Dans la biographie qu'il consacre à Molière, Georges Forestier écrit à propos du Malade imaginaire: « Moliere et Charpentier transfigurèrent en apothéose, bouffonne et sublime à la fois, la satire conventionnelle des médecins » Vous expliquerez

I. En effet, Molière procède dans le Malade imaginaire à une satire en règle de la médecine mais il s'agit de critiques assez conventionnelles pour cette auteur qui n'a eu de cesse d'épingler le corps médical dans ces œuvres.

1. Les médecins sont des charlatans/menteurs qui ne cherchent pas vraiment à soigner mais plutôt à

gagner de l'argent. Ils sont cupides.

Exemples : I, 1: Argan fait ses comptes et s'aperçoit que son apothicaire gonfle ses tarifs pour lui soutirer le maximum d'argent. Les médecins tirent donc profit de la maladie de leurs patients pour s'enrichir. - 1, 2, Toinette dit à Argan que les médecins voit en lui « une bonne vache à lait »; elle sous-entend par cette métaphore que les médecins tirent partie de la crédulité d'Argan, ne cherchant pas à le guérir ou à le détromper sur son hypocondrie mais, au contraire, à surenchérir pour qu'il continue à leur verser de l'argent. C'est une critique qui est récurrente dans l'ensemble de la pièce: ainsi, Béralde ne manque pas de le faire remarquer à son frère = Les médecins mentent à Argan et le maintiennent dans son hypocondrie pour s'enrichir à ses dépends; ce n'est pas la seule critique adressée aux médecins par Molière dans sa pièce car il les caricaturent sans pitié notamment en les faisant s'exprimer de manière ridicule et pédante.

2. Les médecins débitent des paroles toutes faites et manipulent un jargon (voc spécialisé et compliqué en latin, latin macaronique) sans rapport direct avec la maladie du patient. Exemples : Consultation des Diafoirus II, 6 Thomas emploie des formules latines toutes faites et des mots techniques difficiles aux sonorités barbares mais son diagnostic est très hésitant : la rate, le foie, c'est pareil pour lui, il ne distingue pas les différents organes. - Portrait de Thomas Diafoirus au vitriol: dès son apparition sur scène à l'acte II scène 6, Molière le décrit selon une didascalie assassine: « THOMAS DIAFOIRUS est un grand benêt, nouvellement sorti des Écoles, qui fait toutes choses de mauvaise grâce et à contretemps ». = Le savoir des médecins est archaique et dépassé et leur jargon, leurs mots savants en latin, dissimulent en fait leur incompétence que Molière va aussi fustiger.

3. Les médecins sont incompétents car leur savoir est purement théorique, ils n'ont aucune connaissance réelle du corps et de son fonctionnement. Les traitements qu'ils proposent pour guérir sont très limités et parfois dangereux : des clystères et des saignées, ou bien des préconisations diététiques assez hésitantes. Exemple : 1, 1: la liste des traitements qu'Argan a reçus se limite à des traitements laxatifs (lavements). A la fin de la consultation II, 6, M.

Diafoirus lui prescrit de manger du rôti ou bien du bouilli, au choix, et de mettre un nombre pair de grains de sel dans ses œufs (cela relève de la pure superstition). Les médecins sont donc dans l'incapacité d'apporter des solutions réelles au malade pour aller mieux. « La plupart des hommes meurent de leurs remèdes plutôt que de leurs maladies », comme le dit Béralde dans la scène 3 de l'acte III. = A travers des situations cocasses et par le biais du personnage de Béralde qui est d'une certaine façon le porte-parole de Molière, la pièce offre une vision péjorative de la médecine. Molière s'en prend i aux médecins et à la médecine, qui diffuse des savoirs archaïques et cautionne des pratiques douteuses. Nous pouvons donc constater que Molière s'enhardit dans un discours qu'il tenait déjà dans Le Médecin malgré lui ou dans Le Médecin volant : les médecins constituent une engeance dangereuse qu'il convient de ridiculiser; de ce fait, Le Malade imaginaire reste une satire conventionnelle des médecins et de la médecine comme l'affirme Georges Forestier mais il convient de montrer à présent la valeur ajoutée de la pièce.

Il. L'originalité du Malade imaginaire est que cette satire donne lieu à un spectacle plein de fantaisie et de

variété (« bouffon et sublime »)qui va provoquer chez le spectateur des émotions variées.

.1. Molière utilise les ressources de la farce et de la scatolorie : il réduit la médecine à des questions de transit intestinal dans une série de sketchs tout droit tirés de la farce: la scatologie vise à ridiculiser les médecins et leurs malades bien sûr mais le recours à la bouffonnerie comme le souligne Georges Forestier donne un rythme et un comique qui se répète tout au long de la pièce. Exemple : scènes où Argan s'éclipse précipitamment pour aller aux toilettes, ou bien demande à Toinette d'examiner l'aspect et l'odeur de ses selles (L, 1). Sketchs assez grossiers, inspirés du monde de la farce, mais qui font rire à tous les coups : les désagréments digestifs d'Argan, les traitements laxatifs qu'il reçoit, sont à l'origine d'effets comiques appuyés. Ce spectacle bouffon du corps incontrôlable et tyrannique réduit le patient à un pantin soumis à ses entrailles. Dans ces conditions, la pratique médicale

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