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Contre la torture- Emmanuel Blanchard

Fiche : Contre la torture- Emmanuel Blanchard. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  30 Mars 2016  •  Fiche  •  1 495 Mots (6 Pages)  •  649 Vues

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Contre la torture, une anthologie présentée par Emmanuel Blanchard (Le Monde, collection les Rebelles)

Jean Muller, « Cette guerre est une sale chose »

Rappelé en Algérie en juin 1956, Jean Muller (1931-1956) est tué dans une embuscade le 27 octobre de la même année. Durant les quatre mois et demi qu'il passe en Algérie, le sergent Muller est le témoin des atrocités commises par les fellaghas mais aussi des exécutions sommaires, les « corvées de bois » et des séances de torture. Ce qu'il voit, il le consigne dans un carnet, avec l'idée de témoigner. « Je t'assure qu'en rentrant, je vais faire tous mes efforts pour que cette lutte sanglante et qui ne sert à rien s'arrête », écrit-il à un ami. Avec la mort de Jean Muller, le carnet disparaît, mais son frère et ses proches collectent les lettres qu'il a envoyées d'Algérie et le reconstituent.

Février 1957 : Témoignage Chrétien décide de publier ces lettres sous le titre « De la pacification à la répression : le dossier Jean Muller ». La rédaction justifie cette décision : « On nous accusera une fois de plus de nous désolidariser du drame national ; pas plus qu'hier cette accusation n'a de fondement. Devant les faits d'une telle gravité, dire la vérité, c'est rester fidèle à l'honneur du pays ».

Le dossier Muller a un grand retentissement. Des extraits sont repris dans la presse, et notamment dans L'Humanité, sous le titre « La pacification vue du côté de la mitraillette » et dans France-Observateur. Si Témoignage Chrétien, grâce à son aura morale, est épargné par la censure, L'Humanité et France-Observateur sont saisis.

« Pour mon compte, j'en ai vu suffisamment (et beaucoup d'autres en ont vu aussi) pour souhaiter la fin de cette guerre le plus tôt possible, car notre place n'est pas ici. Les mots « Pacification » et « Rétablissement de la confiance » ne sont faits sans doute que pour les manuels d'histoire... Ceux qui croient en Dieu aiment 'la paix' par-dessus tout. »

« Coups de pied au visage, gosse de deux ans jeté à terre, femmes brutalisées. Comment faut-il appeler tout ça ? Guy Mollet est-il bien sûr de lui quand il dit que tout se passe bien ; il suffit de lire chaque jour dans les journaux d'Algérie la liste des attentats pour se convaincre du contraire. »

L'engagement des religions : informées par leurs réseaux très bien implantés sur le terrain, les Églises prennent très tôt position contre l'usage de la torture, tout en rappelant leur attachement à l'idée d'une Algérie française. Le 16 mars, l'assemblée des cardinaux et archevêques déclare qu'« il n'est jamais permis de mettre au service d'une cause, même bonne, des moyens intrinsèquement mauvais ». Deux semaines plus tard, c'est autour de la Fédération protestante de faire une déclaration solennelle.


Henri-Irénée Marrou, 1956

« Henri Marrou, professeur à la Sorbonne. » Par cette signature, l'universitaire catholique, spécialiste de Saint Augustin, entend peser de tout son poids moral pour que cesse la torture en Algérie. Son engagement n'est pas nouveau. Marrou (1904-1977) a adhéré au Comité chrétien pour l'entente entre la France et l'Islam et milite pour la paix au sein d'une université majoritairement hostile à son engagement. L'article publié dans Le Monde rappelle par ses accents le célèbre « France, prends garde de perdre ton âme » publié par les Cahiers du Témoignage chrétien en pleine Occupation. L'auteur y fustige les pressions exercées sur la presse et la radio ; pour lui, ,les exactions commises par l'armée fr en Algérie portent atteinte au « moral de la nation ».

Cette tribune ait grand bruit. Cinq jours après la publication, le domicile de Henri Marrou est perquisitionné par cinq inspecteurs de la DST. En fait de documents compromettants ou d'armes destinées aux rebelles, les policiers ne trouvent que des notes sur saint Augustin.

Dans ce texte, il dénonce la torture en Algérie, la répression collective.

« Oui, la grandeur française est en péril. Je m'adresse à tous ceux qui, comme moi professeur, sont des éducateurs, qui, comme moi, ont des enfants et des petits-enfants »


Pierre-Henri Simon, Contre la torture 1957

De tous les livres parus pendant la guerre d'Algérie pour dénoncer l'usage de la torture, c'est celui de Pierre-Henri Simon (1903-1972) qui a eu l'impact le plus important sur l'opinion. Le contexte y est pour beaucoup. Depuis le 7 janvier 1957, les pouvoirs de police sur Alger ont été délégués au général Massu : c'est le début de la bataille d'Alger, destinée à démanteler le FLN dans la capitale en faisant tomber ses chefs, une guerre de renseignements dont l'arme est la torture. Et tandis que la situation s'aggrave en Algérie, les témoignages des rappelés en métropole se multiplient et leurs terribles récits commencent à paraître dans les journaux, y compris ceux qui jusque-là craignaient de « faire le jeu de l'ennemi ». Enfin, moins de dix jours avant la sortie du livre, l'affaire du « suicide », en prison, du dirigeant indépendantiste Larbi Ben M'Hidi est révélée à l'opinion, jetant le doute sur les méthodes employées par l'armée. Mais à ce contexte, il faut ajouter la personnalité de Pierre-Henri Simon, éminent intellectuel catholique, collaborateur de la revue Esprit, peu suspect de soutenir le FLN.

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