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Proposition de commentaire composé, Les Bonnes, Jean Genet

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Par   •  13 Février 2024  •  Cours  •  1 356 Mots (6 Pages)  •  184 Vues

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Proposition de commentaire composé, Les Bonnes, JGenet

Ce passage se situe à la fin des Bonnes : dans cette pièce, publiée en 1946, Jean Genet, écrivain génial de l’érotisme et de l’homosexualité, transpose un fait divers fameux de son temps : la révolte de deux domestiques, les soeurs Papin en l’occurence, contre l’autorité inique de leur maîtresse. Les sœurs, Solange et Claire, jouent à Madame et à sa bonne. Mais loin de s’en tenir à cette mise en scène banale - ce qui serait trop facile -, elles envoient à la police, une lettre de dénonciation à l’encontre de Monsieur. Or, au lieu de briser le couple et la paix du ménage, elles fournissent à leur maîtresse l’occasion inespérée de tenir un nouveau rôle de choix, celui de l’épouse courageuse et éplorée. Ici, Solange vit son propre délire : elle imagine ce qui se passerait si elle avait tué sa sœur, qu’elle juge lâche devant Madame. Dans ce monologue, la frontière entre le rêve et la réalité virevolte sans pour autant tomber : la violente révolte de Solange s’exprime au travers d’une mise en scène où elle joue tour à tour son propre rôle et celui de Madame, tels qu’elle les imagine.

Ainsi, on pourra se demander comment, à la faveur de ce dédoublement de l’espace théâtral, permis par le monologue, Genet exprime-t-il sa propre révolte contre l’autorité abusive ? Nous examinerons tout d’abord les ressorts de ce monologue, que l’on peut lire comme l’expression au carré de l’angoisse existentielle de Solange (I), puis la théâtralité du passage fera l’objet d’une seconde partie (II), partie qui se penchera notamment sur la mise en scène du fantasme de tuer.

Premier constat, le plus évident, le plus en surface : ce passage, qui constitue un monologue à part entière, fait signe vers la solitude (A), une personnalité brouillée (B) et une revendication très nette de l’identité (C).

La solitude se manifeste tout d’abord par le geste indiqué dans la didascalie “(Elle pousse Claire qui reste accroupie dans un coin.)”. Solange repousse sa sœur, elle s’éloigne dans son propre délire, se retranche dans son asile intérieur. Elle ne supporte pas que Claire cherche à lui faire réintégrer la réalité. Ainsi, le monologue constitue-t-il le signe indubitable de l’incommunicabilité des deux femmes, femmes qui, auparavant, s’entendaient à merveille. Solange renvoie Claire dans le monde de l’autorité, comme en témoigne l’utilisation de la dénomination “Madame” à son endroit. Elle veut s’exclure de la communauté des hommes qui l’humilie, elle, et pour cela, elle rêve d’une mise à mort : “Madame s’aperçoit de ma solitude ! Enfin ! Maintenant je suis seule. Effrayante”. L’angoisse qu’elle voudrait communiquer n’est que l’expression de son propre malaise.

La relation à son interlocutrice n’est pas toujours très claire, puisque Solange utilise la même dénomination pour désigner sa maîtresse et sa sœur. Elle imagine avoir tué sa soeur, mais elle rêve d’éliminer Madame. “Vous ne saurez rien de mon travail. Rien de notre travail en commun”. Il s’agit là, vraisemblablement, des mises en scène auxquelles se livraient les deux bonnes en l’absence de Madame. Claire portrait les robes de sa maîtresse. De plus, Solange imagine son dialogue avec l’inspecteur de police, et, là encore, s’impose un glissement : elle commence à s’adresser à l’inspecteur puis elle converse avec “Monsieur” : “Je fais rire Monsieur ?”. Le monologue suit, avec rapidité, les mouvements d’un esprit en délire, ou, plutôt, d’un monologue intérieur très vif, procédant par association d’images, comme dans un rêve, ou un cauchemar.

Solange ne cesse de revendiquer une identité personnelle : elle veut exister, être reconnue pour ce qu’elle est, fût-ce par et dans le crime : “Mademoiselle Solange Lemercier” peut se lire comme l’expression de sa révolte contre une entité abstraite qui la nie, qui lui impose même d’user de violence pour être. Mais elle revendique aussi le droit d’accomplir les gestes réservés à Madame : elle veut lui ressembler. Ce désir mimétique affecte d’abord sa langue, puisque la domestique utilise la sienne et la singe avec un plaisir consommé, comme le signale la didascalie Elle imite la voix de Madame”.

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