Commentaire d'un texte de Hegel sur l'art
Compte rendu : Commentaire d'un texte de Hegel sur l'art. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Eloi Enzo • 7 Mars 2024 • Compte rendu • 3 665 Mots (15 Pages) • 140 Vues
TEXTE 1 :
« Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son oeuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement, dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire.
L'art au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d'abord, l'oeuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu'elle le représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit. L'intérêt fondamental de l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les pensées universelles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards. »
HEGEL, Esthétique TEXTE 2 :
« N’est vraiment réel, en effet, que ce qui existe en soi et pour soi, ce qui forme la
substance de la nature et de l’esprit, ce qui, tout en existant dans le temps et l’espace,
n’en continue pas moins d’exister en soi et pour soi d’une existence vraie et réelle. C’est l’art qui nous ouvre des aperçus sur les manifestations de ces puissances universelles, qui nous les rend apparentes et sensibles. L’essentialité se manifeste également dans les mondes extérieur et intérieur, tels que nous les révèle notre expérience de tous les jours, mais elle le fait sous une forme chaotique de hasards et d’accidents, elle apparaît déformée par l’immédiateté de l’élément sensible, par l’arbitraire des situations, des événements, des caractères, etc. L’art creuse un abîme entre l’apparence et illusion de ce monde mauvais et périssable, d’une part, et le contenu vrai des événements, de l’autre, pour revêtir ces événements et phénomènes d’une réalité plus haute, née de l’esprit. C’est ainsi, encore une fois, que loin d’être, par rapport à la réalité courante, de simples apparences et illusions, les manifestations de l’art possèdent une réalité plus haute et une existence plus vraie.
Il est vrai que, comparé à la pensée, l’art peut bien être considéré comme ayant
une existence faite d’apparences, en tout cas comme étant, par sa forme, inférieur à
celle de la pensée. Mais il présente sur la réalité extérieure la même supériorité que la
pensée : ce que nous recherchons dans l’art, comme dans la pensée, c’est la vérité.
Dans son apparence même, l’art nous fait entrevoir quelque chose qui dépasse
l’apparence : la pensée ; alors que le monde sensible et direct, loin d’être la révélation
implicite d’une pensée, dissimule la pensée sous un amas d’impuretés, pour se mettre
lui-même en relief, pour faire croire que lui seul représente le réel et le vrai.
Il s’ingénie à rendre inaccessible le dedans en l’enfouissant sous le dehors,
c’est-à-dire sous la forme. L’art, au contraire, dans toutes ses représentations,
nous met en présence d’un principe supérieur. »
HEGEL, Cours d’esthétique (1829), introduction I, I, 3
CORRIGE / TEXTE 1
PLANS :
1-9 / ART ET LANGAGE
9-14 : ART ET ESPRIT
Ou :
1- 3 : le but de l’art / thèse : manifester l’activité de l’esprit aux regards
3-9 : Art et langage : dans l’art, le rapport du signe et du contenu n’est pas arbitraire
9-11 : l’oeuvre ne doit pas être une imitation de la nature, mais manifestation de l’esprit
11-13 L’intérêt fondamental : l’Esprit conscient de lui-même. Thèse reprise de 1-3 (but et intérêt)
Intro
Quel est donc le but d’une œuvre d’art ? L’oeuvre d’art est une réalisation matérielle, mais dont le but, ou la finalité, n’est pas aussi évidente que lorsqu’il s’agit d’un outil, ou d’un instrument. Pourquoi certaines personnes réalisent-elles ces choses apparemment inutiles? Pourquoi les offrent-t-elles au regard des autres ? S’agit-elles pour elles de transmettre une idée, un message ? Doit-on dire alors que l’art consiste à communiquer des idées en employant, non pas des mots comme dans le langage ordinaire, mais des matières visibles agencées d’une certaine façon particulière ? Mais pourquoi ne pas dire tout simplement son idée, avec des mots, au lieu de lui donner une forme matérielle adressée aux sens ? Qu’est-ce qu’apporte au message de l’oeuvre le fait qu’il soit présenté aux regards sous une forme esthétique ?
Cette comparaison entre art et langage est l’axe principal de ce texte de Hegel ; il s’agit ici pour l’auteur de se demander si l’art est un langage, si l’oeuvre d’art est comparable aux signes que l’on emploie pour parler. Il montrera d’abord que l’art est bien un langage en ce sens qu’il s’agit bien de « communiquer une idée », mais en précisant que dans le travail de l’art, l’idée et l’oeuvre, le « contenu » et la « forme », doivent être en « correspondance », contrairement aux idées exprimées par des mots. Après avoir montré ainsi les limites de la comparaison de l’art et du langage, l’auteur s’interrogera sur ce « contenu » à l’oeuvre dans les œuvres, pour montrer que, contrairement à une idée reçue, ce qui pousse les artistes à mettre en forme n’est pas le désir d’une expression de la subjectivité singulière, mais le désir de manifester la réalité objective du développement de l’esprit humain.
L’art a, dit Hegel, un « besoin originel » ; ce besoin lui assigne alors un « but », comme un chemin de satisfaction ; l’art, aussi bien sans doute dans la production d’oeuvres que dans les contemplations des spectateurs, semble pris ici par l’auteur comme une entité autonome, comme un sujet à part entière. Il ne parle pas du but de l’homme grâce à l’art, mais du but de l’art lui-même. De quoi l’art -et en quel sens ?- a-t-il donc besoin ? Par analogie nous pouvons comprendre que la but de la science, comme ce qui satisfait un besoin, c’est de découvrir la vérité à propos des relations entre des phénomènes, ou que le but de la technologie est d’améliorer une performance, mais que est le but de l’art ? L’art dans ce texte semble être traité comme une discipline spécifique, qui cherche quelque chose, chose que l’auteur nomme ainsi : « produire aux regards une conception née de l’esprit, et de la manifester comme telle ». Le besoin et le but qui anime tout démarche artistique, c’est donc pour Hegel de réaliser matériellement une chose, de l’exposer aux regards (mais aussi aux oreilles sans doute ; l’auteur utilise peut-être là une expression rapide ; voudrait-il exclure la musique ? Ce semble très improbable).
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