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Flaubert, L’Education sentimentale

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Par   •  3 Mai 2023  •  Commentaire de texte  •  1 864 Mots (8 Pages)  •  302 Vues

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Commentaire littéraire Flaubert, L’Education sentimentale

Le texte proposé est un extrait du roman L’Education sentimentale, écrit par l’écrivain réaliste Gustave Flaubert et publié en 1869. Dans ce début de roman, il s’agit du premier chapitre de la première partie, l’auteur décrit la rencontre entre les deux protagonistes, Frédéric et madame Arnoux, sur le pont d’un bateau. La surenchère dans les effets de réel inscrit ce texte dans un registre comique qui apparaît en contradiction avec les attentes du lecteur dans ce premier contact amoureux. L’éventuelle rencontre amoureuse est cependant tout de suite interrompue par l’arrivée inopinée du mari de celle-ci. Il s’agira donc d’étudier comment Flaubert écrit une scène de rencontre amoureuse tout en en refusant les codes. En effet, cette scène de rencontre amoureuse contrastée anticipe l’échec sentimental du protagoniste afin de se résumer à un roman « sur le rien » pour reprendre l’expression de Flaubert lui-même. Le passage à commenter est la scène de rencontre amoureuse entre Frédéric et madame Arnoux, mais cette scène s’effectue de manière contrastée. En effet, c’est dans un univers dégradé que Frédéric fait le portrait idéalisé de madame Arnoux dont la représentation est mise à distance par le regard ironique du narrateur. L’univers cadre de l’action est un univers dégradé. La rencontre amoureuse a donc lieu dans un cadre fait de saletés et de détritus. L’accumulation l.1-2 « des écales de noix, des bouts de cigares, des pelures de poires, des détritus de charcuterie » situe l’action dans ce qui relève de l’ordurier. En contradiction avec les attentes du lecteur habitué à ce que les rencontres amoureuses aient lieu dans des lieux nobles ou champêtres, cette dévalorisation du cadre semble déjà anticiper la dégradation de la relation amoureuse qui s’amorce ici. De la même manière, le personnel du bateau est présenté dans une gradation inverse l. 2-3 « trois ébénistes, en blouse […] un joueur, en haillon », tant au niveau quantitatif, puisque l’on passe de trois à un, qu’au niveau qualitatif, puisque l’on passe de la blouse au haillon, pour souligner, dans un effet de prolepse, la chute annoncée de l’amour. Dans cet univers dégradé apparaît cependant la description méliorative de la femme aimée. Le texte propose une représentation idéalisée de la femme dans le cadre d’un éloge. En effet, madame Arnoux fait l’objet d’une déification l. 8 et 31 : « Ce fut une apparition » et « cette finesse des doigts que la lumière traversait. » Les termes employés renvoient à l’iconographie catholique pour désigner la Vierge Marie, les « apparitions » de la Vierge dans les récits bibliques et la transparence de le peau comme symbole de pureté. Si la déification traduit le coup de foudre ressenti par Frédéric, son admiration face à cette femme, il n’empêche que les connotations religieuses évacue toute dimension charnelle à cette histoire d’amour. La concrétisation du désir ne semble pas possible d’autant plus que le champ lexical de l’art prend le relais de celui de la religion pour décrire madame Arnoux : « Toute sa personne se découpait sur le fond de l’ai bleu ». Le personnage féminin, statique, est comparé à une peinture dans le travail de la description. Madame Arnoux est donc l’objet d’un désir irréalisable puisqu’elle appartient au domaine de l’irréel artistique, de la représentation et non du réel. Tous ces éléments qui décrivent la rencontre amoureuse sont présentés selon le point de vue du narrateur. Le narrateur a un regard ironique sur les efforts de Frédéric pour s’approcher de madame Arnoux. La description qu’il fait des démarches entreprises s’effectue dans un registre comique : « il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre […] il affectait d’observer une chaloupe » l. 23-25. Le champ lexical de l’acteur « dissimulait », « affectait » souligne l’attitude factice du personnage. Ce manque de naturel est un élément comique car il démystifie la rencontre amoureuse en en soulignant les caractère illusoire est mensonger. Le personnage masculin apparaît ainsi comme un contre-modèle de l’art de la séduction, gauche et maladroit dans ses efforts. Cette scène de rencontre amoureuse est donc originale car elle a lieu dans un univers dégradé qui, malgré l’idéalisation de la représentation de la femme, laisse place au regard ironique du narrateur. Ces nuances de la représentation annoncent déjà l’échec amoureux du protagoniste. Le protagoniste se présente de fait avant tout comme un anti-héros incapable de réussite amoureuse, l’érotisme investissant non pas l’individu mais les objets. Frédéric n’est pas le héros de l’histoire. Il s’agit plutôt d’un protagoniste construit comme un anti-héros. Ce personnage, en effet, semble réaliser de nombreuses actions comme en témoigne la place dans le récit accordée à ce qu’il fait. Mais on observe une véritable disproportion narrative dans la mesure ou ces éléments de narration renvoient à des gestes minimes et insignifiants : « En même temps qu’il passait, […] il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda. » l. 10-12. Ainsi, Frédéric est un personnage bien peu engagé dans l’action, d’autant plus que les gestes qu’il entreprend, loin de nourrir l’histoire, ne sont pas même le signe de sa volonté comme en témoigne l’emploi de l’adverbe « involontairement ». Frédéric n’est donc pas maître de ce qu’il fait, il ne contrôle pas ses gestes et ne fait rien qui puisse avoir réellement du sens. En réalité, à l’inaction du personnage se substitue l’action des objets. Les objets sont les seuls à sembler être animés : « des rubans roses qui palpitaient […] Ses bandeaux noirs contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure ». l. 13-15. A l’absence de réelles actions de personnage pour engager la relation vient répondre une forte charge érotique dans les personnifications des objets qui semblent eux exprimer le désir amoureux. Seuls les objets sont sujets actifs de verbes renvoyant à la séduction, renforçant ainsi, parce contraste comique, la gaucherie et la naïveté des démarches de Frédéric. Le désir de Frédéric est donc projeté sur les habits de madame Arnoux, traduisant son incapacité à le réaliser lui-même. Frédéric ne se présente donc pas sous les traits d’un héros de roman mais bien d’un anti-héros, c’est-à-dire un personnage passif qui ne soutient pas l’action narrative. En effet, dans la quête amoureuse, seuls les objets semblent réellement investis d’un érotisme actif, laissant le personnage dans une posture contemplative loin des représentations traditionnelles du héros amoureux. Histoire d’un échec annoncé, le roman finalement semble se réduire à rien, à un véritable vide narratif. En effet, ce roman de l’inaction accorde plus d’importance à l’imaginaire romanesque et fantasmagorique du personnage qu’à une trame narrative concrète mais se présente malgré tout comme un roman d’apprentissage amoureux. Flaubert lui-même a souvent exprimé, dans sa correspondance, le désir d’écrire un roman sur rien. Ce désir exprimé déjà lors de l’écriture de Madame Bovary semble se réaliser dans cet extrait. En effet, tout le texte ne fait que présenter des personnages qui n’entreprennent rien. Si le cadre descriptif du bateau pouvait faire attendre un roman d’aventure à travers le motif de la traversée en bateau, tous ces potentiels d’action sont détournés les uns après les autres. Ainsi, le bateau est loin de son agitation traditionnelle et le personnel est sujet de verbes statiques : « stationnaient », « se reposait » l. 3. le capitaine du bateau lui-même est présenté dans un mouvement de va-etvient qui le réifie dans une répétition quasi mécanique : « et le capitaine, sur la passerelle, marchait d’un tambour à l’autre, sans s’arrêter » l. 5. Celui-là même qui est censé commander est décrit comme une marionnette. Ce roman de l’inaction s’écrit donc en laissant une place privilégiée l’imaginaire du personnage principal. Si l’intérêt du roman n’est pas dans l’action, il est dans l’imagination de Frédéric qui prend une place conséquente dans le texte. L’accumulation des modalités interrogatives l. 34 et les modalisateurs d’incertitude l. 47 et 50 témoignent de cette primauté : « Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? », « Il la supposait d’origine andalouse, créole peut-être ». Frédéric ignorant reconstruit l’histoire à travers son imagination fertile. Cette imagination est entretenue par la reprise de clichés littéraires qui renvoient par exemple à l’exotisme comme les mots « andalouse » ou « créole ». Flaubert joue don sur la reprise des topoï traditionnels mais pour sans arrêt les détourner en les évacuant dans l’irréel de l’imaginaire du personnage. Aucune des ces pistes n’est finalement exploitée. Cependant, Flaubert écrit la véritable initiation sentimentale de Frédéric. En effet, il s’agit d’un roman d’apprentissage amoureux. Si Frédéric ne fait rien, il apprend ou il a le désir d’apprendre comme en témoigne l’emploi des verbes de connaissance qui se substituent à ceux de l’action amoureuse : «Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées […] », « le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde ». Personnage type du naïf candide des débuts de romans d’apprentissage, si Frédéric est loin de l’arriviste et du parvenu, il est malgré tout au début d’une véritable initiation sentimentale. Mais Flaubert met en place une esthétique du contre-point. En effet, il n’exploite aucun des horizons d’attente du lecteur. L’exotisme, loin du roman d’aventures et de la sensualité qu’il suggère, laisse place à une réalité de l’ordre du vaudeville avec l’arrivée inopinée du mari, troisième personnage qui complète ainsi le trio traditionnel du vaudeville et son potentiel comique : « Leurs yeux se rencontrèrent. - Ma femme es-tu prête ? ». Le roman d’apprentissage amoureux s’inscrit donc dans une veine comique qui joue sur la reprise et le détournement des topoï romanesques traditionnels. Face à une réalité que le personnage ne parvient pas à investir pleinement par l’action concrète, il se réfugie dans un imaginaire romanesque qui semble le construire et le déterminer. Tout ce qui est raconté relève donc de l’imagination littéraire à travers laquelle le personnage perçoit le réel. Il s’agit en effet essentiellement d’un roman de la perception et non de l’action. Cependant, cet imaginaire engagé annonce un roman qui va construire l’apprentissage amoureux de Frédéric. Le texte proposé est donc un extrait du début de L’Education sentimentale de Flaubert, écrivain du XIXème siècle. La rencontre entre Frédéric et madame Arnoux a lieu sur le pont d’un bateau mais ne se réalise pas tout à fait car elle est interrompue par l’arrivée de monsieur Arnoux. Il s’agissait donc d’étudier comment Flaubert reprenait n motif traditionnel dans la littérature, à savoir celui de la rencontre amoureuse, pour le renouveler. Pour cela, Flaubert a écrit une scène de rencontre contrastée en l’inscrivant dans un cadre descriptif dégradé qui en annonçait l’échec. La représentation idéalisée de la femme se trouve ainsi annulée par le regard ironique que le narrateur porte sur cette rencontre. Le roman finalement se réduit un roman sur rien puisque Frédéric, anti-héros, ne prend en charge aucune réelle action, déportée sur les objets. Ce roman se présente comme un roman d’apprentissage amoureux qui comble l’inaction par l’imaginaire romanesque des personnages dont il détourne toujours le sens et les attentes.

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