Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?
Dissertation : Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lesquellette • 4 Avril 2023 • Dissertation • 2 397 Mots (10 Pages) • 239 Vues
Nous allons nous intéresser aux thèmes de la conscience et de l’identité au travers d’une question : Suis je ce que j’ai conscience d’être ? La conscience dans sa définition psychologique est le sentiment qu’un sujet ou un individu possède de lui même. Il s’agit d’une vraie caractéristique existentialiste pour l’homme, l’être est ici le verbe, le fait d’exister et non l’être vivant, quant au « je » il concerne ici tout individu pensant et non pas ma personne individuelle seule. Nous allons donc nous demander ce qui définit un individu, et qui détient finalement la réalité sur l’identité de chacun d’entre nous ? Nous verrons dans un premier temps la pensée de la conscience exprimée par Locke dans son ouvrage « Essai philosophique concernant l’entendement humain » particulièrement au chapitre XXVII, et comment il répond à cette question, puis la critique apportée par Marx dans son ouvrage « L’idéologie allemande ». Pour finir nous examinerons le système Sartrien et son modèle. Ces réflexions permettront d’avoir des pistes de compréhension sur la véracité de l’image que nous faisons de nous mêmes.
Dans son ouvrage, John Locke évoque l’image que les autres se font de nous par l’anecdote du perroquet au paragraphe neuf du chapitre XXVII. Pour lui les individus seront d’abord caractérisés par leur apparence, « qui de nous verrait une Créature faite & formée comme soi-même, quoi qu’elle n’eût jamais fait paraître plus de raison qu’un Chat ou un Perroquet discourir raisonnablement & en Philosophe, il ne l’appellerait ou ne le croirait que Perroquet, & qu’il dirait du premier de ces Animaux que c’est un Homme grossier, lourd & destitué de raison, & du dernier que c’est un Perroquet plein d’esprit & de bon sens. », Ainsi, pour Locke, l’homme sans capacité de réflexion sera toujours appelé homme et le perroquet si intelligent soit-il restera un perroquet pour quiconque l’observera. Tout dépendra alors de la définition qu’on donne à l’homme, dans ce cas la définition qui s’applique sera bien entendue la définition biologique, on définit un homme comme un Homo Sapiens et non pas comme un individu capable de raisonner, d’exposer ou d’argumenter. Nous somme intéressés par la forme : comme le dit Locke « le mot Homme (...) n’est autre que l’idée d’un Animal d’une certaine forme. ». Locke présente cette vision comme évidente et naturelle sans cependant la justifier, il expose simplement ici la manière dont un individu sera caractérisé par l’autre.
En opposition avec cette définition biologique, Locke établit que si les autres peuvent bien nous voir comme un homme, car on en a la forme, ce qui nous définit réellement est l’idée que nous avons de nous mêmes, « Car puisque la conscience accompagne toujours la pensée (...) c’est (...) en cela seul que consiste l’Identité personnelle, ou ce qui fait qu’un Être raisonnable est toujours le même. ». Ainsi, selon Locke, l’individu est le seul à savoir qui il est réellement puisque c’est sa conscience qui forge son identité personnelle, personne ne peut donc nous connaître réellement et l’apparence n’est pas l’élément qui va nous définir. Chaque individu est seul maître de son identité, et va la redéfinir régulièrement selon l’évolution de sa conscience et de la vision qu’il a de lui même.
Si on peut donc penser avec Locke que « je suis ce que j’ai conscience d’être » , cette conscience se forge au travers de l’expérience, nos pensées se construisent et s’affirment au long de la vie, en fonction aussi de notre environnement et de nos sens. Dans le paragraphe 10 du chapitre XXVII :,« c’est que cette conscience est toujours interrompue par l’oubli », puisque l’homme est défini par sa conscience et par ce qu’il fait ainsi que ce qu’il pense, l’oubli contribue donc à effacer une part de son identité. De même pour le sommeil « dans un profond sommeil, nous n’avons absolument aucune pensée, ou aucune du moins qui soit accompagnée de cette conscience », lorsqu’il dort l’individu n’a donc plus d’identité puisque sa conscience est totalement arrêtée, il n’est plus qu’un corps durant toute la durée de son sommeil. De cette manière Locke admet dans son modèle qu’il y a des périodes -le sommeil- ou des situations -l’oubli partiel ou total- où l’individu n’est plus rien, n’a plus d’identité et est donc seulement une forme humaine. Ce modèle centré sur l’individu va être remis en cause par plusieurs penseurs du XIXème siècle dont Karl Marx dans son ouvrage L’idéologie allemande.
L’identité de l’individu n’est pas le thème principal de « L’idéologie allemande », ouvrage co-écrit avec Friedrich Engels, mais Marx l’évoque longuement puisque cette notion va lui servir à poser son modèle de société: le communisme. Les premiers principes développés concernent les humains dans leur environnement naturel et dans l’histoire : ce qui les définit en premier lieu, et avant tout, ce qui les distingue des animaux, c’est le fait qu’ils produisent « leurs moyens d’existence » et s’organisent pour cela. De ces besoins qu ‘ils doivent satisfaire, découlent de nouveaux besoins, et des structures sociales répondant à cette production : agriculture, corporations par métier, puis plus tard industrie. L’existence matérielle est déterminante, c’est en ce sens que Marx et Engels s’opposent à des penseurs tels que Locke ou Descartes, en affirmant que « les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances » . La première partie de la phrase signifie que le cadre dans lequel un individu arrive va le façonner ; sa classe sociale, les milieux qu’il fréquente ou encore les activités qu’il pratique vont contribuer à construire son identité. « Une masse de forces de production, de capitaux et de circonstances qui (...) lui dictent ses propres conditions d'existence », Marx souligne bien l’importance de l’environnement dans la construction de l’individu, on est loin de l’idée de Locke qui définissait un individu par ses pensées et ses actes. Dans le modèle matérialiste, l’individu ne se construit pas lui-même mais est au contraire essentiellement construit par la société. Les idées, les modèles de représentation, ne sont pas des vérités générales et abstraites, mais sont au contraire le reflet des rapports qui se jouent dans le monde matériel : « La production des idées, des représentations et de la conscience est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle." En ce sens, l’individu participe à modifier les « circonstances » : « les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances » .
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