Analyse de la mort de Manon
Analyse sectorielle : Analyse de la mort de Manon. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar loyer4 • 9 Avril 2025 • Analyse sectorielle • 2 383 Mots (10 Pages) • 39 Vues
Analyse linéaire n° 3 : La mort de Manon (poly, du début à ligne 26 « la mort sur sa fosse »)
Introduction
NB : Elle est trop longue pour l’oral mais complète pour réviser. N’hésitez donc pas à effectuer des coupes ou à reformuler.
En bleu, les étapes détaillées de l’introduction. En gras, les éléments qu’il me semble importants d’évoquer pour préparer l’interprétation.
- Blabla habituel autour du roman
- Situation large de l’extrait à partir des évènements qui le précèdent :
- Après avoir vécu de longs mois dans la tranquillité au Nouvel Orléans [car le Gouverneur les croit mariés], Des Grieux et Manon se heurtent une nouvelle fois à la concupiscence des hommes envers cette dernière. Le Gouverneur s’oppose à leur mariage afin de favoriser son neveu Synnelet. Les suppliques de Des Grieux – qui s’humilie par amour - n’émeuvent pas le vieillard.
- Le sort (tragique) provoque une rencontre avec Synnelet ; les deux hommes décident de régler leur différend lors d’un duel. Des Grieux croit avoir tué son adversaire et la seule solution restante aux amants semble être la fuite.
- Resserrement autour du passage avec le résumé de l’action :
- Notre extrait est le récit de la fin de cette fuite qui s’achève avec la mort de Manon et son enterrement. Ce passage pose néanmoins question.
- Tout d’abord, Manon meurt d’épuisement alors qu’elle n’a marché que « deux lieues » (p. 195, lignes 2130-2131), c’est-à-dire neuf kilomètres. Cet épuisement n’est donc guère vraisemblable.
- Est-elle trop affaiblie par sa déportation en Louisiane ainsi que par la frugalité et l’inconfort relatif de sa vie ? 🡪 Cf la citation sur Manon et l’argent.
- L’obligation d’épouser Synnelet contre son gré, les risques encourus par Des Grieux pour empêcher cette union forcée ont-elles été les aventures romanesques de trop ?
- Des Grieux insiste bien sur son état lorsqu’il rentre chez eux : Manon est « à demi morte de frayeur et d’inquiétude » (p. 194, lignes 2084-2085). Le choc de l’annonce de la nouvelle de la mort de Synnelet, la blessure de Des Grieux et la nécessité de fuir ont-ils été les
- Mais cela ne suffit pas à rendre totalement crédible cette mort par épuisement.
- Ensuite, Manon meurt dans une « vaste plaine » (p. 195, l. 2134 - 2135), sans végétation ; c’est une « campagne couverte de sable » (p. 198, l. 2189 / poly l. 31). C’est donc un désert, un lieu très symbolique qui renvoie à la marginalité des personnages. Manon doit mourir loin de toute société, puisqu’elle est marginalisée, déportée, jugée indigne de demeurer dans le monde.
- Problématique et annonce du plan
Dans ce passage, le lecteur sent bien que l’abbé Prévost cherche moins le réalisme et la vraisemblance que le pathétique. (3 versions différentes de problématique)
- Nous nous demanderons donc quelle image le récit de la mort de Manon donne des personnages ?
- Nous nous demanderons donc dans quelle mesure le récit de la mort de Manon offre une image anoblie de personnages que le récit aura pourtant condamnés à la marginalité.
- …… réconcilie les personnages avec leur innocence originelle ?
- Nous étudierons ce passage en nous intéressant tout d’abord au prologue pathétique qui annonce la funeste issue de l’amour. Puis nous analyserons la douce mort offerte au personnage de Manon, avant d’observer les ravages de la douleur chez Des Grieux.
Analyse
Un prologue pathétique (l.1 à 4)
- Des Grieux éprouve de la difficulté à raconter la mort de Manon.
C’est un motif issu d’une tradition littéraire qui exprime les limites du langage à dire ce qui cause une émotion trop puissante et qui remonte à Virgile [ (horresco referens, « je frémis en racontant », lit-on dans l’Énéide, source NRP). 🡪 pas nécessaire de le dire, c’est pour votre culture et la mienne ]
- En effet, la brièveté des 3 premières phrases contraste avec l’habituelle éloquence / volubilité de Des Grieux.
- De plus, il semble accorder aux pleurs un pouvoir de relais du langage (« le pleurer »).
- Malgré cette difficulté et cette perte de volubilité, ces premières phrases sont marquées par le recours à de nombreuses hyperboles. L’hyperbole initiale « un récit qui me tue » est un topos (un lieu commun, habituel) qui exprime l’épreuve que constitue le fait de raconter. Elle est prolongée par une série d’hyperboles ultérieures (« qui n’eut jamais d’exemple », « Toute ma vie ») dans lesquelles on retrouve le style propre au personnage.
- Cependant, on notera que l’antithèse « me tue » vs « Toute ma vie » remotive ce que la formule « un récit qui me tue » peut avoir de convenu et d’affaibli. Si Des Grieux suggère ainsi qu’il est mort en même temps que Manon, il s’agit une mort métaphorique.
- Paradoxalement, l’impossibilité de raconter semble pourtant une épreuve déjà vécue : « chaque fois que j’entreprends de l’exprimer » 🡪 nous l’apprendrons plus tard, Des Grieux a déjà raconté au moins une fois la mort de Manon, à son ami Tiberge. Ainsi Des Grieux subit un châtiment tragique, une peine toujours recommencée et ravivée par le récit. On peut effectuer un parallèle avec certaines grandes figures mythologiques (Sisyphe et son rocher, Prométhée et son foie…)
- La tonalité de ce prologue est clairement pathétique et tragique, comme le montre le lexique : « malheur », « destinée », « pleurer », « tue », « horreur ».
CCL du passage : Le retardement du récit de la mort autorise donc deux effets.
- Il permet d’abord de créer une attente, qui n’est pas un suspense (on ne se demande pas vraiment ce qui va se passer, car arrivé à ce point du roman on le devine), mais, comme dans la tragédie, une attente (on se demande comment cela va se passer, comment l’issue fatale va arriver).
- En outre, ce prologue participe à apitoyer le lecteur : Adresse directe à Renoncour par le biais de l’impératif et du présent d’énonciation qui coupe le récit pour retourner vers le « dialogue » : (« Pardonnez », « Je vous raconte »). A travers Renoncour, c’est aussi le lecteur qui est pris à partie. Cela permet de réembrayer le mécanisme d’empathie qui permet la réussite du registre pathétique mis en œuvre par le lexique.
Une mort douce (l. 4 à l. 18)
- Le point de vue narratif adopté pour raconter la mort de Manon est celui de Des Grieux. Il s’agit donc d’une focalisation interne :
- la formule « Je m’aperçus »
- les indices liés aux perceptions tactiles et auditives : « en touchant ses mains », « ses soupirs », « serrement de ses mains », « d’une voix faible ».
- Cela favorise la mise en place du registre pathétique, puisque le chevalier ne peut qu’être ému de l’affaiblissement fatal de son aimée ; mais cela oblige également le lecteur à se fier entièrement au seul récit de Des Grieux (seul témoin, donc seule médiation possible pour accéder aux derniers instants de Manon) et à refermer ainsi le mystère de Manon sur lui-même. Jusqu’à la fin, nous n’entendrons pas la voix de Manon.
- L’amour semble ici triompher au moment même où Manon va disparaître. La tendresse mutuelle des amoureux est manifestée par leurs attentions réciproques :
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