Laurent Gaudé, Eldorado
Commentaire de texte : Laurent Gaudé, Eldorado. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alyssabkt • 5 Mars 2023 • Commentaire de texte • 1 566 Mots (7 Pages) • 341 Vues
Proposition de correction du commentaire, début chap 2 Eldorado
Depuis la fin des années 90, la petite île de Lampedusa, île la plus au Sud de l’Italie, est confrontée à une arrivée régulière de réfugiés en provenance des côtes africaines et tentant d’entrer en Europe de manière clandestine. Ceux-ci s’engagent dans la traversée sur des embarcations de fortune et les morts en mer se comptent à présent par milliers. La question de l’accueil de ces migrants fait débat. Laurent Gaudé, auteur contemporain, s’empare du sujet dans son roman publié en 2006 Eldorado. L’œuvre évoque, en effet, les trajets inverses de deux personnages. Le commandant Piracci, gardien des côtes européennes, ébranlé dans ses convictions par plusieurs événements traumatisants décide en effet de quitter son travail et de faire en barque le parcours inverse des migrants qu’il avait pour mission d’intercepter. En parallèle, le roman retrace le parcours de Soleiman, jeune migrant soudanais, qui, lui, part d’Afrique pour tenter de gagner les côtes européennes. Le premier chapitre a présenté au lecteur le personnage de Piracci dans son cadre, la petite ville de Catane au sud de la Sicile. L’extrait étudié est le début du chapitre 2 qui constitue une sorte de second incipit puisqu’il présente cette fois le personnage de Soleiman, qui n’est pas encore nommé, dans son cadre également. Comment Gaudé cherche-t-il à susciter l’empathie du lecteur pour son personnage de migrant? D’abord cet extrait lui fait découvrir Soleiman. Ensuite, il lui fait ressentir à travers lui le sentiment de l’exil.
Ce début du chapitre deux livre au lecteur des informations sur le personnage.
Ces informations concernent d’abord son état civil. Certains renseignements sont directement fournis. Il concerne son âge, l.37 « j’ai vingt-cinq ans ». On apprend aussi dès la première ligne qu’il a frère « Jamal ». Enfin, le narrateur précise que lui et son frère « [sont] ici des gens que l’on respecte ». Quant aux autres informations, elles ne sont pas livrées directement et c’est au lecteur de les déduire. D’abord, un certains nombres d’éléments descriptifs laissent supposer que le récit dans un ancien pays africain colonisé. Soleiman évoque ainsi l.6 la poussière « encore chaude du soleil de la journée » ou « les orangers »l.25-26. Le toponyme « place de l’Indépendance » et les prénoms des personnages « Fayçal » et « Jamal » viennent confirmer cette hypothèse. Cependant, le pays n’est pas clairement nommé. Ensuite, le thème de départ est omniprésent grâce aux verbes d’action employés : « Nous partirons » l.9, « ce pays que je vais quitter » l. En outre, le connecteur temporel « cette nuit » l.11 et la phrase constituée d’un seul complément circonstanciel de manière « Sans rien leur dire » évoquent un départ clandestin. Le lecteur suppose donc qu’il a affaire à un de ces migrants que le commandant Piracci doit empêcher d’entrer en Europe.
Ensuite, le passage dessine également un portrait moral du personnage. Une nouvelle fois les informations sont suggérées sans être fournies directement. Ce qui est surtout mis en avant, c’est la relation fusionnelle qui existe entre Soleiman et son frère. Le prénom de ce dernier apparaît dès la première ligne puis il est évoqué dans la première phrase de chaque paragraphe : « Je suis avec mon frère Jamal », « Jamal gare la voiture. »…L’union qui les relie est exprimée par le double chiasme dans les trois derniers paragraphes ( « Je regarde mon frère qui contemple»/ « Je contemple mon frère qui regarde »/ «« Je regarde mon frère qui contemple» )et l’emploi récurrent du pronom « nous » qui laisse penser qu’ils ne peuvent agir l’un sans l’autre. Ils apparaissent ainsi en parfaite symbiose, se comprenant immédiatement sans parler. Le texte insiste sur l’absence de parole « Je ne dis rien »/ « Jamal ne dit pas un mot » et précise par deux fois « Je sais ce qu’il pense ». Le passage révèle également la lucidité dont fait preuve Soleiman. Ainsi l’anticipation au futur « Là où nous irons, nous ne serons rien » traduit son réalisme, il ne se fait pas d’illusion sur ce qui l’attend en Europe.
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