Terence Young, Safari (1956, extraits)

HISTOIRE : Terence Young, Safari (1956, extraits)

Travaux de Caroline Elkins

Or, la situation n’est pas inconnue des autorités coloniales (Morris Carter, Commission de 1934)

Toutes ces observations permettent à Buijtenhuijs d’affirmer que « la colonisation a beaucoup plus empiété sur le domaine des activités masculines que sur celui des activités féminines, ce qui a eu indiscutablement une influence sur l’évolution de la révolte mau-mau »

Ngugi a lui-même appelé la guérilla Mau Mau « cet héroïque combat armé des paysans contre les forces d’occupation britanniques24 »

Alors que dans les premiers romans Ngugi capte la complexité morale de la guerre historique, la lutte des Mau Mau, dans les travaux plus récents, est perçue comme l’expression ultime du combat mené contre la colonisation au Kenya : une lutte des classes contre l’oppresseur colonial

Waiyaki, premier leader anti-colonialiste qui fut enterré vivant la tête en bas, est décrit comme une source d’inspiration pour le mouvement Mau Mau

introduction :

« la propriété foncière est la clef de voûte de mon peuple » , Jomo Kenyatta

« c’est une histoire d’atrocités des deux côtés, une sale guerre de laquelle personne ne sort avec fierté, et sans gloire. C’est une histoire gênante, mais qui doit être racontée . » a écrit Caroline Elkins fondatrice et directrice du centre d'études africaines de l'université d'Harvard elle est également auteur du livre : « Reconnu par l'Empire : l'histoire inédite du goulag britannique au Kenya ») (2005), gagne le prix Pulitzer de l'essai en 2006. C'est grâce au livre que les plaintes déposées par d'anciens détenus Mau Mau contre le gouvernement britannique, pour des crimes commis dans les camps d'internement du Kenya dans les années 1950, aboutissent ».

C’est à travers le film, Safari de Terence Young publié en 1956, que nous étudierons la révolte des mau mau du Kenya face à l’oppression britannique.

Terence Young est un scénariste et réalisateur britannique né en 1915. Connu pour trois de ses films, James Bond 007 contre Dr No (1962), Bons baisers de Russie (1963) et Opération Tonnerre (1965)

Dans son film, on retrouve l’histoire de Ken Duffield un excellent chasseur qui va tenter de se venger de la mort de son fils et de sa sœur tué par des maumau. Il est entrainé dans un safari avec l’objectif de tuer le lion hatari à la demande de Sir Vincent Brampton accompagné de sa femme linda.

Le MauMau peut tout d’abord être caractérisé comme un mouvement « ethnique » au sens où il s’ancre dans les structures et les malaises du peuple Kikuyu. La société Kikuyu est organisée autour de segments générationnels qui assurent chacun leur tour les charges du pouvoir (décision, législation, justice, guerre). Dans cette répartition des pouvoirs politiques les femmes sont totalement exclues. L’une des singularité des Kikuyus réside dans le système agraire, il n’existe pas de réelle unité politique ou territoriale ce sont plutôt des unités de parents qui s’organisent autour d’une propriété agricole: le mbari. Le mbari est un terrain défriché et possédé par une parenté (allant parfois jusqu'à 2 000 individus) qui se lègue dans son intégralité à la parenté qui l’administre. Sur ce système d’exploitation familiale de la terre se greffe avec l’expansion Kikuyu, la colonisation britannique, la réquisition et la restriction des terre.  

Dans quelle mesure, le film Safari révèle la réalité kenyane vécue dans les années 1950 ?

1. Un film, reflet de la situation au Kenya dans les années 1950

Le film Safari présente certaines réalité vécu au Kenya dans les années 1950.

Tout d’abord, il y a une véritable méconnaissance des européens sur les sociétés colonisés. Dans le film,  la présentation de Jérusalem avant de partir pour le Safari est le miroir de cette méconnaissance. Les questions qui lui sont posées sont extrêmement stéréotypées : polygamie, tribu, il le considère comme analphabète, il est infantilisé, son personnage est un faignant qui préfère faire de la trompette plutôt que la cuisine. C’est cette méconnaissance qui va être à l’origine de l’insurrection des mau mau. En effet, l’arrivée des britannique a profondément transformé les structures sociétales des Kikuyus. Les occidentaux importent leur conception de la propriété et tendent à l’individualiser en cassant la structure élémentaire du mbari. De plus, ils augmentent et multiplient les taxes (sur les vêtements, les écoles etc) l’administration tente de monétiser l’économie et d’amener les populations à abandonner les cultures vivrières pour les productions d’exportations. L’impact est énorme pour les kikuyus. Cette colonisation est d’abord une fermeture de l’expansion et des débouchés agricoles puisque les Britanniques interdisent l’acquisition de terre par des Africains. Le conflit s’ancre donc dans le problème de la possession de la terre. On va assisté à une escalade de violence que l’on retrouve dans le film. Alors qu’il partait chasser, Ken Duffield quand il rentre voit sa maison brulé avec sa tante et son fils mort assassiné. Cet évènement rappel le meurtre de la famille Ruck dans sa ferme dans la nuit du 24 janvier 1953 perpétré par des maumau. Comme dans le film, les attaques de nuit sont une menace constante.

De plus, le mouvement maumau pose un autre problème, celui de la difficulté de recrutement des travailleurs temporaires africains notamment pour cultiver le café. On retrouve cet aspect dans le film avec la trahison de Jackson embauché pour le safari. Dans le film, Ken apprend par radio et en compagnie de Linda qu’un traître se cache parmi eux, « un de vos hommes a prêté serment aux Maumau ».

Cette notion de serment est fondamentale. Les Kikuyus sont des monothéistes qui croient en Ngai considéré comme le Dieu tout-puissant. La plupart des cérémonies rituelles, qui sont des marqueurs sociaux et non des actes religieux contrairement aux idées reçues, s’accompagnent généralement d’un serment.. Le non-respect de ce serment entraine la souillure, le thahu, qui peut aller de la maladie à la mort en passant par la blessure physique. On peut s’affranchir de cette souillure en invoquant la magie et en recourant aux sorciers. La notion de serment est un véritable engagement qui montre l’unicité du mouvement. Le succès est tel qu’en septembre 1952 presque 90 % des Kikuyus ont prêté serment.

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