Étude de documents, à savoir trois enluminures médiévales de style gothique
Compte Rendu : Étude de documents, à savoir trois enluminures médiévales de style gothique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar meikopschit • 8 Février 2013 • 3 553 Mots (15 Pages) • 1 273 Vues
Exposé : Les images de Charles V.
INTRODUCTION :
L'ensemble documentaire que nous avons à étudier se compose de trois documents, à savoir trois enluminures médiévales de style gothique. Les enluminures sont des images exécutées à la main qui servent à orner et à illustrer un manuscrit. Ces enluminures nous sont connues par les archives des manuscrits dans lesquels elles figurent, tous conservés par la bibliothèque nationale de France. La première représente Charles V à sa « librairie » (qui aura pour nous le sens de bibliothèque) et est issue de la traduction contemporaine à Charles V du Policratique de Jean de Salisbury par Denis Foullechat, tandis que les deux suivantes, exécutées par le maître enlumineur le maréchal de Boucicaut, sont issues de l'ouvrage de Pierre Le Fruitier dit Salmon Réponses à Charles VI et Lamentations.
Le Policratique écrit vers 1159 par Jean de Salisbury, secrétaire de Thomas Beckett puis évêque de Chartres de 1176 à 1180 est un traité de réflexion et de morale politique. Une partie importante de cette œuvre fustige les vices et les frivolités de la vie de cour et réaffirme quelles doivent être les responsabilités du roi et ses relations à ses sujets. Charles V en assura la diffusion en commanditant le franciscain Denis Foullechat de le traduire en français pour l'année 1372. Quant à l'ouvrage de Pierre Salmon, il fut rédigé en 1409 à l'intention du roi Charles VI, fils de Charles V et se veut être partiellement un « miroir des princes ». C'est-à-dire qu'il se présente sous forme de dialogue entre le roi et l'auteur qui discutent des qualités nécessaires pour bien gouverner. Quoique les Lamentations, seconde partie de l'ouvrage se présente plutôt comme un récit autobiographique de l'auteur, on peut rapprocher les deux manuscrits par les thèmes qu'ils évoquent et par les messages complémentaires que semblent diffuser leurs enluminures des textes.
En effet, l'image médiévale comme enluminure se veut écriture de l'illettré et cherche à enseigner ce que le texte dit plutôt qu'à le représenter simplement. Elle est donc pédagogique et fatalement toujours orientée, puisqu'il n'existe pas encore au XIVe et début du XVe siècle la notion d'art pour l'art. Les images médiévales que nous allons étudier cherchent donc à traduire une essence plus qu'une apparence.
Or, les enluminures proposées représentent toutes trois la figure du roi et de son pouvoir royal que ce soit dans la sphère intime de la bibliothèque (comme une scène de la vie privée) ou dans le cadre du Prince en relation avec sa cour. Elles représentent ceci à une époque charnière, de grands troubles pour l'autorité royale, ce qui n'apparaît pas anodin. En effet, entre 1372 et 1409 (dates des publications de nos œuvres) la France est en pleine guerre de Cent ans (1336-1453) et le conflit dynastique pour la couronne de France entre les Plantagenêts et la maison capétienne de Valois fait rage alors que la population française souffre des disettes et de fortes pressions fiscales. Ainsi la légitimité des Valois à gouverner en France est-elle fortement remise en cause, et c'est pourquoi les images de Charles V qui nous sont proposées cherchent à donner une vision positive du roi , qui apparaît alors comme une figure « sage » (c'est par ailleurs le surnom de Charles V), mais aussi et surtout à réaffirmer la légitimité du pouvoir royal comme émanant de Dieu, avançant alors l'idée nouvelle, et importante pour les siècles à venir, que la monarchie française est de droit divin.
Dans un premier temps nous verrons donc en quoi les images de Charles V font l'éloge d'une figure royale supérieure invoquant la sagesse, l'instruction, pour bien conduire le peuple, avant de nous intéresser à l'idée nouvelle et forte que font germer ces images, à savoir que la monarchie des Valois est de droit divin, inspirée et agrée par Dieu, et qu'elle ne peut donc qu'être légitime et incontestée.
PLAN :
I- La figure du roi « sage » .
a) Le roi « sage », un personnage instruit au métier de roi.
Avec Charles V, l'image royale du prince idéal manifeste une mutation : intervient l'idée que si le sang est nécessaire pour rendre le prince légitime, il n'est pas suffisant pour en faire un bon prince ; il y faut encore le mérite personnel. Cela est d'autant plus vrai dans le contexte de crise du XIVe siècle où se situe l'autorité royale qui voit sa légitimité discutée par les Plantagenêts. Le roi courageux, habile aux métiers des armes ne suffit plus (d'ailleurs Charles V est plutôt de constitution fragile). Sous Charles V, on nous présente alors un nouveau roi : un homme bibliophile, dont la culture ne se réduit pas à la lecture d'un ouvrage de piété mais représente une valeur en soi. « Un roi illettré n’est qu’un âne couronné » : Voilà l'image première qui émane de l'enluminure représentant Charles V dans sa bibliothèque, dans Le Policratique. On y voit en effet un roi vêtu du manteau héraldique et couronné qui est assis dans une cathère en bois sculpté surmontée d'un dais et devant une « roue », meuble à plateau circulaire pivotant sur un axe qui lui permet de consulter rapidement plusieurs livres. Le bleu est omniprésent dans la scène, sur le manteau royal et en arrière-plan, et c'est d'ailleurs la couleur dominante dans les trois enluminures que nous étudions.
Comme l'explique Michel Pastoureau dans Le petit livre des couleurs, le bleu au Moyen-Age, qui, nous le savons, est associé à la noblesse et à l'ordre consensuel du monde (le ciel est bleu), se veut aussi la couleur incarnant la sagesse. Le bleu aurait le pouvoir de « dissiper les ténèbres », elle serait caractéristique aux « gens sages, conservateurs » comme étant la plus raisonnable des couleurs. Car elle ne se veut pas agressive à l’œil, mais elle inspire au contraire la quiétude et la profondeur, et introduit la notion d'infinitude en relation avec le ciel dont on ne voit pas le bout (au Moyen-Age n'oublions pas que la terre est pensée plate). L'autre couleur qui apparaît beaucoup sur nos images est le rouge qui représente le pouvoir mais cette fois plus ardent, le pouvoir peut-être davantage par les armes, la capacité à punir, guerroyer et à faire couler le
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