Étude d'une Lettre Ouverte à Monsieur Paul Faber de Boris Vian
Dissertation : Étude d'une Lettre Ouverte à Monsieur Paul Faber de Boris Vian. Recherche parmi 299 000+ dissertationsPar zb6250 • 11 Juin 2014 • 679 Mots (3 Pages) • 2 303 Vues
Boris Vian, « Lettre ouverte à Monsieur Paul
Faber », conseiller municipal (1955)
Dans cette lettre adressée à un conseiller municipal de l’époque, Boris
Vian, poète, romancier, critique musical et chansonnier, justifie sa chanson
« Le déserteur » (cf. texte annexe), dans laquelle il clame son refus
d’aller se battre en Indochine.
« Non, Monsieur Faber, ne cherchez pas l’insulte où elle n’est
pas et si vous la trouvez, sachez que c’est vous qui l’y aurez mise. Je dis
clairement ce que je veux dire ; et jamais je n’ai eu le désir d’insulter les
anciens combattants des deux guerres, les résistants, parmi lesquels je
compte bien des amis, et les morts de la guerre - parmi lesquels j’en
comptais bien d’autres. Lorsque j’insulte (et cela ne m’arrive guère) je le
fais franchement, croyez-moi. Jamais je n’insulterai des hommes comme
moi, des civils, que l’on a revêtus d’un uniforme pour pouvoir les tuer
comme de simples objets, en leur bourrant le crâne de mots d’ordre vides
et de prétextes fallacieux. Se battre sans savoir pourquoi l’on se bat est
le fait d’un imbécile et non celui d’un héros ; le héros c’est celui qui
accepte la mort lorsqu’il sait qu’elle sera utile aux valeurs qu’il défend.
Le déserteur de ma chanson n’est qu’un homme qui ne sait pas ; et qui
le lui explique ? Je ne sais de quelle guerre vous êtes ancien combattant -
mais si vous avez fait la première, reconnaissez que vous étiez plus doué
pour la guerre que pour la paix ; ceux qui, comme moi, ont eu 20 ans en
1940 ont reçu un drôle de cadeau d’anniversaire. Je ne pose pas pour
les braves ; ajourné à la suite d’une maladie de coeur, je ne me suis pas
battu, je n’ai pas été déporté, je n’ai pas collaboré - je suis resté, quatre
ans durant, un imbécile sous-alimenté parmi tant d’autres - un qui ne
comprenait pas parce que pour comprendre il faut qu’on vous explique.
J’ai trente-quatre ans aujourd’hui, et je vous le dis : s’il s’agit de défendre
ceux que j’aime, je veux bien me battre tout de suite. S’il s’agit de tomber
au hasard d’un combat ignoble sous la gelée de napalm, pion obscur
dans une mêlée guidée par des intérêts politiques, je refuse et je prends
le maquis. Je ferai ma guerre à moi. Le pays entier s’est élevé contre la
guerre d’Indochine lorsqu’il a fini par savoir ce qu’il en était, et les jeunes
qui se sont fait tuer là-bas parce qu’ils croyaient servir à quelque chose
- on le leur avait dit - je ne les insulte pas, je les pleure ; parmi eux se
trouvaient, qui sait, de grands peintres - de grands musiciens ; et à coup
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