Le Concordat de Bologne
Dissertation : Le Concordat de Bologne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Hugo Huet • 9 Mai 2021 • Dissertation • 3 855 Mots (16 Pages) • 433 Vues
« Le Concordat de Bologne (1516) : Origines, Contenu et Conséquences »
Introduction
Le 9 décembre 2020, le projet de loi confortant les principes républicains a été présenté par Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, et par Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte politique agité qui fait notamment suite à l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflan-Saint-Honorine, qui a révélé une influence des milieux religieux musulmans extrémistes au sein d’établissements scolaires.
Alors que la place de l’islam dans la République est régulièrement questionnée, le principe de laïcité, souvent invoqué, est devenu central dans le débat public. 115 ans après la loi de 1905 établissant la séparation des Églises et de l’État, il est intéressant de s’interroger sur la place de la religion dans la société et sur sa relation à l’État.
Si la loi de 1905 abroge le Concordat établi en 1801 entre la France et le pouvoir pontifical à l’initiative de Napoléon Bonaparte, Premier Consul, ce n’est pas le seul concordat que la France ait connu.
Un concordat désigne un traité signé entre le Saint-Siège et un État dans le but de définir les domaines respectifs et d’éclaircir les relations entre l’Église catholique et les autorités civiles du pays signataire.
La France a connu deux concordats principaux, celui de 1801 qui s’est éteint en 1905, et celui de 1516, abrogé lors de la Révolution Française. Le Concordat de 1516, ou Concordat de Bologne est un traité signé à Rome par Léon X et Antoine Duprat, au nom de François Ier, qui fait suite aux discussions engagées entre le pape et le roi de France en 1515 à Bologne. Il régit les relations entre la Couronne de France et le Saint-Siège de 1516 à 1790 et confère au souverain français un pouvoir exceptionnel sur l’Église de France, dans un contexte d’essor du gallicanisme.
Alors que nous sommes aujourd’hui les témoins, ou les acteurs, de nombreux débats sur la laïcité et la place de la religion dans la République, il semble pertinent de s’intéresser à cet évènement majeur pour la relation de la France à la religion catholique au 16ème siècle.
Comment le concordat de Bologne a-t-il modifié la relation de la France au Saint-Siège dans un contexte d’essor du gallicanisme ?
Nous nous intéresserons d’abord au contexte historique qui permet d’établir ce concordat (I). Puis, nous analyserons en détail les spécificités de celui-ci (II) avant d’en expliquer les conséquences (III).
- Le contexte historique
Le Concordat de Bologne prend place dans un contexte d’essor du gallicanisme (A), qui mène le clergé français à s’accorder sur la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438 (B). Mais c’est finalement une situation géopolitique marquée par les victoires de François Ier qui permettent ce concordat (C).
A-) L’essor du gallicanisme
Pour comprendre véritablement le contexte historique dans lequel le concordat de Bologne voit le jour, il est nécessaire de s’intéresser au gallicanisme, doctrine politique qui connaît un véritable essor à partir du XIVème siècle.
Cette doctrine vise à organiser l’Église catholique de façon autonome par rapport au pape. Ainsi, les objectifs sont multiples pour arriver à cette fin. D’une part, le gallicanisme agit pour une réduction de l’intervention du pape à son seul pouvoir spirituel, c’est-à-dire qu’aucun rôle ne lui est reconnu dans le domaine temporel. D’autre part, si, dans cette doctrine, est reconnue au pape une primauté spirituelle et juridictionnelle, la limiter fortement en est un des objectifs. De fait, limiter cette primauté bénéficie aux conciles généraux de l’Église, aux évêques dans leurs diocèses et aux souverains dans leurs États. Ainsi, le gallicanisme a surtout pour but d’établir une mainmise étroite du souverain français sur les nominations et les décisions des évêques.
Cette doctrine qui explique notamment comment la France et le Vatican aboutissent au concordat de Bologne trouve son origine à partir du XIVe siècle alors que la conjonction de plusieurs facteurs parmi lesquels l’affirmation de la royauté française, la renaissance du droit romain dans certains milieux de légistes entourant le roi, ainsi que le rayonnement européen de la faculté de théologie de Paris, provoque un conflit majeur entre Philippe le Bel et Rome.
Tout d’abord, l’attentat d'Anagni (1303) symbolise la défaite des ambitions théocratiques de Boniface VIII, puisque le successeur de celui-ci, Benoît XI, consent à absoudre le Philippe le Bel, menacé d’excommunication par Boniface VIII. Sous l'influence du roi, la papauté s’affaiblit en s'installant à Avignon. Mais, alors que la France semble en position de force, la guerre de Cent Ans et le Grand Schisme (1378-1417) provoquent l'affaiblissement conjoint de la France et du pape.
Alors qu’aux conciles de Constance en 1414 et de Bâle en 1431, le conciliarisme, cette théorie qui affirme qu’un concile œcuménique a autorité suprême dans l’Église catholique, autrement dit qu’un concile général d’évêques constitue une instance supérieure au pape, parait sur le point de l'emporter dans l'Église d'Occident, cela provoque un essor du gallicanisme ecclésiastique dans le royaume de France qui mène notamment en 1438 à la Pragmatique Sanction de Bourges. Jean Delumeau distingue le gallicanisme ecclésiastique, qui est une position théologique antérieure et ultérieure à la Réforme, le gallicanisme régalien et le gallicanisme parlementaire, qui est une doctrine politique et administrative.
B-) La Pragmatique Sanction de Bourges
Avant de se concrétiser réellement avec le Concordat de Bologne, le gallicanisme est renforcé par la Pragmatique Sanction de 1438.
La Pragmatique Sanction de Bourges est une ordonnance de Charles VII, débattue à Bourges au cours d’une assemblée réunissant le clergé français et promulguée le 7 juillet 1438 par le roi. Alors qu’après le Grand Schisme d’Occident, l’Église ne parvient pas à retrouver de véritable autorité, malgré les tentatives de nouvelles dispositions du Concile de Constance, le pape Eugène IV décide de réunir des conciles à Sienne et à Bâle en 1431. Il se trouve alors confronté à une violente opposition de l’assemblée conciliaire qui proclame sa prééminence sur celui-ci. Charles VII, le roi de France, intervient alors pour résoudre le conflit qui oppose les évêques au pape. Néanmoins, alors que des décisions sont prises au Concile de Bâle, concernant notamment la suppression des annates, le pape les défait au Concile de Ferrare qu’il provoque en 1438. Face à cette désorganisation manifeste de l’Église causée notamment par le conciliarisme, Charles VII décide de prendre les devants en organisant, à sa manière, l’Église de France. Reprenant les réformes entérinées au Concile de Bâle, et, entouré des évêques et des abbés de France, le roi promulgue la Pragmatique Sanction le 7 juillet 1438.
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