Qu'est-ce que l'esprit d'époque ?
Dissertation : Qu'est-ce que l'esprit d'époque ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathilde07512 • 29 Janvier 2013 • Dissertation • 5 576 Mots (23 Pages) • 716 Vues
Comme on le sait, les vingt premières années de chaque nouvelle époque définissent la formation de nouvelles conceptions et systèmes esthétiques qui ont par la suite une influence directe sur l'art de l'époque donnée. A l'issue de la première décennie du xxie siècle, on peut déjà tenter de désigner les tendances globales qui définissent l'art. Au début du xxe siècle José Ortega y Gasset tentait de définir la ligne patrimoniale pour le nouvel art de son temps : « Dans le monde, il y a un fait indiscutable du nouveau sentiment esthétique. Ce sentiment réalise le début patrimonial de toutes les directions actuelles et créations individuelles, étant leur source première1». C'est-à-dire que les œuvres d'art reflètent non seulement le monde individuel et spirituel de leur créateur, mais aussi ce qu'on appelle « l'esprit de l'époque ».
Que signifie cette notion d'« esprit de l'époque » ? C'est l'ensemble des représentations de l'humanité sur la vie à une période concrète historique, indépendamment des différences ethniques. L'ensemble de ces représentations est étroitement lié au progrès technologique de la société : les ouvertures de Nicolas Copernic ont changé la conscience de la société du xvie siècle ; ayant préparé le sol pour la première révolution scientifique et technique, les acquisitions d'Albert Einstein ont influencé radicalement tout le xxe siècle ; la plus grande ouverture qui caractérise le xxie siècle est la découverte des nanoparticules.
Les acquisitions technologiques ont amené au remplacement des types de société, en fonction du mode de production prépondérant : agricole, manufacturier, technologique, et enfin, d'information. Ce remplacement des types de société est lié directement au changement du point de vue de l'art, remarqué par Ortega y Gasset2, et à l'envergure de l'esprit : une vue rapprochée de l'objet, avec le volume et le relief caractéristique correspond au type agricole ; l'éloignement du point de vue et la perte par les objets des anciennes qualités du volume et du relief accompagne le type manufacturier de la société ; l'art abstrait, avec ses objets géométriques inventés correspond au type technologique ; enfin le caractère illimité de l'espace vide correspond au type informationnel de la société.
La théorie de l'espace vide dans la sculpture, exposée et réalisée pour la première fois dans les travaux d'Alexander Archipenko3 et la représentation de l'espace vide dans la peinture se conformeront à la théorie de la société de l'information4, dont le produit est l'information, mais la sphère de production est l'espace incorporel de l'information. Ainsi les fonctions du produit corporel dans la vie de la société sont accomplies maintenant par l'information incorporelle, et dans l'art (comme un reflet de ce phénomène), les fonctions du relief sont accomplies par l'espace vide, par le fond. Nous allons tenter de décrire les tendances dans l'art du xxie siècle à l'exemple d'un de ses aspects : la peinture, avec une projection ultérieure sur l'art musical.
Sans changer le monde, sans détruire ses contours visibles, les peintres tentent de le remplir de son autre sens par la voie du changement de certains éléments de la réalité et l'érosion des contours du relief avant sa transformation complète en fond. L'action du changement de certains éléments de la réalité reflétée garde pour elle la situation de la réalité, mais une réalité qui n'existe pas encore, une réalité d'ordre supérieur. L'effet de ces changements est par cela si grand que la réalité changée est semblable à la réalité objective. Une particularité de la plupart des toiles modernes est l'absence de la représentation de l'homme. D'une part, ce phénomène peut être expliqué par la position de l'artiste, proche de la position des sculpteurs utilisant « l'accueil », inventé par Archipenko, interprétée comme l'impulsion vers l'acte créateur du spectateur : « Les vides sur mes sculptures ont des racines créatrices, et l'importance psychologique de ces vides incite aussi à l'acte créateur. Les vides sont perçus comme les symboles de l'absence de la forme et deviennent les bases pour la naissance des associations et l'apparition du sentiment de la relativité (…) Notamment, l'absence de chose, et non la présence, est la raison, l'impulsion du motif de l'œuvre5 ». D'autre part, cette absence de la représentation de l'homme dans les toiles modernes peut être expliquée par le besoin de l'homme moderne de resserrement des masses humaines dans les mégalopoles modernes, et d'accessibilité aux relations directes avec ses semblables dans les réseaux électroniques - dans ce cas l'art accorde la possibilité rare de se retrouver seul avec ses pensées comme dans un temple improbable, fantastique et si désirable pour la mentalité fatiguée de l'ordinaire importun.
Les phénomènes décrits plus haut sont inhérents non seulement à l'art moderne professionnel dans l'œuvre de peintres italiens, tels que Adriana di Dario, Claudia Ceconi, Paolo Veneziani, mais aussi aux essais d'amateur des peintres françaises : Martine Aballéa, Françoise Petrovich. Les points de contact semblables de l'art professionnel et semiprofessionnel sont observés aussi dans la musique entre les représentants du minimalisme (Steve Reich, John Adams etc.) et de nombreuses compositions d'« ambient ». Un tel dialogue de l'art professionnel et amateur, malheureusement, est prétexte à une estimation négative de l'art postmoderne6, mais témoigne en fait de l'apparition de la nouvelle base esthétique qui est comprise par l'intuition de différentes couches de la société. N'est-ce pas là l'esprit de la nouvelle époque ? S'il est question d'une nouvelle base esthétique, qui est
comprise par la voie empirique, seulement en vertu de quelque signe se manifestant déjà au niveau de l'action de création et reflété dans l'œuvre d'art finie, on peut la révéler.
Avec l'apparition au xxe siècle de la monodramaturgie comme génération spéciale de la conception dramaturgique, dans la littérature liée à l'utilisation du flux de la conscience dans les œuvres de James Joyce et Marcel Proust, on avait désigné le tournant vers un nouveau type de mentalité, qui a été fixé organiquement dans des courants musicaux du postmodernisme tels que le minimalisme
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