Les nababs vus par l'abbé Raynal
Commentaire de texte : Les nababs vus par l'abbé Raynal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Davor Zarić • 20 Décembre 2018 • Commentaire de texte • 3 119 Mots (13 Pages) • 604 Vues
Séance 12 : Les "nababs", vus par l’abbé Raynal (p.75)
KONE Jade
ZARIC Davor
Le texte soumis à notre étude est un extrait de Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, qui est une encyclopédie en plusieurs tomes parue en 1770 et rééditée plusieurs fois, notamment grâce à son succès.
Cet ouvrage, plus communément appelé Histoire des deux Indes, a été rédigé par l’Abbé Raynal. Élève chez les Jésuites pendant sa jeunesse, l’abbé devient ecclésiastique à Paris en 1746 pour finalement se consacrer à cette œuvre littéraire. Il publie son ouvrage à Amsterdam en 1770, où sa critique et sa liberté d’expression ne sont pas censurées.
En effet, Histoire des deux Indes est un recueil de critiques envers le colonialisme européen à travers le monde, envers les brutalités infligées par les puissances coloniales aux indigènes, et envers la volonté de conquête des colons. Fort de son succès et des critiques virulentes portées aux royaumes et empires européens, l’ouvrage était vivement censuré par plusieurs nations pendant des années, puis traduit en plusieurs langues par la suite.
Dans ce contexte de pleine apogée du siècle des Lumières en France, il s’avère que plusieurs philosophes et écrivains, également censurés tels que Diderot et Deleyre, aient rédigé un bon nombre de chapitres. Néanmoins, c’est officiellement Raynal qui en est l’auteur. De plus, il est important de noter qu’il n’est jamais allé dans les nombreux pays qu’il décrit, de l’Amérique à l’Asie, mais qu’il a effectué un vrai travail de recherche et de documentation auprès des marins, officiers de compagnies revenus de leurs voyages. Ses écrits ne sont donc pas des témoignages de la part de l’Abbé mais de la part des colons et commerçants, selon ce qu’ils ont accepté de lui raconter.
L’abbé Raynal voyait donc, selon son point de vue, que ces commerces en Inde changeaient la face de l’Europe et constate ainsi que les politiques de colonisation sont toutes fondées sur la violence et l’oppression de la part des Européens.
C’est ce comportement de la part des différentes puissances qui va être l’objet de l’indignation de l’auteur et Raynal est ainsi l’un des premiers a osé la critique envers les puissances européennes et à dénoncer leur expansion, c’est ce qui lui vaut également sa notoriété.
Ainsi, dans l’extrait qui nous est proposé, celui du tome IV, il décrit l’établissement du pouvoir des nababs, ces marchands anglais travaillant à leur compte, au Bengale, région de l’Est de l’Inde, après que l’East India Company y ait établi le comptoir Fort William à Calcutta en 1690.
On constate ainsi, d’après les critiques de l’auteur, que les Anglais ont établi une réelle domination du territoire indien au XVIIIème siècle.
On peut alors se demander comment les relations commerciales entre l’Inde et la Grande-Bretagne se sont-elles développées en une domination totale des Britanniques dans la région du Bengale au XVIIIème siècle ?
Pour y répondre, nous verrons d’abord comment l’East India Company s’est installée en Inde, puis comment s’est développé parallèlement le commerce enrichissant les nababs et nous étudierons enfin les différents traits de l’exploitation coloniale au Bengale.
I .L’East India Company de plus en plus présente en Inde
- Une présence commerciale
Tout d’abord, pour se développer, l’East India Company créa des comptoirs, dont le premier fut établi à Surat, le grand port de l’Inde moghole, sur la côte occidentale. Certains de ces comptoirs étaient défendus par des forts, notamment celui de fort Saint-Georges, noyau de la future Madras au sud-est en 1639, et fort William Calcutta en 1690.
En effet, au XVIIe siècle, le commerce anglais en Asie était inférieur à celui des Hollandais, mais l’East India Company jouissait depuis 1615 d’une relation privilégiée avec l’Empire moghol, alors à son apogée. Cent ans plus tard, l’Inde britannique n’était encore qu’une collection de comptoirs habités par quelques centaines de marchands et un nombre équivalent de soldats chargés de leur protection. Cette présence n’était donc que commerciale, et c’est ce que l’abbé évoque : « la Compagnie avait vu le plus souvent le commerce en grand et l’avait presque toujours fait comme une société de vrais politiques autant que comme une société de négociants » l.3-4
En effet, le succès croissant remporté par les « indiennes », ces toiles de coton peintes ou imprimées sur les marchés européens explique l’expansion spectaculaire de l’East India Company au XVIIIe siècle et sa transformation en puissance territoriale. Par ailleurs, la compagnie obtient en 1717, par un décret de l’empereur moghol, la liberté de commerce au Bengale. Cette province étant la principale productrice des tissus exportés, la Compagnie utilise cette position privilégiée pour prendre nettement le dessus sur ses rivaux hollandais et français. Par ailleurs, les Anglais avaient pour obligation, par le gouvernement, de ne conquérir les comptoirs que par négociations et accords avec les Indiens, et non par la force. Ils désiraient donc bénéficier d’entente cordiale avec les locaux afin d’éviter les conflits, de parvenir à de bonnes relations commerciales et d’éviter ainsi la présence d’autres puissances européennes en concurrence. Ce comportement cordial est également décrit par l’abbé : « Ses colons, ses marchands, ses militaires, avaient conservé plus de mœurs, plus de discipline, plus de vigueur que ceux des autres nations » l.5-6
- Une présence coloniale
Cependant, c’est en Inde du Sud, à la faveur d’un conflit avec les Français que la Compagnie se transforma peu à peu en une force militaire capable d’intervenir de façon décisive dans les conflits entre États indiens. Les deux puissances vont utiliser les corps de soldats indiens qu’ils ont formé et armé, les Cipayes, pour leur conflit. La région du Bengale appartenait à l ‘empire moghol mais était gouvernée par un souverain local : Siradj al-Dawla. Ce chef tyrannique s’accaparant les richesses de ses sujets, et est en conflit avec un fonctionnaire hindou, sous la protection britannique, et ne tarde pas à prendre la ville d’assaut, massacrant des civils britanniques, en 1756. Ce conflit mène à la bataille de Palasi Plassey en 1757, que les Anglais remportent facilement, et qui, selon l’auteur, comptait une Armée anglaise d’environ 9 800 hommes européens et 54 000 Cipayes. Le Bengale, vaste province à la richesse proverbiale, englobant trois États de l’Inde actuelle Bengale-Occidental, Bihar, Orissa ainsi que le Bangladesh, fut ainsi le premier territoire indien à passer sous la domination britannique. En 1765, l’empereur moghol confie à la Compagnie le diwani, le droit de prélever l’impôt, et le nizamat, le droit d’exercer la justice civile. Cette prise de pouvoir de la Compagnie va mettre en place un nouveau type de commerce et de colons, que l’auteur n’hésite pas à dénoncer « Qui aurait imaginé que cette même compagnie, changeant tout à coup de conduite et de système, en viendrait bientôt au point de faire regretter aux peuples du Bengale le despotisme de ses anciens maîtres ? » l.9 les « anciens maîtres » sont bien sûr les nababs tels que Siradj al-Dawla.
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