime nie la possibilité pour l’homme de maîtriser ses passions et donne un sens tragique à l’existence. Cette nouvelle semble construite comme un scénario ce qui a peut-être aidé Bertrand Tavernier lors de son adaptation.
[pic 2]Madame de Lafayette révolutionne le genre aussi en développant l’idée selon laquelle il existe une antinomie entre le roman et la nouvelle qui est associée à une conception résolument pessimiste de l’existence. Les aristocrates ne sont plus présentés seulement comme des héros mais on plonge dans les turpitudes de leurs sentiments, ce qui les désacralise ou les humanise indéniablement.
Les personnages principaux:
Les différents protagonistes sont tous initialement présentés comme beaux, jeunes, spirituels et parfaitement nobles puis se révèlent égoïstes, brutaux, endurcis dans la faute. Inaugurée par le récit de noces brillantes, la narration s’achève par l’évocation de décès solitaires et misérables.
Ce procédé permet d’accroître le sentiment d’une plongée en Enfer.
« Madame de Lafayette donne dans ses nouvelles une représentation sévère de la condition humaine, dominée par l’amour-propre, remplie de contradictions, pleine de vanités. Elle fait sienne une vision augustinienne du monde et de l’homme. Pour Saint-Augustin, l’homme a abandonné Dieu en commettant le péché originel et Dieu, en retour, l’a abandonné. L’amour de soi, exclusif, tyrannique, et ses manifestations (intérêts et concupiscences) règnent absolument dans l’univers de la chute. Cette pensée, divulguée avec éclat par le monastère de Port-Royal, ses Messieurs et ses amis, parmi lesquels figurent Madame de Lafayette, La Rochefoucauld ou Pascal, irrigue toute la société française du milieu du XVIIème siècle. »
« La beauté de la princesse de Montpensier effaça toutes celles qu’on avait admirées jusque alors ; elle attira les yeux de tout le monde par les charmes de son esprit et de sa personne. » Bien qu’elle ne soit pas décrite physiquement, le trait qui la caractérise sur ce plan est la beauté. De même, l’héroïne adultère se voit précipitée à l’abîme. L’amour est présenté comme « une chimère, un fantasme tragique ». La Princesse de Montpensier est à même de frapper les lecteurs par l’alliance contradictoire de la tristesse et de la jeunesse, de la mort et de la beauté. Elle semble initialement être une personne réfléchie étant donné qu’elle accepte de s’unir au prince pour cesser les conflits intrafamiliaux. Suffisamment vertueuse pour repousser tout homme autre que son mari, elle fini par céder à la passion amoureuse que ravive en elle le duc de Guise quand ils se revoient pour la première fois. La passion désigne une affection involontairement subie, un entrainement violent et incontrôlable, une dépossession de soi. L’amour n’est pas un choix mais une fatalité : « L’on est bien faible quand on est amoureux » constate le narrateur.
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