En quoi et comment la poétique de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal, permet-elle de réinventer le monde ?
Dissertation : En quoi et comment la poétique de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal, permet-elle de réinventer le monde ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Vedda • 9 Janvier 2024 • Dissertation • 3 274 Mots (14 Pages) • 163 Vues
En quoi et comment la poétique de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal, permet-elle de réinventer le monde ?
« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Telle est l’idée du parcours associé Alchimie poétique : la boue et l’or, largement inspiré de la citation de Charles Baudelaire dans l’épilogue de la deuxième édition des Fleurs du Mal. Ce parcours cherche à démontrer l’aptitude de la poésie à transformer, grâce au travail d’écriture sur la matière poétique, et à fusionner des éléments, des idées, des concepts originellement opposés tels que le faisaient les alchimistes du XIXème siècle. Ces derniers voulaient en effet essayer de transformer le plomb en or. Dans le cas de la poésie et de la prose, le poète devient donc une sorte de chimiste qui change selon son bon vouloir le laid en beau, l’idéal en spleen ou encore le moral en immoral. Il va chercher, par la modélisation du langage poétique, la fusion des contraires, de deux éléments de nature et de connotations antinomiques. Le recueil de poèmes du célèbre Charles Baudelaire intitulé Les Fleurs du Mal, recueil divisé en cinq sections et dédié à Théophile Gautier que Baudelaire admirait s’inscrit dans le parcours d’Alchimie poétique. Son titre est en réalité une métaphore qui évoque la fusion des contraires, fil rouge de l’œuvre et du parcours. Ce recueil fit scandale à sa sortie en 1857 au point d’être censuré. Il sera par la suite republié dans plusieurs versions. Quant à Charles Baudelaire, pour mieux comprendre son œuvre et sa poétique, il est intéressant de rappeler qu’il fut un fameux critique, poète essayiste français né en 1821 à Paris et mort en 1867. Il fut aussi éperdument amoureux de Jeanne Duval, une prostituée métisse qu’il considérait comme sa muse. Cette relation, bien que critiquée car étant à l’encontre de la bien-pensance de l’époque et de la doxa commune, est caractéristique de la vie du Baudelaire dont la vision du monde fut très controversée. Nous pouvons donc nous demander en quoi et comment la poétique de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal, permet-elle de réinventer le monde ? D’abord dans un premier temps, nous traiterons le refus de Baudelaire du Monde tel qu’il est. Ensuite, dans un deuxième temps, nous montrerons que le langage poétique lui permet de reconfigurer son rapport au Monde. Enfin, dans un troisième temps, nous expliciterons l’interrogation de la place du poète, de l’être humain dans le Monde.
Premièrement, Charles Baudelaire exprime à travers sa poétique, un certain refus du Monde tel qu’il est, de la doxa commune ou encore du formalisme.
Pour commencer, le poète en tant que bon alchimiste va faire fusionner l’or et la boue ; l’opinion publique et la bien-présence qu’il abhorre ne vont pas l’empêcher non plus de choquer les mentalités et de créer une partie de sa poétique sur l’immoralité. En effet, le poète n’hésite pas à aborder des thèmes jugés immorales comme la sexualité décomplexée qu’il l’évoque dans le poème érotique, censuré à sa parution, « Les Bijoux » dans la section « Spleen et Idéal » où il évoque une femme :
« La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
[…]
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité »
Le caractère érotique de sa poétique est ici clairement exprimé, tout comme il l’est aussi, de manière plus obscène « Une Charogne » dans la section « Spleen et Idéal ». Il compare ici la femme à un cadavre qui ouvre la voie à une autre forme d’immoralité qu’est le sarcasme de la mort en ajoutant en plus une connotation sexuelle dégradante au macchabée, alors que c’est en réalité une réécriture du Carpe Diem :
« Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
[…]
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point »
Autres objets poétiques introduits par Baudelaire, l’ailleurs et le rêve. Lui qui ne supportait pas le formalisme et le pragmatisme, il est logique que son travail poétique se soit, à un moment donné, tourné vers cet Idéal qu’est le rêve, qui lui permet d’échapper la triste et ennuyeuse monotonie de la vie. Ce rêve de voyage de Baudelaire est exprimé dans plusieurs poèmes. Par exemple cette recherche d’un ailleurs, notamment artistique, est explicitée dans « Les Phares » dans la section « Spleen et Idéal » où le poète associe à chacun de ces phares, qui sont en fait des artistes, à un paysage qui forment ensemble la quintessence de ce qu’est l’ailleurs :
« Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,
[…]
Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs […] »
Mais l’ailleurs chez Baudelaire ne signifie pas seulement des déplacements géographiques dans le Monde, il peut vite tomber dans le thème des drogues qu’il évoque dans son essai « Les Paradis artificiels ». Il y montre les relations qui existent entre la consommation, sa consommation, de drogues et la création poétique. Les drogues que consommait Baudelaire lui donnaient ainsi une impression d’ailleurs qu’il ne trouvait pas dans la réalité. D’autre idées présentes dans l’écriture baudelairienne peuvent aussi être mis en relation avec le rêve et l’ailleurs. Comme la mort qu’il évoque dans « Une charogne » dans la section « Spleen et Idéal » où il affirme, à partir du vers 37, à une possible femme aimée ou à lui-même que la mort est inévitable et imminente et que tous les humains ressembleront à un cadavre, façon implicite du poète, en tant qu’alchimiste du langage, de rappeler que le beau peut aussi se transformer an laid :
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