La méchanceté
Dissertation : La méchanceté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar _hemma _ • 5 Juin 2024 • Dissertation • 5 093 Mots (21 Pages) • 93 Vues
LEMEUNIER Dissertation
Hemma
CPES 1B
Sujet : La méchanceté
La méchanceté peut se définir le plus simplement comme une disposition volontaire à nuire à autrui. Le propre même de cette dernière est qu’elle est intentionnelle, soit le résultat d’un choix délibéré de nuire. Il faut ainsi la distinguer du mal qui ne résulte pas forcément d’un acte volontaire. La volonté quant à elle se réfère à la faculté de se projeter consciemment et librement vers des fins. Elle permet à l’homme d’échapper au déterminisme qui régit les phénomènes naturels et dans la mesure où elle met en jeu la conscience ou la raison, elle implique la discrimination du bien et du mal. Cela va de pair avec l’existence même de la morale. L’homme régit en effet sa vie sous ce que l’on pourrait appeler la morale. Du latin « mores » qui signifie les moeurs, la morale constitue un ensemble de normes et de règles relatives au bien et au mal propres à une société ou un groupe. L’homme ne peut seulement exister, il a besoin de règles pour agir, pour le guider en jugeant quelle action serait meilleure qu’une autre à réaliser. Ainsi, il détermine ce qui est bon ou mauvais, bien ou mal, juste ou injuste. Mais dès lors que cette distinction émerge, il devient difficile d’envisager que l’on puisse vouloir le mal car cela reviendrait à considérer que l’on puisse de façon consciente et volontaire choisir le mal. Dans cette première vision, il semblerait ainsi que la volonté ne puisse se déterminer qu’au bien. La méchanceté pourrait alors plutôt résulter d’un événement traumatique par exemple. Dans ce cas, l’on pourrait être méchant par mécanisme de défense, il s’agirait d’un choix plutôt contraint que véritablement voulu de manière consciente. La méchanceté ne viserait ainsi pas le mal pour lui-même mais serait bien le produit d’une ignorance avec un caractère instinctif plutôt que prémédité. Elle ne serait pas faire le mal, mais mal faire. Être méchant serait alors non pas commettre une faute, mais bien une erreur car le sens commun distingue les deux termes. La faute suppose plutôt un caractère volontaire, avec le choix délibéré d’une fin mauvaise. Ici l’erreur est involontaire, elle serait une mauvaise compréhension, une erreur d’appréciation sur la véritable nature du bien. En outre, il existe des situations ou il faudrait faire le mal afin d’accéder au bien. L’on pourrait faire preuve de méchanceté si c’est pour accéder à une cause juste par exemple. Dans ce cas faire le mal ne viserait pas le mal pour lui-même mais le bien que l’on pense atteindre. Au contraire, l’idée qu’un homme puisse être méchant volontairement, que son inhumanité puisse résulter d’un choix nous semble contradictoire. C’est pourquoi il est aussi difficile d’admettre que les monstres n’existent pas. Ce sont toujours des hommes qui causent les pires atrocités et cela heurte la morale : c’est un homme comme les autres qui a orchestré la déportation. Une telle possibilité est d'ailleurs trop dure à supporter pour la conscience humaine. C’est la raison pour laquelle l’on a toujours tenté d’attribuer à la méchanceté, non à une intention perverse mais à l'action sur une volonté, par nature définie comme inclination au bien, de quelque chose la dépossédant de son propre pouvoir. Lorsqu'il s'agissait autrefois du diable ou aujourd'hui de la notion d'inconscient, il est très courant d'exclure la volonté de la responsabilité du mal. Pourtant le sens commun diverge et les déclarations d'irresponsabilité pénale sont reçues avec scepticisme voire avec colère. Nul ne peut nier qu'il a conscience de mal agir lorsqu'il ne fait pas ce qu'il doit. Il se sait coupable même s'il est tenté de prétendre le contraire et personne ne s'indigne du sort qui attend les criminels et les délinquants. Faut-il donc accepter l'idée qu'il y a en l'homme une volonté perverse c'est-à-dire une volonté faisant délibérément le choix du mal, voire se réjouissant de faire le mal en sachant que ce qu’est le mal ? Car finalement, l’existence même d’une morale questionne. Elle serait déjà bien révélatrice d’un certain penchant de l’homme à être tenté par le fait de faire le mal, ou montre au moins qu’il n’existe pas chez ce dernier une propension naturelle au bien. Il existe bien des criminels qui semblent sans remords quant à leurs crimes. Les tueurs en série en outre sont une preuve d’une véritable volonté de faire le mal car le crime est alors prémédité. Il s’agirait ici peut-être de l’aveu qu’il existe des méchants par nature. Cependant, cela soulève une nouvelle difficulté : ces derniers ne seraient pas imputables car nul n’est responsable de ce qu’il est déterminé à être. Pour qu’il y ait sens à parler d’une volonté du mal, il faut en fait présupposer une certaine liberté. La volonté du mal serait alors un possible de la liberté. En effet, la méchanceté pourrait relever de ce choix délibéré de ne pas suivre la morale. Celle-ci existe car nous vivons en communauté, avec les autres et se pose directement le problème de ne pas blesser l’autre. Celui qui est méchant décide de ne pas suivre ces règles implicites que même l’enfant applique de manière instinctive. La méchanceté pourrait alors relever d’une forme de liberté car on ne suit pas ces règles imposées par la morale. Supposer cela ferait émerger de la liberté une part très sombre. On voit bien à présent la difficulté à laquelle on est confronté. D'une part il semble que par nature la volonté ne puisse se déterminer qu'au bien, d'autre part que si l'on devait refuser le principe d'une volonté du mal, on exonère les méchants de toute responsabilité. Le jugement moral et la punition perdraient toute légitimité et nos institutions les plus solennelles seraient disqualifiées. La question est de savoir si l'on peut dépasser cette difficulté. Ainsi, comment comprendre que l’homme, alors même qu’il est en mesure de discerner le mal du bien, se détermine au mal ? Dans un premier temps, il semblerait que l’homme soit conditionné à faire le bien. Nous nous attacherons ensuite à démontrer dans une deuxième partie que la méchanceté provient pourtant toujours d’une intention volontaire. Enfin nous verrons qu’il est en fait indispensable pour l’homme d’apporter une reconnaissance dans un acte mauvais.
En premier lieu, l'homme ne serait pas un être déterminé par une volonté de faire le mal. Mais il serait en réalité plutôt conditionné au bien. S’il fait le mal, cela ne relève que d’une aliénation ou d’un mauvais jugement de la réelle nature du bien.
Tout d’abord, reprenons l’idée que le comportement humain n’est pas réglé par la nature : on ne cesse d’agir en se demandant comment agir au mieux parce que notre comportement n’est pas réglé, il n’y a pas de propension naturelle au bien. Pour conduire ses actions, l’être humain régit alors sa vie sous la morale. Celle-ci est ainsi d’abord et avant tout présente afin d’orienter l’homme dans ses actions. Que dois-je faire ? Cette question est essentielle pour Kant. Dans la préface de la Critique de la raison pure, il met premièrement en avant le fait que l’existence de l’homme ne se règle pas par elle-même mais également que l’homme a le pouvoir d’agir sur le monde. Car la morale représente bien l’idée d’agir : je soumets mon action à des valeurs, je pose la question de savoir au nom de quoi je vais agir. Elle met en exergue le fait qu’il y aurait des actions qui valent mieux que d’autres, c’est ce que Nietzsche appelle la valorisation existentielle. Ainsi l’homme va discerner des actions bonnes ou mauvaises, justes ou injustes. Il est en réalité nécessaire pour lui d’établir cette distinction sans quoi il ne peut avancer. Par conséquent, en ayant connaissance de ce qui est bien ou mal, l’homme se tourne de façon naturelle vers ce qui est bien moralement. En outre, si la morale est d’abord une certaine attitude à l’égard de soi qui consiste à réfléchir l’action pour lui donner des règles, elle est également une certaine attitude à l’égard d’autrui. La morale commence aussi à partir du moment où je me dis que je dois à l’autre un certain type d’attitude que je peux appeler la sollicitude, ou au moins que je peux tenter de leur épargner le mal qu’on pourrait leur faire. L’attitude morale est une attitude soucieuse des autres, l’autre est au coeur même de la question morale. Par conséquent, il semblerait insensé que l’homme puisse, en étant doté de cette conscience, distinguer de façon établie le bien et le mal de se déterminer par le mal.
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