La décolonisation De La côte D'ivoire
Rapports de Stage : La décolonisation De La côte D'ivoire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Hermann99 • 18 Février 2015 • 5 273 Mots (22 Pages) • 3 011 Vues
Histoire de la décolonisation de la Côte d’Ivoire : Quand la France traquait Houphouët
Exactement ce que la France coloniale reprochait à Félix Houphouët-Boigny quand ce dernier luttait pour l’émancipation du peuple africain.
Nous vous proposons un extrait des “carnets de la décolonisation” de Georges Chaffard, publié aux éditions Calman-Levy en 1970 : “Quand Houphouët était un rebelle”. Comme si l’histoire se répétait.
Quand Jean Letourneau, ministre de la France d’outre-mer monte à la tribune de l’Assemblée nationale le 16 février I950, on pourrait croire qu'il marche au martyre.
Neuf députés ont annoncé leur intention d'interpeller le gouvernement sur les événements de Côte-d’Ivoire. Trois appartiennent au Rassemblement démocratique africain, le mouvement d'Houphouët-Boigny : Gabriel Lisette (Tchad), Félix Tchicaya (Congo),Mamadou Konaté (Soudan). Quatre sont communistes: Waldeck-Rochet, Cermolacce, Arthaud, Citerne. Un progressiste, d’Astier. Tous guettent les explications du ministre à propos des troubles graves qui ont coûté depuis un an à ce territoire plusieurs dizaines de morts et de blessés. Fait troublant : on ne compte pas une seule victime européenne. Est-ce là, veulent demander les interpellateurs, ce qu’on appelle une rébellion anti-française ?
Autre fait troublant: la majorité des victimes africaines est composée de militants et sympathisants du R.D.A. Est-ce donc là le parti qui voudrait s'imposer par la force ? Le dossier des interpellateurs est bon, leur indignation légitime. A preuve : quelques mois plus tard, le gouvernement français changera entièrement de politique en Côte d’Ivoire. Mais pour l'heure, M. Letourneau n'a du martyr que les apparences. Il a peu à craindre de l'opposition. Car il se produit à l'Assemblée nationale ce phénomène de myopie qu'ont bien connu des années durant les élus d'outre-mer: seuls des communistes ou apparentés dénoncent, sans doute avec un excès partisan, mais non sans fondement, des mesures arbitraires par lesquelles, en Afrique, des représentants du gouvernement tentent d'enrayer la revendication politique; les bonnes âmes des autres partis, qu'il s'agisse de la S. F. I. O. ou des chrétiens du M. R. P., des gaullistes d'alors (R. P. F.) ou des “modérés” (P. R. L.), ne concevant pas qu'on puisse, sur quelque sujet que ce soit, faire chorus avec des communistes, et pour qui toute critique venant des bancs d'extrême-gauche est a priori un déni de “l'œuvre civilisatrice de la France”,préfèrent garder le silence ou mieux, conspuer les interpellateurs. Il ne faut pas compter, pour leur donner mauvaise conscience, sur le ministre responsable. : De Jean Letourneau, on pourrait dire, en langage de théâtre, qu'il paraît fait pour jouer “les rondeurs cléricales”. Il en a l'empâtement, la poignée de main molle,le sourire bonhomme derrière les lunettes, la compassion facile aux malheurs des autres avec juste ce qu'il faut d'habileté pour en paraître innocent. Bon époux et bon père, ayant mené longtemps la vie modeste d'un militant d'associations familiales, en paix avec Dieu et sa conscience, il a été gagné sur le tard par la tentation politique. Quand il était ministre des P. T. T., il venait encore fort démocratiquement déjeuner à la cantine du personnel. Mais il est passé à la France d'outre-mer, succédant à Paul Coste-Floret, et a tâté de la grande politique. Des proconsuls l'ont salué au garde-à-vous; les gardes rouges ont caracolé autour de sa voiture. Il a pris goût au pouvoir, et ira bientôt régner en Indochine comme ministre des Etats associés. Certes, il est toujours aussi mal fagoté, et aussi modeste dans sa vie privée. Ce n'est pas un malhonnête homme. Jean Letourneau est même ce qu'on appelle couramment un “brave homme”. Mais enfin, il est le ministre qui va s'accrocher quatre années durant à la
«solution Bao-Daï»; qui n'osera jamais dénoncer le trafic des
piastres; et qui, en cet hiver I949-I950, aurait bien gardé sur les événements de Côte d'Ivoire un silence benoît si neuf interpellateurs ne l'obligeaient à monter à la tribune...
Jean Letourneau n'est pas, on s'en douterait, un orateur. Que l'Assemblée n'attende pas de lui un exposé bien charpenté sur la politique coloniale du gouvernement. Pas davantage un debater. Il n'échangera pas avec les communistes de ces arguments qui font mouche, désarçonnent l'adversaire et mettent les rieurs du bon côté. Il n'apportera à personne les informations que quand même, chez les socialistes légèrement gênés et les démocrates chrétiens quelque peu troublés, on souhaiterait entendre sans avoir à les demander. Non. Le ministre use d'une autre tactique,celle que va dénoncer le communiste Cermolacce: la tactique de l'étouffoir. La Côte-d'Ivoire? Oui, quelques incidents regrettables s'y sont produits. On en a beaucoup exagéré l'importance.
D'ailleurs dès qu'il en a eu connaissance le ministre a envoyé là-bas une mission d'enquête. (Comment ses membres ont-ils été désignés? demande l'opposition. Mais par le ministre. C'était son devoir. On peut faire confiance à ces hauts fonctionnaires qui, etc.)
Les élus communistes, progressistes et R. D. A. demandent la désignation d'une commission parlementaire d'information. Non, Messieurs, pas maintenant. Il y a déjà sur place une mission. Douterait-on de son intégrité? Laissons-la travailler. Bien sûr, si le Parlement tient à déléguer là-bas quelques-uns de ses représentants, le ministre est tout prêt à s'y rallier. Mais que l'Assemblée veuille bien d'abord entendre ses explications, et Messieurs les interpellateurs attendre un peu pour développer leurs propos. Car le ministre doit partir lui-même pour la Côte d'Ivoire très prochainement. Ce sont des explications de première main qu'il pourra à son retour fournir au Parlement. Il sera en mesure alors de répondre aux interpellateurs. M. Letourneau pense être de retour vers la mi-mars. On pourrait donc prévoir un débat à partir du I8 mars… Il est sûr que l'Assemblée l'approuvera de ne pas aborder prématurément, dans la fièvre, des questions qui risquent de passionner les orateurs. Il rend hommage à ces hauts fonctionnaires d'Afrique noire injustement critiqués, le gouverneur général Béchard à Dakar, le gouverneur Péchoux en Côte- d'Ivoire. Ces hommes ont pris la défense de la population africaine victime “des
...