Sociétés Arabes Contemporaines

Cours 1 : L’Egypte de Mohamed Ali (1805- 1849)

Les trois premiers cours sont basés sur la question de la longue durée des transferts de modalités institutionnelles lors de la période des réformes. Toutes ces réformes ont des traits communs : elles sont menées par une poignée d’hommes, une élite ouverte à la modernité européenne. Les structures profondes restent pour autant traditionnelles.

Historiographie : comment la période de Mehemet Ali est elle interprétée ? D’un point de vue nationaliste tout d’abord : Ali est considéré comme le père de l’Egypte moderne, la renaissance nationale avec la création d’un nouvel Etat et une nation moderne. Beaucoup d’historiens revisitent cette idée. Il y a aujourd’hui des inflexions : une réhabilitation de l’avant Mehemet Ali (expédition de Bonaparte). Toutes les campagnes de Mehemet Ali n’ont pas volonté de se détacher du gouvernement. L’Egypte est une province tributaire. Mehemet Ali n’est qu’un wali, un pacha. Moderne ? Protonationaliste ?

Lors de la première expédition contre le Hedjaz entre 1811 et 1818, Mehemet Ali gagne mais c’est Istanbul qui l’a préconisé ! Lors de la conquête du Soudan en 1920, c’est une politique de puissance régionale sous la coupe ottomane. Mais les représailles contre l’insurrection grecque entre 1924 et 1927 est commandée par Istanbul qui envoi son armée (défaite de Navarin en 1827).

La seule conquête contre Istanbul reste la dernière grande campagne contre la Syrie menée par Ibrahim Pacha, le fils de Mehemet Ali, entre 1832 et 1840. Ca montre une volonté d’aller plus loin. Mais c’est un échec puisque l’Europe s’interpose, la Russie dans un premier temps appelée par la grande porte, puis l’Angleterre de Palmerston pensant que l’Egypte est devenue trop puissante : bombardement de Beyrouth, blocus d’Alexandrie. Mehemet cède. En 1841, un traité rend la Syrie et la Crète au Sultan, Mehemet Ali conserve l’Egypte. C’est le début de la question d’Orient du fait que l’occident se rend compte de l’affaiblissement des Turcs.

I- Mohammed Ali : un homme, une vision

1- Du major albanais au maître de l’Egypte

Il est albanais de macédoine, parle turc, né dans le port de Kavala. Son père est le chef des troupes albanaises, tout en étant commerçant de tabac. Il est blond, a une forte personnalité. En 1801, il est nommé dans une expédition anglo-ottomane contre les français en Egypte. Ce major albanais monte les échelons, alors que l’Egypte est en décomposition politique. Il y a des heurts entre les différentes factions mamelouks. Il s’allie avec les notables arabes urbains, comme Umar Maqram= chef de corporation. Il s’appui sur la milice urbaine pour s’imposer par la rue.

1805 : Memet Ali devient Pacha d’Egypte

1811 : massacre de la citadelle.

1812-1820 : victoire de Mehemet Ali sur les wahhabites, notamment sur la tribu des Saoud, qui occupent les villes saintes depuis 1806. C’est le fils de Mehemet, Ibrahim, qui y rétablit l’ordre.

Au cœur du dispositif du pouvoir, sur le modèle mamelouk, il crée une maison avec son gendre, neveu, esclaves, qu’il met à des postes militaire. Le tout sur le modèle mamelouk. Son fils, à 16ans, devient gouverneur (wali) du Caire = Ibrahim Pacha. Il est éduqué, arabisant, voyage en Europe, il se prétend arabe.

2- Importation de la modernité

Sa conviction= la modernité s’apprend ! Il se met donc à l’école européenne portée par les idéaux de progrès et de civilisation.

• Il envoi en Europe des missions étudiantes d’Egypte. Le pays des Francs se dit « Bilad al Ifranj » (pays des croisés). Les premières missions, en 1809, vont en Italie puisque la première langue en méditerranée est l’Italien. On y apprend l’art de la guerre, de la marine… On fait venir des ingénieurs pour l’industrie. En 1826- 1840, les missions se dirigent vers Paris. L’imam de la première expédition à Paris est célèbre : Rifaat Al Tahtawi (1801- 1873). Il est formé à Al Azhar, au Caire. Il écrit sa relation de voyage : Le raffinement de l’Or, abrégé de Paris. Il y trace les grands événements : théâtre, opéra, science… Nous sommes à l’époque de la modernité politique en France (les 3 glorieuses). Il traduit la charte constitutionnelle Française et propose que l’Egypte rentre dans ce mode politique avec une valorisation de la liberté (qu’il entend plus par Justice).

Champollion déchiffre la pierre de rosette, les hiéroglyphes, et fonde une première galerie des antiquités égyptiennes. Malgré les controverses, Tahtawi conçoit les idoles pré islamique comme un patrimoine culturel. La mission compte entre 25 et30 étudiants. Tahwtawi mène une politique de traduction : on traduit des ouvrages militaires, des manuels d’instruction d’Etat. La modernité est traduite. Mehemet Ali va crée l’école des langues, où l’on forme des traducteurs. Le code napoléon est ainsi traduit en 1866.

* Mehemet Ali fait venir des experts étrangers que l’on nomme à des postes de haute responsabilité. Dont voici quelques noms :

-Soliman Pacha (Colonel Joseph Sèvres) est chef d’Etat major de l’armée Egyptienne ;

-Linant de Bellephont : creusement de canaux, construction de route, travaux publics ;

-Lefebure de Cerisy : crée l’arsenal d’Alexandrie, il est envoyé par le gouvernement Charles X

-Clot Bey : médecin marseillais, dirige l’école de médecine militaire, il crée un hôpital militaire à Abou Zabaal et une école (il a 150 étudiants, la leçon est donnée au traducteur qui la traduit aux élèves), le serment d’Hippocrate est adapté à l’Islam, action durant la période du choléra en 1831 puis de la peste en 1835 ;

- Jumel= coton d’Egypte, à fibres longs, il crée une usine de tissage dans le quartier du Boulacq au Caire, la Malta ;

-Pascal Coste (creuse le canal de Mahmoudieh qui relit Alexandrie au Nil).

• Les Saint Simoniens sont socialisants et technocrates. En 1833, Prosper Enfantin propose le creusement du canal de l’Isthme de Suez, qui lui est refusé. Ils font construire de grands barrages, des écoles.

• Mehemet Ali n’apporte pas d’administrateurs civils : minoritaires arméniens d’Egypte. Boghos Bey s’occupe de la politique de recrutement.

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