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Nature et instinct

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Par   •  26 Mars 2024  •  Cours  •  1 470 Mots (6 Pages)  •  114 Vues

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LA NATURE : Explication du texte de Kant.

Le cours précédent avait tenté d’extraire un des deux aspects directeurs de cette puissance de « négation » de la nature : celui de la transformation morale de l’homme par cette résistance à soi que définit le rapport intérieur à sa propre nature.

Le texte de ce cours n° 3 s’inscrit dans la continuité de ceux de Bataille et de Alain : le premier ayant défini le double pouvoir de négation de l’homme sur la nature (technique et moral), le second s’étant plus particulièrement attaché à examiner le refus des instincts naturels comme détermination fondamentale de l’émergence de la conscience. Celle-ci ne donnait pas encore lieu, dans le texte de Alain,

  • une prétention morale de la conduite humaine, mais elle en ouvrait la possibilité en définissant la conscience, non comme un être, mais comme une action : celle de s’opposer à soi et de contribuer ainsi à une élévation de l’humanité au-dessus de la simple animalité.

La conscience morale est donc une des voies d’accès privilégiées à l’humain ; quand on relit bien l’enjeu philosophique du texte de Alain, elle semble même le définir, puisque je ne suis un être humain qu’en m’affirmant dans la distance à ce moi organique que je pense sous le nom de « corps » ; plus je résiste à ses sollicitations et plus je gagne en conscience et en esprit (relire à ce titre l’agencement des trois figures emblématiques qui culmine, chez Alain, dans la forme exorbitante de la sainteté).

Ici, c’est Kant qui nous guidera pour clarifier cette dimension morale de l’homme. En effet, dire que l’homme est un être moral ne suffit

pas ;        encore        faut-il        comprendre        par        où        lui        vient        cette

  • qualification ». Est-elle essentielle ou simplement accidentelle ? L’homme est-il moral par nature ou le devient-il dans le processus d’acculturation ? Tel est l’enjeu du texte de Kant, qui ouvre la réflexion de ce cours n°3.

La question n’y est pas tant de savoir si l’homme est « moralement bon ou mauvais », mais s’il l’est « par nature », autrement dit s’il possède en lui, naturellement c’est-à-dire « par la naissance » (ce que dit l’étymologie latine de natura par nascor) cette disposition au bien et au mal. La réponse qu’il nous faudra apporter avec Kant est bien plus importante qu’on ne l’imagine, puisqu’elle conditionne rien de moins que la possibilité pour l’homme d’être éligible à une

  • surnature » (si nous devions admettre que cette détermination morale relève de son essence) ou de n’être que le produit des déterminismes extérieurs : un être « accidentel » conditionné par un dressage plus qu’une éducation (nous aborderons, dans le cours n°5, cette distinction essentielle entre « dressage » et « éducation »). Il s’agit donc de savoir si l’homme peut prétendre posséder une nature autre que simplement « physique », s’inscrire dans une provenance et une destination « métaphysique » ou bien si son comportement (« èthos ») dans la nature est simplement le produit des structures sociales, linguistiques, culturelles au sens large.

D’abord, il ne s’agit pas de demander si « tel » homme est moralement bon ou mauvais, car ce serait là un travail de classification et de répartition des individus selon des critères à déterminer par la référence au milieu et à ce qu’on y attend des individus. On ne pourrait que constater : certains sont bons, d’autres mauvais. Dire « l’homme » implique en fait tous les hommes, l’homme en général et non plus la distinction des cas particuliers.

Ici, l’expression qui retient l’attention est : « par nature ». Autrement dit, peut-on attribuer à l’homme en général les qualités du bon et du mauvais comme des propriétés en acte , c’est-à-dire relevant de son essence ?

C’est cela que Kant semble refuser d’emblée, puisqu’il répond : « Il n’est ni l’un ni l’autre ». Sans doute faut-il, avant de poursuivre, relever les deux destinataires de la formule, car c’est bien de Hobbes et de Rousseau, dont il est ici question, l’un attestant l’homme

  • mauvais par nature » (la rigueur des lois et l’éducation pouvant seules le redresser), l’autre affirmant à peu près le contraire, à savoir que « l’homme est bon naturellement » (la société et son cortège de maux : propriété privée, convoitise, guerres… étant seule responsable de sa dégénérescence, c’est-à-dire de l’entrée dans l’histoire). En fait, Kant apporte ici une synthèse à l’opposition dialectique entre Hobbes et Rousseau, par le constat que « l’homme par nature n’est pas du tout un être moral ». Il ne l’est pas, donc ni bon ni mauvais, mais dans une indétermination qui correspond à la

neutralité de l’instinct (son innocence aussi) et au statut d’être

  • amoral », c’est-à-dire n’ayant pas encore intégré l’espace de la moralité, dont les possibilités contraires sont le « moral » (être bon) et l’ « immoral » (être mauvais). Il faut noter au passage que c’est uniquement parce que l’homme est capable de moralité et donc susceptible de se représenter ce qui est bien, qu’il peut aussi prendre conscience et connaissance de ce qui est mal. L’acte immoral est donc un acte accompli en connaissance de la possibilité de l’acte moral. A ce titre, les animaux ne sont pas immoraux, car la moralité ne leur est pas ouverte ; ils ne sont qu’ « amoraux » (« Le loup n’est pas méchant… » cf. Nietzsche).

Toutefois, Kant s’empresse de préciser que l’homme peut « devenir » moral (et donc aussi immoral), et ce point est très important, car

l’animal pas plus que l’homme n’est naturellement moral, mais il ne le deviendra jamais. Cette possibilité du devenir-moral de l’homme signifie très clairement que la morale n’est pas du domaine de l’être mais de la valeur , c’est-à-dire de ce qui « doit être » réalisé (c’en est tout l’aspect culturel). En tout cas, cela signifie aussi que le devenir comme passage d’un état à un autre, suppose que nous intégrions ici un repère du programme, qui nous aidera à en penser l’articulation : c’est en effet par la distinction aristotélicienne de la puissance et de l’acte que nous pourrons comprendre la position de Kant. Si l’homme est en puissance un être moral, cela veut dire qu’il en a en lui la potentialité inscrite comme une réalité en filigrane et que l’actualisation rendra effective (p.e un enfant est un homme en puissance et ne le sera en acte que lorsqu’il aura atteint son complet développement, mais cela signifie aussi qu’il y a en lui, dès l’origine, toutes les possibilités de son accomplissement).

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