Dissertation sur Samuel Beckett

Nom : KPOGHOMOU

Prénom : Daouda

Sujet

Elisabeth Angel-Perez, dans l’introduction au Tombeau pour Samuel Beckett (Paris, éditions Aden, collection « Tombeau », 2014), définit ainsi le théâtre de Beckett :

« Tout conspire à éradiquer l’action, l’évènement, le surgissement. Rien ne fait saillie. On n’y trouve rien qu’un monde englué dans une demi-stase, à mi-chemin entre la vie et la mort »

En quoi ce propos éclaire-t-il votre lecture d’En attendant Godot ?

Vous répondrez en vous appuyant sur votre connaissance de l’œuvre au programme.

Traité

L’affirmation d’Elisabeth Angel-Perez dans l’introduction au Tombeau pour Samuel Beckett « Tout conspire à éradiquer l’action, l’évènement, le surgissement. Rien ne fait saillie. On n’y trouve rien qu’un monde englué dans une demi-stase, à mi-chemin entre la vie et la mort » montre l'absurdité du théâtre de Becker avec des contradictions, la synthèse des incongruités, le mariage de l'hilarité et du désespoir, la certitude que l'ordinaire est toujours extraordinaire, l'idée que la "réalité" et la "vérité" sont toujours, dans un certain sens, pliées, tordues, courbées, "insolite de l'univers, banalité quotidienne que seul l'atroce transperce." Dans cette étude, nous essaierons de voir en quoi le théâtre de Samuel Beckett, et plus particulièrement la pièce En attendant Godot, est représentative de cette affirmation. En d'autres termes, en quoi la pièce de théâtre En Attendant Godot s'inscrit totalement dans le genre d'après-guerre du théâtre d’entre la vie et la mort ? Avant de commencer l'analyse, il faut garder à l'esprit que la majeure partie des pièces de théâtre de ce genre ont été créés pour être jouées et non étudiées. C'est la raison pour laquelle, hormis pour les dialogues, nous nous référerons à des représentations théâtrales de cette pièce.

       Beckett est souvent considéré comme le plus grand auteur du XX° siècle. Il était en avance sur son temps. La meilleure façon pour définir sa pièce de théâtre En attendant Godot est ce qu'en a dit un journaliste après une représentation à Londres : « une pièce où rien ne se passe, deux fois ». En Attendant Godot est une pièce circulaire, où le second acte ne fait que répéter le premier. En effet, Beckett a inventé une nouvelle forme de théâtre avec cette pièce : il n'y a pas d'intrigue car c'est une pièce au sujet de l'attente, être en train d'attendre, et s'ennuyer. Il n'y a pas non plus de personnage, dans le sens où aucun des personnages présents sur scène n'ont une solide et vraisemblable identité. Enfin, il n'y a pas de décor, où très peu, comme le petit arbre au fond de la scène. C'est donc une pièce au sujet d'une attente qui n'en finit pas, de la capacité humaine de pouvoir continuer à espérer. C'est au sujet de la routine avec l'idée d'être enfermée, prisonnier dans l'espoir d'être sauvé. La pièce est à propos de la vie en elle-même, au sujet de vivre notre vie tout en sachant que la mort viendra un jour, sans aucun remède existant contre ce fait, et ayant juste l'espoir du salut.

Les deux personnages Vladimir et Estragon sont en train d'attendre Godot, qui ne viendra jamais ; nous sommes d'ores et déjà dans une situation absurde. Puis au cours de leur attente, ils croisent la route de deux autre personnages, Pozzo et Lucky. Dès l'ouverture de la pièce, il apparaît clair pour le spectateur que les deux principaux personnages sont stupides. On peut presque parler de tragi-comédie. Beckett lui-même avait d'ailleurs dit : "rien n'est plus drôle que le malheur". Il s'agit d'un humour très noir, utilisé pour mettre en scène la condition humaine. Nous voyons là le mariage de l'hilarité et du désespoir. Ceci est d'ailleurs accentué dans la pièce par les clowneries, les bouffonneries, les jeux corporels avec le chapeau, ou les chaussures, les répétitions des phrases récurrentes. Beckett retourne ici aux origines du théâtre avec le côté philosophique de la pièce mais aussi les jeux du cirque. Il faut aussi préciser que les personnages ne savent rien non plus au sujet d'eux-mêmes, ou au sujet de leur situation. La seule chose dont ils sont sûrs est qu'ils attendent Godot, de la même manière que la seule chose dont l'être humain est sûr est qu'il va mourir. Les personnages sont presque comme des marionnettes, contrôlés par quelqu'un d'autre. Un autre fait absurde les concernant est qu'ils semblent ne pas pouvoir se supporter l'un l'autre et pourtant, ils ont besoin l'un de l'autre. Ils ont parfois l'air d'agir comme un vieux couple marié. Ils parlent beaucoup de leur douleur physique, et même à un certain moment Vladimir quitte la scène pour uriner. Estragon est aussi toujours très anxieux que la conversation s'arrête. Ils ont peur du silence et c'est la raison pour laquelle qu'ils n'arrêtent jamais de parler. S'ils ne savent plus quoi dire, alors l'un demande « Que fait-on ? » et l'autre répond « On attend Godot ».

Lorsqu'il est question d'étudier cette pièce, il est intéressant de la replacer dans son contexte. En Attendant Godot a été joué pour la première fois en 1949 soit quatre ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, Beckett veut aussi mettre en avant le fait que les êtres humains sont absurdes dans la façon dont ils vivent leur vie. Il fait cet état en ayant dans l'esprit les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, comme s'il voulait trouver une forme littéraire qui puisse exprimer le désordre laissé par cette guerre ; désordre matériel mais surtout psychologique. D'ailleurs, c'est à partir de la fin du XIX° siècle que les hommes, les poètes, les philosophes ont commencé à tenter d'expliquer que la vie n'avait aucun sens. On se souvient de la phrase de Friedrich Nietzsche : "Dieu est mort". Rien n'est sûr dans ce monde, il n'y a aucune stabilité dans les significations. Le monde n'est pas sécurisé ou sécurisant et c’est ce qu’exprime Beckett au travers de cette pièce.

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