Description générale du fonctionnement politique des Provinces-Unies, par Jacques Basnage (1719)

Description générale du fonctionnement politique des Provinces-Unies, par Jacques Basnage (1719)

D’après un extrait des Annales des Provinces-Unies, vol. 1 : depuis les négociations pour la paix de Münster, avec la description historique de leur gouvernement.

Le document porté à notre étude est un extrait des Annales des Provinces-Unies. La rédaction de ces Annales est commanditée en 1715 par les Etats de Hollande et de Frise occidentale, alors principaux acteurs des décisions politiques des Provinces-Unies. C’est à Jacques Basnage qu’est confiée cette tâche qui voit son aboutissement en 1719 avec la publication de son premier volume, duquel est tiré l’extrait étudié. Jacques Basnage est un auteur français né en 1653 à Rouen et mort en 1723. Fils d’avocat, il suit des études de lettres classiques avant de devenir pasteur calviniste dans sa ville natale en 1676. L’édit de Fontainebleau, en 1685, le contraint à émigrer à Rotterdam dans les Provinces-Unies, où il devient dès son arrivée pasteur dans l’Eglise wallonne. C’est au sein de cette institution ecclésiale hollandaise francophone[1], qui réunit entre autres les réfugiés huguenots, que Basnage franchit les échelons qui lui permettent de côtoyer les plus hautes sphères du pouvoir hollandais. Il est ainsi appelé à la tête de l’Eglise de la Haye en 1709 par le pensionnaire des Etats de Hollande et de Frise occidentale Anthonie Heinsius, personnage le plus puissant de la République depuis la mort du stathouder Guillaume III d’Orange-Nassau en 1702. L’auteur joue dès lors un rôle diplomatique central entre la France et les Provinces-Unies, prenant part aux négociations qui aboutissent à la conclusion de la Triple-Alliance entre l’Angleterre la France et la République en 1717. Les Provinces-Unies cherchent en effet à protéger leur indépendance, cette dernière n’ayant été reconnue par l’ensemble des puissances européennes qu’en 1648 via les traités de Münster. Les Provinces-Unies sont donc une puissance relativement jeune, qui malgré ses succès économiques à l’échelle mondiale, voit son indépendance menacée à plusieurs reprises au cours de la seconde partie du 17ème siècle. Et ce notamment pendant les nombreuses guerres menées contre la France de Louis XIV. La mort de ce dernier en 1715 permet cependant un rapprochement entre les Provinces-Unies et la France, qui, à partir de 1718, combattent côte à côte dans la guerre de la Quadruple-Alliance contre l’Espagne. La préservation de leur indépendance reste donc une priorité pour cette jeune puissance que sont les Provinces-Unies, et c’est dans ce contexte que sont commanditées les Annales, censées supplanter L’Histoire des Provinces-Unies des Païs-Bas d’Abraham de Wicquefort. L’extrait étudié, qui sert d’introduction au premier chapitre des Annales, offre un résumé de l’histoire et du fonctionnement politique interne du pays. Nous verrons en quoi cet extrait montre la volonté des Provinces-Unies de s’affirmer comme une puissance européenne à part entière. Pour ce faire, nous étudierons dans un premier temps la description de l’histoire et des institutions de la République qui y est faite, puis nous montrerons que les Annales sont conçues comme un outil diplomatique.

Dans un premier temps, nous pouvons voir dans l’extrait étudié que Basnage s’applique à décrire l’histoire des Provinces-Unies et le fonctionnement de leurs institutions. C’est sur ces deux socles qu’il s’appuie pour montrer la légitimité de l’indépendance de la République.

Il présente ainsi en premier lieu l’histoire des provinces et de leur rébellion, remontant dès la ligne 1 jusqu’à l’époque pendant laquelle les ducs de Bourgogne contrôlaient le territoire des pays-bas. Cette domination bourguignonne commence en 1428 avec Philippe le Bon et se termine avec la mort de Marie de Bourgogne en 1482. C’est dès lors son mari, Maximilien de Habsbourg, futur archiduc d’Autriche, qui est à la tête des provinces, inaugurant le contrôle des Pays-Bas par « la Maison d’Autriche » comme l’écrit l’auteur ligne 2. Pendant ces deux périodes, et l’auteur insiste sur ce point des lignes 1 à 8, les différentes provinces conservent une part importante de leurs privilèges et de leur autonomie. Certaines réformes centralisatrices voient cependant le jour, notamment sous le règne de Charles Quint, qui crée entre les provinces un gouvernement central. Seul le contrôle de l’impôt reste dès lors aux assemblées provinciales : « Ils régloient les sommes que l’on devoit fournir au Souverain » (ligne 5). Ces deux périodes sont décrites par l’auteur comme « [rendant] le Gouvernement moins despotique et plus doux » (ligne 7), à l’exact opposé de la période qu’il décrit par la suite, des lignes 10 à 14, pendant laquelle Philippe II contrôle les Pays-Bas.

L’abdication de Charles Quint en 1555 marque en effet la fin de la période de domination autrichienne, ce dernier léguant les Pays-Bas et l’Espagne à son fils Philippe II. Si Charles Quint tirait une partie de sa légitimité en tant que souverain des différentes provinces du fait qu’il était né et avait grandi en leur sein, ce n’est pas le cas de son fils, et l’auteur insiste sur ce point à la ligne 10. Philippe II continue cependant les réformes centralisatrices de son père, les conjuguant avec une politique de répression à l’égard des calvinistes. L’auteur y fait référence aux lignes 11 et 12, expliquant à la ligne 13 que Philippe II « [cause] par cette conduite une Révolution assez connüe ». Basnage désigne ici la guerre de Quatre-Vingts ans. Cette dernière débute en 1568, quand sept provinces des Pays-Bas espagnols se révoltent, et se concrétise en 1648 avec la reconnaissance par l’Espagne de l’indépendance des Provinces-Unies.

L’auteur s’emploie ensuite à décrire les institutions du pays et leur fonctionnement. Il insiste en premier lieu sur l’unité de la République, rappelant la devise des Provinces-Unies ligne 21 : « Vis Unita Fortior », que l’on peut traduire par l’union fait la force. C’est donc l’union qui est le mot d’ordre, qui définit la République. Basnage appuie sur cette idée aux lignes 22 : « Ces provinces agissent de concert » et 15 : « Ces sept Provinces unies ». L’auteur fait ensuite référence aux deux plus grandes fonctions du gouvernement de la République. D’abord le stathouder, nommé « Capitaine Général » (ligne 18) dans l’extrait. Le stathouder était le gouverneur des Pays-Bas espagnol, mais la fonction évolue au cours de la guerre de Quatre-Vingts Ans, devenant exclusivement une charge militaire. La seconde fonction mentionnée est celle de

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