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Charles Baudelaire, les fleurs du mal, dissertation

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Par   •  2 Mai 2023  •  Dissertation  •  2 073 Mots (9 Pages)  •  277 Vues

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Dans "Moesta et errabunda", Charles Baudelaire écrit:

"Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate !Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !"

Dans quelle mesure ces deux vers sont-ils une manière de définir les enjeux de la poésie dans Les Fleurs du mal?

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur votre lecture des Fleurs du mal ainsi que d'autres textes et œuvres que vous connaissez.

Peu après sa publication en 1857, le recueil poétique écrit par Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal est condamné pour “outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs”.  En effet, l'évocation et le traitement des thèmes de la mort, de la sensualité et de la dépression sont jugés scandaleux. Aujourd’hui, Les Fleurs du Mal est considérée comme une œuvre majeure de la littérature française, explorant des thèmes et des enjeux modernes et audacieux. Certains de ces enjeux sont évoqués dans le poème Moesta Errabunda, dans les vers “Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate !Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !”. Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure ces vers définissent intégralement les enjeux de la poésie dans Les Fleurs du Mal. Nous verrons dans un premier temps le motif prédominant du recueil, la métaphore alchimique de la transformation de la boue en or. Puis, nous observerons l’enjeu du Spleen dans l'œuvre et enfin, l’enjeu du recueil de dévoiler une sagesse cachée en passant par de nombreux thèmes.

Premièrement, l’enjeu principal du recueil, l’alchimie poétique, la transformation de la boue en or est évoquée.

En effet, Charles Baudelaire se considère comme un alchimiste poétique. L’alchimie était une pratique occulte du Moyen Âge qui transformait des métaux vils tel que le plomb en métaux nobles tels que l’or. Ainsi, quand Charles Baudelaire écrit dans son projet d'épilogue pour Les Fleurs du Mal, rédigé en 1861 “Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte. Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence. Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or”, il reprend cette fonction d’alchimiste poétique, qui est récurrente dans tout le recueil. Nous pouvons alors constater que la partie du vers “ici la boue est faite de nos pleurs !" fait référence à cette boue, cet espace désespérant, cette laideur que Baudelaire aimerait transformer en beauté. L’Éloge de la beauté, est une idée reprise par de nombreux poètes, tel que Victor Hugo. Dans son poème, « j’aime l’araignée et j’aime l’ortie », le titre montre sa compassion pour tous les être vivants, au delà de leur apparence parfois répugnante. Ainsi lui aussi produit par son écriture poétique la transformation de la boue en or.[a]

Dans tout le recueil, Baudelaire explore plus en détail ce thème. Il s’inspire des romantiques qui faisaient de la beauté le premier critère poétique, tel Alphonse de Lamartine qui disait que “la poésie est l'émotion par le beau”. Baudelaire cherche aussi à montrer le beau, mais à l'instar des romantiques, il l’extrait des choses les plus banales, de la laideur et de la vulgarité, il transforme la réalité.  Il emprunte aussi aux Parnassiens leur notion que la poésie ne doit rien chercher d’autre que la beauté. Baudelaire partage cette vision mais toutefois en voit les limites car il pense que le beau ne peut pas être créé sans émotions attachées, comme il l'écrit, “Congédier la passion [...] c’est tuer la littérature”. Baudelaire produit cet art de la transformation avec de nombreux procédés, par exemple en trouvant de nouveaux sens et vérités aux mots grâce à des procédés d’analogies tels que l'allégorie et la métaphore.[b]

Baudelaire affirme aussi un goût pour le contraste, il allie des termes contradictoires pour en déceler une beauté. Par exemple, dans le poème Au Lecteur qui ouvre le recueil, il écrit “Aux objets répugnants nous trouvons des appâts”. Les termes “objets répugnants” et “des appâts” sont contradictoires, ce qui met en avant la beauté et le charme caché que l’on peut trouver derrière la laideur apparente. D’ailleurs le titre même du recueil est un oxymore. Les Fleurs du Mal désignent et illustrent l'idée que le Mal est paradoxalement attirant, comme une fleur, et que de ce mal, de cette souffrance, peut naître le beau. Son aspiration à devenir un alchimiste poétique permet à Baudelaire d'échapper au Spleen, un autre enjeu phare du recueil.  [c]

L’enjeu du Spleen et de l'Idéal, sous differentes formes, est aussi ressenti dans les deux vers de Moesta Errabunda.

Premièrement, nous pouvons interpréter des deux vers le Spleen de l’auteur sous la forme du temps qui fuit. En effet, le parallélisme de construction de phrase, “Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate !”, ainsi que la double exclamation affirment l’urgence poignante de la situation. La grande terreur de Baudelaire est le temps qui ronge sa vie. Or, la poésie lui offre l'éternité car bien après sa mort, le poète continuera à être lu. L'idéal pour Baudelaire serait donc l'éternité, comme il le montre dans le poème Harmonie du Soir, où le chaos du temps est purifié par une harmonieuse éternité, « le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige ». Baudelaire utilise aussi la poésie pour éterniser son amour. Dans Une Charogne, poème destiné à sa maîtresse Jeanne Duval, il écrit à la fin du poème, “J’ai conservé l’essence divine De mes amours décomposés!”. Il a alors sublimé leur amour et preserve la beauté de la femme par la poésie, pour que celles-ci restent dans le temps et ne finissent jamais. [d]

Spleen et Idéal est le titre antithétique de la plus grande des six sections du recueil. Dans cette section, il décrit son tiraillement entre le Spleen,  une profonde angoisse existentielle, et l'Idéal, la beauté divine absolue. Le poème Moesta Errabunda est un des derniers poèmes de cette section. Dans les deux vers cités en problématique, les mots “enlève-moi”, “emporte-moi”, “loin”, “boue” et “pleurs” expriment le champ lexical de la souffrance. L’envie de l’auteur d'être autre part pour échapper au Spleen donne alors l’espoir qu’un meilleur endroit, un idéal, existe. Or, l’espoir va et vient. Son énergie créatrice se perd dans l’ennui et le fait de ne rien faire, le plonge dans un désespoir profond, comme il le montre, par exemple, dans Spleen LXXVIII, “Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir, Vaincu, pleure et l'angoisse atroce, despotique”. Dans ces deux vers, “l’Espoir” est mis en fin de vers et “Vaincu” en tête de la prochaine, ce qui [e]donne l’impression que ce dernier, pour Baudelaire, détient beaucoup plus de force que l’espoir et la volonté. Pourtant Baudelaire a une volonté, celle d'atteindre l'Idéal. L'Idéal est un absolu de beauté physique, mais aussi de l'âme. Pour atteindre l'Idéal, il considère que le poète doit se nourrir de sa tristesse, car c’est dans le désespoir qu’on reconnaît la beauté. Cependant à chaque fois qu’il se rapproche de l'Idéal, il se rend compte qu’il ne l’atteindra jamais, ce qui le replonge dans le Spleen. De plus, en mettant le pronom personnel possessif « nos » devant « pleurs » dans les deux lignes du poème Moesta Errabunda, l’écrivain aborde brièvement l’idée que cette mélancolie est un sentiment partagé, et que de ce fait, la société elle aussi est malheureuse.

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