La Fontaine, les fables
Commentaire de texte : La Fontaine, les fables. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tina2024 • 17 Juin 2024 • Commentaire de texte • 2 698 Mots (11 Pages) • 107 Vues
Les fables de La Fontaine apparaissent comme un condensé de la sagesse populaire. Les préceptes qui les accompagnent sont souvent devenus des proverbes ; nous avons tous appris dans notre enfance Le Lièvre et la Tortue ou Le Corbeau et le Renard et nous savons depuis que « Rien ne sert de courir/ Il faut partir à temps » ou que « Tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute ». + biog de LF + Dans Le Loup et le Chien pourtant, fable 5 du livre I, on ne trouve pas de précepte ni de devise ; La Fontaine met en scène la rencontre d’un chien épris de confort et d’un loup amoureux de la liberté mais il ne nous invite pas pour autant à suivre une règle de comportement.
Devons-nous alors penser que cette fable-ci ne possède pas d’enseignement moral ?
Nous étudierons tout d’abord l’art du récit et la manière dont le fabuliste suscite en permanence l’intérêt du lecteur ; nous montrerons ensuite comment chacun des animaux incarne des traits de caractère et des comportements humains, enfin nous nous interrogerons sur la portée morale de cette fable.
- l’Art du récit
- une rencontre théâtralisée :
Voilà la dimension dramatique de la confrontation : Le narrateur décrit en un vers la situation effrayante du loup (« Un loup n’avait plus que les os et la peau » v. 1, avec une restriction qui met en relief son physique famélique), puis la narrateur oppose à ce pauvre animal le chien, plein de santé, comme le suggère la comparaison : « Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau » (v.3). Tout est dit en très peu de mots : la détresse du loup et le risque d’un combat. Tout dans ce récit est dirigé vers l’action : le contraste et la confrontation entre les deux animaux, les verbes d’action (« il rencontre », « l’attaquer, le mettre en quartier »), les vers courts (huit syllabes) et la série d’enjambements qui traduisent la suite ininterrompue d’observations et de décisions :
« L’attaquer le mettre en quartiers,
Sire loup l’eût fait volontiers
Mais il fallait livrer bataille.. » (v. 5-7)
C’es termes montrent aussi la pensée du loup, fidèle à lui-même, cruel et sauvage, mais ici aussi stratégique car il évalue ses chances de succès. Notons aussi qu’il y a un suspense. 1ère surprise : dans la nature le loup devrait normalement venir à bout du chien mais ici la situation est indécise : Que va-t-il se passer ? 2e surprise : Deux vers donnent un complément d’explication : le loup est chassé par les chiens. Ce n’est plus l’image glorieuse du Loup.
- Coup de théâtre v32-35 : à travers la série de questions quand le Loup découvre le col du chien pelé. Elles s’apparentent à des stichomythies.
- Nous entrons alors dans une petite scène de comédie.
- Le récit et le discours sont alternés :
v.1-4 : situation initiale + élément déclencheur
v.5-9 point de vue interne du loup
v.10-12 : encore de façon inattendue, c’est le loup qui cherche le dialogue
v.30-31 : le loup nous surprend encore par ses pleurs, il devient attendrissant. Il est impulsif.
Le discours : il occupe une place prépondérante : tirade du chien v.13-29
Puis saynète v.33-40 et stichomythies / coup de théâtre.
Globalement, le narrateur intervient peu et s’efface. On le voit dans le dernier vers pour donner l’épilogue : « Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encor ». Remarquons que ce dernier vers est un mélange de récit (« maître loup s’enfuit » , passé simple, temps du récit) et de discours (« et court encor » : présent de vérité générale ou peut-être vrai présent, comme s’il s’adressait directement au lecteur.
Ainsi récit et discours se mêlent intimement sans qu’il n’y ait de temps mort.
- Des procédés pour varier la forme et plaire :
- hétérométrie (alexandrins, octosyllabes et décasyllabes) Rapidité des octosyllabes (en lire en modèles)
- Enfin, la versification en vers libres apporte rythme et vivacité au récit. Au rimes plates et aux vers courts du début succèdent des rimes embrassées (v. 15 à 25) et une alternance de vers de huit syllabes et d’alexandrins (v. 13, 21, 23, 25, 27, 30) puis des rimes croisées et un rythme plus irrégulier : nulle monotonie dans ce poème. Le vers libre accompagne les inflexions de la voix, le passage de la tension au relâchement. Les vers courts du début, au rythme nerveux, (v. 5 à 9) suggèrent l’agitation du loup, puis tout se calme quand le dialogue s’instaure …
Le grand art du conteur est de nous faire vivre cette fable au lieu de simplement nous la raconter.
- on peut aussi commenter les temps du récit qui sont très variés : v. 3 présent de narration « rencontre », (v.10 et 30 aussi) ; v.41 : présent de vérité générale.
- Enfin, beaucoup d’enjambements qui font de ce récit un récit dit avec naturel (l’enjambement permet de longues phrases comme à l’oral) : v.5-6, v.8-9, v.13-14, v.23-24 etc.
II- Un dialogue animé :
a- Une fine analyse du comportement
Voyons maintenant comment ces animaux incarnent des traits de caractère et des comportements humains.
Nous pouvons remarquer que l’un des personnages est animé d’émotions violentes et change sans cesse de comportement tandis que l’autre est calme, déterminé, figé dans ses certitudes.
Chien et Loup peuvent ici représenter les nobles (ceux qui vivent loin de la cour et les courtisans), en effet, ils en ont adopté le langage : v.4, 13, 20.
- Le discours du chien fondé sur la persuasion : tenter le Loup de le rejoindre.
Le chien compare sa prospérité à la misère des loups. Il est satisfait de lui pour deux raisons : il mange à sa faim et vit en paix. La question de la nourriture est celle qu’il aborde en priorité quand il se décrit (« être aussi gras que moi »), quand il décrit la vie des loups (« mourir de faim », « point de franche lippée » ) et plus loin quand il évoque ses repas. Cette préoccupation était sans doute beaucoup plus sensible au XVII° siècle quand le risque de famine faisait partie de la vie quotidienne. Ce qui importe au chien, en plus d’être bien nourri, c’est que cette nourriture vienne sans effort et sans risque : la « franche lippée » (v. 19) désigne un bon repas qui ne coûte rien.
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