Histoire De La Femme Espagnole
Commentaires Composés : Histoire De La Femme Espagnole. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar flaubert1 • 7 Avril 2013 • 6 854 Mots (28 Pages) • 1 067 Vues
MISE EN SCÈNE D’UNE HISTOIRE DE LA FEMME
ESPAGNOLE DU XVIIIe SIÈCLE
Patricia MAUCLAIR
Université François-Rabelais, Tours, CIREMIA
Chercher à connaître la femme espagnole au XVIIIe siècle suscite les mêmes émotions
que parcourir l’un des nombreux recueils de poèmes érotiques de l’époque : la curiosité est
piquée, mais bien vite l’ennui s’installe ! Hormis quelques monographies qui ont osé franchir
les frontières de la sociologie et par là même aborder certaines aspects plus intimes de la
femme – celle, notamment, de Mónica Bolufer (BOLUFER, 1998) –, la plupart des ouvrages
et articles évoquant la femme espagnole de cette époque renvoient presque systématiquement
à un corpus littéraire qui peu à peu devient source première. Et il est intéressant de noter que
ce corpus est essentiellement théâtral, de façon directe ou indirecte, comme nous le verrons
ultérieurement. Par ailleurs, l’histoire connue de la femme se mêle inévitablement à une
histoire des comportements amoureux, elle-même marquée, semble-t-il, par une révolution
que ne manqua pas d’étudier Carmen Martín Gaite, dans son fameux ouvrage Usos amorosos
del dieciocho en España (MARTÍN GAITE, 1987). Ce siècle que l’on dit du libertinage, du
marivaudage, des liaisons fatales, fait apparaître en Espagne de nouvelles créatures dont les
caractéristiques seront largement exploitées par le XIXe siècle, si friand de stéréotypes. Ces
nouvelles créatures sont la « petimetra », accompagnée de celui qui est censé symboliser les
prémices de son émancipation, le « cortejo » et la « maja ». Tous trois ont nourri un théâtre
qui les a rendus extrêmement populaires. Leur popularité s’est ensuite accrue en se
nourrissant des nombreuses polémiques qu’ils ont pu susciter. Et de cette étonnante alchimie
est née une histoire de la femme espagnole du XVIIIe siècle.
Le nom de « petimetra » est dérivé du masculin « petimetre », l’homologue espagnol
du petit-maître français. Sous le règne de Carlos III, tout particulièrement, on favorisa les
voyages d’étude à l’étranger auprès des jeunes gens de bonne famille dont l’avenir semblait
prometteur. De suite, le phénomène de voyage à l’étranger a fait naître des envies à tous les
jeunes aristocrates, même les moins prédisposés aux études supérieures. Beaucoup faisaient le
tour des capitales européennes exclusivement par souci d’en découvrir les modes. Paris étant
la cour la plus prisée, ils en ramenaient une kyrielle de gallicismes qu’ils s’empressaient
d’intégrer à leur langue natale dès leur retour en Espagne ainsi que différentes babioles liées à
l’habillement. L’exhibition de montres et autres breloques était de la plus haute importance
dans la toilette des petimetres dont il était facile, comme on peut le deviner, de faire la satire.
Leurs sujets de conversation se limitaient le plus souvent à la gastronomie, la coiffure et
autres modes raffinées qu’il convenait d’adopter pour mieux briller dans les salons. Une autre
de leurs occupations fondamentales était de se tenir au courant des variations des danses
d’inspiration française comme les contredanses ou les menuets. La plupart de ces hommes, en
fait, tant dans leur langage que dans leurs manières ou leurs vêtements, paraissaient très
efféminés, se retranchant, en cas de polémique à leur sujet, derrière leur sens du raffinement
et le concept de « decencia » qu’ils opposaient avec orgueil à toute forme de grossièreté ou de
rusticité.
La petimetría s’étendit bien entendu de Madrid à la province et du sexe masculin au
sexe féminin. Dans le cas des femmes, le phénomène était encore plus prononcé. La petimetra
se devait d’être dépensière, élégante en toutes circonstances, obligée de maintenir « el aire de
petimetra » à n’importe quel prix, le souci constant restant d’attirer l’attention par
l’extravagance et les changements d’humeur : « Para ser dama hizo los votos de embustera,
Lectures du genre nº 2: Femmes/Histoire/histories 58
Mauclair, Mise en scène d’une histoire de la femme espagnole
delicada, malcontentadiza e intolerable y para ponerse en el profano calendario de las
petimetras chocantes y penosas echó enhoramala a la compostura ». (MARTÍN GAITE,
1987 : 87). La petimetra détruit ainsi l’image de l’épouse parfaite pour s’adonner
exclusivement aux plaisirs du luxe et de l’ostentation, ce qui explique que l’objectif principal
de sa vie soit de s’approprier un homme disposé à l’encenser et à qui offrir toutes ces heures
passées devant le miroir, c’est-à-dire, un cortejo.
Dans la littérature, dans la presse, dans les récits de voyage, dans les pamphlets, les
sermons de la seconde moitié du XVIIIe siècle, il est très fréquent de trouver des allusions,
bien
...