Comment Les Fleurs du Mal illustrent le rendez-vous manqué de Charles Baudelaire avec les femmes de sa vie?
Commentaire de texte : Comment Les Fleurs du Mal illustrent le rendez-vous manqué de Charles Baudelaire avec les femmes de sa vie?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar saliloo • 13 Décembre 2023 • Commentaire de texte • 1 821 Mots (8 Pages) • 138 Vues
Les poèmes de Baudelaire
Comment Les Fleurs du Mal illustrent le rendez-vous manqué
de Charles Baudelaire avec les femmes de sa vie?
Français - Évaluation interne
Niveau Supérieur
Mots : 1497
Le célèbre recueil de poèmes "Les Fleurs du mal" de Baudelaire voit le jour en 1857. Ces textes éveillent la curiosité, scandalisent, mais, fondamentalement, marquent l'histoire, modifient les mœurs et forcent une liberté d'expression jusqu’alors réprimée. La condition féminine - ou la représentation que s’en fait le poète - en devient la métaphore et résonne à de multiples reprises dans sa poésie. Ce sont d'ailleurs les textes “Lesbos” et “Femmes damnées" qui vont profondément choquer le public parisien, qui qualifiera l'ensemble de l'œuvre d’immoral[1]. Gustave Bourdin, journaliste au quotidien Le Figaro fut le premier à dénoncer "un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit, à toutes les putridités du cœur" [2]. Pourtant, le recueil connaîtra un immense succès et deviendra une œuvre majeure de la littérature française, ouvertement respectée par les plus grands, de Gustave Flaubert à Victor Hugo.
La section Tableaux Parisiens (postérieur au procès) contient deux poèmes particuliers sur les femmes et lui servent à dépeindre le paysage parisien auquel il attribue le sobriquet de "Ville-femme". Il évoque l'émergence de l'urbanisation et le début des femmes travailleuses. Il poursuit en décrivant la beauté moderne et les femmes qu'il observe. Dans les trois poèmes "À une passante", "À une mendiante rousse" et "Les petites vieilles", il dépeint la beauté et la laideur, les pointant du doigt, illustrant dans ces portraits sa vision de "l’idéal" et du "spleen". Sa description de la gente féminine qui compose ce tableau urbain est fortement influencée par les femmes de sa vie - toutes des incarnations de fantasmes stéréotypés: ses différentes maîtresses, les prostituées dont il s’entoure et la présence écrasante de sa mère. La femme est quasi-obsessionelle chez cet homme pourtant misogyne, et cette évidence apparait au lecteur tandis que Baudelaire transforme l’individuel féminin en symbole dans chaque poème.
À une passante (Tableaux Parisiens)
Le texte “À une passante” dépeint la lutte personnelle de Baudelaire avec le féminin dans ce qu’il a de pur et de diabolique évoquant la joie et la misère qu’il lui cause. Dans ce poème, Baudelaire raconte sous forme de monologue une rencontre amoureuse entre lui et une femme inconnue sur laquelle il projette ses fantasmes. Assis dans un café (“moi, je buvais,”), il narre l’éblouissement qu’elle provoque, mais aussi la volatilité et l’impossibilité de leur amour. Il affirme que cette impossibilité est due au cadre urbain d’un Paris bruyant et saturé: “La rue assourdissante autour de moi hurlait.” Pour le poète, la femme symbolise “l’or”, la beauté éternelle et inchangée; quant à la ville de Paris, elle est synonyme de “boue”. Ce contraste met en avant la femme mais devient la cause de son plus grand déséspoir: “La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.” L’ambivalence entre la souffrance et la joie que lui procurent les femmes est bien présente. Ce regard écartelé s’ancre dans sa propre vie amoureuse. Baudelaire vit une ambiguïté permanente dans son rapport avec elles. Son premier amour avec Jeanne Duval est physique et destructeur, elle devient sa maîtresse en 1842. Mais un tel amour passionnel est trop compliqué à vivre au quotidien. Il trouve ensuite en Marie Daubrun un refuge d'amitié et d’amour mystique (1847). Celle-ci disparait pour laisser place à Apollonie Sabatier qui incarne encore un troisième idéal: figure d'ange, intouchable et inaccessible. Avec elle, il trouvera un équilibre précaire en 1852. Mais il se lasse de cet amour simple et retrouve la passion dévastatrice de Jeanne Duval en 1855. Ce va-et-vient entre les extrêmes provoque une grande insatisfaction chez Baudelaire qui le pousse à rechercher un amour pouvant être à la fois idéal, sans ennui et sans luxure.
"À une passante" est une vaine tentative de trouver l'amour parfait, jouant l’amant contrarié mais révélant surtout son incapacité à voir les femmes autrement que par le filtre de ses fantasmes. Cette représentation idéalisée se retrouve dans ses autres poèmes comme autant de "beautés de vignettes"[3], quelque chose qui n'est pour lui qu'imaginaire. Il ne se mariera pas et témoignera plus tard de sa frustration dans ses journaux intimes: “il y a en tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan.” [4]
À une mendiante rousse (Spleen et Idéal)
“À une mendiante rousse” explore les exclues de la société - les femmes “perdues”, qui ont pour lui une beauté particulière même si - ou peut-être parce - qu’elles incarnent le mal et lui sont interdites. Baudelaire décrit la pauvreté de la société usant de la femme comme métaphore. Il observe ses vices grossiers, ses défauts et ses s ("corps maladif", "maigre nudité", "lorgnant-en-dessous"). Le poète dresse un tableau de sa laideur mais paradoxalement fait valoir sa véritable beauté : "Ô ma beauté.", "Á sa douceur." Cette tension entre l'idéal et le spleen apporte une touche de modernité que Baudelaire injecte dans sa vision de la condition féminine : il voit le bon dans le mauvais. À cet instant, le poète projette sa propre vie dans la “mendiante rousse”: il voudrait la faire prospérer comme les autres femmes qu'il a précédemment fréquentées. Au moment où Baudelaire esquisse le poème, il s'entoure de nouvelles personnes, souvent en présence de prostituées et de femmes de classe défavorisée.
Il fait voyager la mendiante rousse dans un autre monde ou une autre partie de la société. Mais il la distingue aussi de sa propre condition. La femme est ici d’une beauté naturelle, souillée par son statut social. Il dit même dans son journal intime: "La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable (...) Aussi est-elle toujours vulgaire, c'est-à-dire le contraire du ``Dandy" [5]. Ce contraste renvoie à cette idée : le personnage décrit est son contraire, mais il a quand même un côté "naturel", ce qui le révolte à cause de sa réalité, loin des richesses imaginaires dont il veut la couvrir (parfum, perles, diamant...). Cassant de nouveau les codes, Baudelaire vante la beauté d’une femme rousse, - une couleur qui n'était pas jugée attrayante.
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