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Analyse d'un extrait du roman Le survenant de Germaine Guèvremont

Analyse sectorielle : Analyse d'un extrait du roman Le survenant de Germaine Guèvremont. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  31 Octobre 2024  •  Analyse sectorielle  •  1 309 Mots (6 Pages)  •  69 Vues

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P1: peur du changement/inconnu

Une des différences fondamentales entre le mode de vie des nomades et celui des sédentaires réside dans leur relation avec l'inconnu et le changement. Le nomade s'épanouit dans une existence imprévisible, où les expériences se multiplient avec chaque nouveau jour, où l’on sacrifie les liens durables et profonds au bénéfice de la pluralité des visages. La présence d’un champs lexical du voyageur libre et passionné pour lequel les déplacements sont instinctifs, rendu par des mots tels que « voir du pays » (l. 11 et l. 24), « distance » (l. 25), « départ » (l. 26), « inlassable pèlerin » (l. 26), « route » (l. 27), « grands espaces » (l. 27), « horizons » (l. 27) ou encore « lointains inconnus » (l. 27), témoigne de la nature curieuse propre au nomade. Il se  nourrit de découvertes et d'une insatiable soif de l’inconnu, au point de ressentir un besoin pressant dès qu’il s’éloigne, ne serait-ce qu’un instant, de son mode de vie habituel: « Il était ivre, ivre de distance, ivre de départ. Une fois de plus, l’inlassable pèlerin voyait rutiler dans la coupe d’or le vin illusoire de la route, des grands espaces, des horizons, des lointains inconnus. » (l. 25 à l. 28). Ainsi, le champs lexical de l’ivrognerie, rendu par des mots tels que « ivre » (l. 25), « titubaient » (l. 25), « rutiler » (l. 26), « coupe » (l. 26) et « vin » (l. 27),  extériorise l’envie irrépressible de voyager et de partir du Survenant. La personnification « les mots titubaient sur ses lèvres » (l. 25) ainsi que la métaphore et répétition « ivre, ivre de distance, ivre de départ » (l. 25) viennent mettre en évidence ce sentiment d’impatience. L’allégorie de la « coupe d’or » (l. 26) exprime le ressenti de gloire et de succès qu’associe Venant à la découverte de l’inconnu. À cet instant, il aspire à s'évader vers des horizons lointains, où la différence et le changement l'attendent à nouveau. Ainsi, l’appel de l’inexploré ne cesse de résonner en lui, le poussant à poursuivre son chemin, ce qu’il fera. De toute façon, il n’avait jamais été « des leurs; il ne le serait jamais » (l. 5). Les sédentaires, eux, habitants de Chenal du Moine, « vous autres » (l. 8 et l. 11), ont plutôt une peur de l’inconnu et du changement. Être sédentaire évoque la stabilité, la sécurité, l’enracinement dans la terre et le respect des traditions. Cette existence s’accompagne d’un lien profond avec le territoire et la famille, nourrissant un désir de continuité qui les pousse à établir une routine bien ancrée. Le Survenant critique ce mode de vie figé, qu’il perçoit comme une entrave à l’épanouissement et à l’exploration des richesses du monde: « Non! Vous aimez mieux piétonner toujours à la même place, pliés en deux sur vos terres de petite grandeur, plates et cordées comme des mouchoirs de poche. » (l. 13 à l. 15). En utilisant l’hyperbole « pliés en deux », Germaine Guèvremont illustre l’image d’une personne tournée vers elle-même, capturée dans un quotidien monotone qui empêche toute ambition d’élargir ses horizons. Les adjectifs qualitatifs « petite » (l. 14), « plates » (l. 14) et « cordées » (l. 15) viennent insister sur le caractère modeste des terres sur lesquelles les habitants du Chenal du Moine cohabitent. La comparaison « comme des mouchoirs de poche » fait référence au fait d’être aligné et restreint dans son espace et dans sa capacité d’agir.  Par conséquent, les sédentaires ont une vision conservatrice et traditionaliste de la vie. Ils n’osent pas, ils ne sortent jamais de leur zone de confort. Il restent volontairement enfermés entre quatre murs et ne sortent pas du cadre.

Tandis que le nomade embrasse l’inconnu et le changement avec une curiosité insatiable, le sédentaire se cantonne à une existence sécurisante, par crainte de quitter sa zone de confort et de renoncer à ses traditions.

P2: sédentarité intellectuelle

Les modes de vie sédentaire et nomade viennent s’opposer radicalement dans leur compréhension du monde. Le nomade, ayant exploré et découvert, a acquis, avec le temps, certaines connaissances. Il a appris sur le monde qui l’entoure. Le Survenant critique l’ignorance des sédentaires, qui, eux, n’ont « jamais rien vu » (l. 16). Germaine Guèvremont insiste sur l’expression « voir du pays » (l. 11 et l. 24), répétée à deux reprises dans l’extrait, qui met en lumière que le voyage est plus que du simple déplacement pour le nomade, c’est une façon d’apprendre. Grâce à un champs lexical de la richesse et de la grandeur de l’environnement naturel, rendu par des mots tels que « bucéphale » (l. 18), « troupeaux de milliers » (l. 20), « oies sauvages, blanches et frivolantes » (l. 20), « neige de bourrasque » (l. 21), « neuf milles de longueurs » (l. 21) ou encore « belle anse sur le bleu du firmament » (l. 22), le Survenant tente d’idéaliser et de rendre grandiose le monde en dehors des frontières que se donnent les habitants du Chenal du Moine. L’autrice arrive à donner cet effet grâce à une tonalité littéraire épique, qui vient mystifié le mode de vie du nomade. Elle utilise aussi le pathétique afin d’illustrer le mode de vie banale et routinier du sédentaire. « Sainte bénite, vous aurez donc jamais rien vu, de votre vivant! » (l. 15 à l. 16), s’exclame Venant en utilisant une hyperbole. Il dramatise la situation des sédentaires en exprimant son désaccord envers leurs habitudes casanières. Il constate, au Chenal du Moine, la présence d’une sédentarité intellectuelle dans laquelle les campagnards ont peu de culture dû à leur manque d’expérience. De plus, le nomade nargue les paysans avec ses connaissances: « Vous parlez encore du bucéphale, oui, le plongeux à grosse tête, là, que le père Didace a tué il y a autour de deux ans. » (l. 17 à l. 19). Il connaît le nom de l’oiseau et corrige la mauvaise utilisation du terme « plongeux à grosse tête » qu’emploient les habitants du Chenal du Moine. Cet extrait témoigne donc de l’ignorance des sédentaires et des connaissances du nomade. Il n’est pas surprenant qu’en 1945, dans les débuts de la Grande Noirceur et de la fin du courant littéraire du terroir, un roman qui raconte l’histoire de simples paysans de campagne les décrive comme ayant peu de connaissances. À cette époque, l’éducation n’était pas valorisée comme elle l’est devenue par la suite. Le système éducatif étant dominé par l'Église, limitait l'accès à une éducation laïque et moderne. De plus, beaucoup d'enfants abandonnaient leurs études pour travailler sur les terres. En quelque sorte, la sédentarité peut engendrer une forme de cloisonnement des idées. En effet, le courant littéraire du terroir est caractérisé par une homogénéité craignant la différence par manque d’éducation: « Comme de raison une étrangère, c’est une méchante : elle est pas du pays. » (l. 3) Par ce propos, nous comprenons que le manque de savoir des habitants du Chenal du Moine affecte leur façon d’agir qui se traduit par une forme de xénophobie, de peur de l’étranger, de peur de la différence. En outre, Le survenant de Germaine Guèvremont est considéré comme le dernier grand roman du terroir, car c’est le début d’une reproche envers ce mode de vie. Bien que le roman valorise en quelque sorte la sédentarité et le traditionalisme emblématique de son époque, il lui apporte une critique. En dépeignant le Survenant comme un personnage attachant, Germaine Guèvremont ne donne pas l’impression de médire du mode de vie nomade. En somme, cette opposition met en évidence que, tandis que le nomade accumule des connaissances à travers ses voyages et ses découvertes, le sédentaire, enfermé dans ses habitudes, demeure souvent limité par son manque d'expérience et d'ouverture au monde.

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