Charles Perrault, La Barbe Bleue

Charles Perrault La Barbe Bleue

        Le XVII° siècle est l’âge d’or du classicisme en France, mais au moment où Charles Perrault écrit, il est remis en question lors de la célèbre Querelle des Anciens et des Modernes, que Perrault lui-même déclencha. Les Contes de ma Mère l’Oye, publiés en 1697, s’inscrivent dans ce contexte littéraire car ils puisent leur matière dans le fonds populaire et traditionnel français. De plus, Perrault est le premier à donner une forme littéraire à un genre d’origine orale et considéré comme mineur. La Barbe Bleue fait partie de ce recueil de « contes du temps passé » et raconte les mésaventures d’une jeune femme qui épousa ce meurtrier sanguinaire et qui, à cause de sa curiosité, faillit perdre la vie. Notre extrait constitue l’incipit du conte et relate la première rencontre de Barbe Bleue avec sa future femme. Tout en nous livrant un conte, Perrault s’attache aussi à mettre en garde son lecteur, par conséquent nous nous demanderons dans quelle mesure ce conte est surtout un apologue. Tout d’abord, nous analyserons les composantes d’un récit merveilleux, mais nous montrerons qu’elles sont peu abondantes et qu’elles rappellent surtout la société du XVII°. Enfin, grâce à cet extrait, nous caractériserons l’apologue, genre argumentatif à la fois divertissant et didactique.

I Composantes d’un récit merveilleux : le conte

a) C’est un texte narratif, début de l’œuvre, situation initiale du conte, temps du récit : verbes à l’imparfait pour les passages descriptifs et verbes au passé simple pour les actions de premier plan.

Même si ce n’est qu’un extrait, ce passage constitue un épisode entier. Son déroulement respecte le schéma narratif : SI : description des personnages : un homme repoussant à la barbe bleue, une voisine et ses deux filles l 1 à 8 ; EP il en demande une en mariage l 9-10 ; Péripéties : dégoût des filles, séjour à la campagne l 10 à 20 ; ER loisirs et plaisirs l 20 à 24 ; SF la cadette change d’avis et accepte l 25 à 27.

b) Indétermination du lieu et de l’époque est propice à l’émergence du merveilleux : «  Il était une fois », pas d’année, pas de date et ligne 2 « à la Ville et à la Campagne » : imprécision géographique, Majuscules aux noms donc visée généralisante du texte. L19 On ne sait pas dans quel endroit Barbe Bleue les emmène. Tout cela déplace l’action dans un monde non identifiable, coupé de la réalité. Cet éloignement favorise l’émergence du surnaturel.

c) Le merveilleux : assez discret ici, il se manifeste par une particularité physique : l 4-5, cette laideur est placée sous le signe du malheur et du dégoût l.6. Cela en fait un homme anormal, étrange et inquiétant. Aucune autre partie de son physique n’est décrite, il est désigné par sa barbe bleue, c’est une synecdoque qui devient un surnom pour désigner le personnage, C'est un cas particulier de métonymie:

On prend le tout pour la partie ou la partie pour le tout.

Ex: le tout pour la partie;
Metz a gagné la finale (pour «les joueurs de l'équipe de foot de Metz»...)

La partie pour le tout:
Les voiles prennent le départ (pour «les bateaux à voiles»)

Un autre détail renforce cette étrangeté : la disparition de ses précédentes épouses l15.  

Transition : Tous ces aspects caractérisent le conte, mais la faible présence du merveilleux trahit la volonté de Perrault de se rapprocher au plus près de la société de l’époque.

II Des rappels constants d’une réalité humaine :

1. des personnages humains stéréotypés : volonté de renvoyer à des types bien identifiables :

• homme célibataire aisé qui cherche une épouse
• une mère qui a deux filles à marier
• dispute entre sœurs bonnes à marier

Les personnages sont caractérisés par leur physique ( beauté ou laideur) ; par leur sexe ( homme, femme, fille) ; par leur condition sociale « dame de qualité », par leur situation géographique «  une de ses voisines ». Il n’y a pas d’individualisation, cela permet à chaque lecteur de se reconnaître dans une situation, on est tous le voisins de quelqu’un, et n’oublions pas que les contes sont dédicacés à la nièce de Louis XIV, jeune fille de qualité destinée à être mariée.

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