Extrait D'un Discours De François DUHOURCAU, Grand Mutilé De Guerre, Lors D'une Conférence Faite En 1939
Dissertation : Extrait D'un Discours De François DUHOURCAU, Grand Mutilé De Guerre, Lors D'une Conférence Faite En 1939. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ArmAnixXx • 17 Juin 2013 • 397 Mots (2 Pages) • 1 520 Vues
" Camarades, vous souvient-il du Tourniquet, sur la Voie sacrée, la route de Bar-le-Duc à Verdun, cordon ombilical de tous les organes de la résistance ? Ainsi les poilus dénommaient-ils le point terminus où les déposaient les camions, au soleil du royaume de la mort.
C'était quelque chose comme la rive du pays souterrain où Charon avec sa barque attend les trépassés. Là aurait pu être gravée, en lettres sanglantes, l'inscription que Dante met au seuil de son Enfer : " Vous qui entrez ici, laissez toute espérance ". Oui toute espérance de vivre, car ceux qui repasseront ce seuil-là seront vraiment des miraculés, des revenants, qui demeureront marqués de l'épouvante subie chez les morts.
Là, tout poilu, dans son cœur, même s'il ne retournait la tête vers le cher pays qu'il pensait ne plus revoir, lui disait secrètement le dernier salut des gladiateurs, ou mieux des Martyrs, pénétrant dans le cirque du Colisée : " Adieu ! ceux qui vont mourir te saluent ! " A ce Tourniquet chacun payait pour passer dans l'enceinte réservée : il payait du sacrifice accepté de sa vie ; il remettait, en vérité, son ticket de vivant. Il le reprendrait à la sortie su Dieu lui prêtait vie jusqu'à une autre fois…
… Alors commençait les boyaux d'accès, ces canaux de l'enfer, où maints blessés, épaves de la bataille, s'étaient réfugiés, n'en pouvant plus, blessés que trop souvent, hélas ! achevait l'aveugles piétinement des relèves nocturnes.
Puis, c'était l'innommable… Sous la cataracte de flamme et d'acier, le champs de bataille de Verdun, celui que nul autre n'a jamais égalé, au dire de tous les combattants qui connurent les autres terrains de morts, ce paysage de planète foudroyée et submergée tout ensemble, où les chicots des arbres et les vestiges du matériel détruit imposait l'idée d'un fantastique naufrage, d'un engloutissement à la fois par le déluge et par l'incendie, d'une fin atroce dans un cataclysme indicible…
… Là, à la pointe de ce môle de Verdun qu'assaillait l'océan concentré des forces de l'ennemi, la France jetait tous ses fils, régiment par régiment, comme des blocs de granit destinés à briser les flots germaniques déchaînés.
Là, le barrage fut consolidé à force de cadavres. Il a tenu, il devait tenir. " Dût la France entière s'engloutir là, ils ne passeront pas. " Telle fut la résolution que signifia au monde glacé d'effroi le dramatique holocauste de Verdun… "
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