Analyse critique d’un document portant sur l’ère napoléonienne
Analyse sectorielle : Analyse critique d’un document portant sur l’ère napoléonienne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 10 Novembre 2013 • Analyse sectorielle • 1 940 Mots (8 Pages) • 2 132 Vues
Analyse critique d’un document portant sur l’ère napoléonienne
• Texte de CHATEAUBRIAND, Mémoire d’outre-tombe (Livre XXIV, chapitre 8)
• Extrait :
[...] Bonaparte appartenait si fort à la domination absolue, qu’après avoir subi le despotisme de sa personne, il nous faut subir le despotisme de sa mémoire. Ce dernier despotisme est plus dominateur que le premier, car si l’on combattit quelquefois Napoléon alors qu’il était sur le trône, il y a consentement universel à accepter les fers que mort il nous jette. Il est un obstacle aux événements futurs ; comment une puissance sortie des camps pourrait-elle s’établir après lui ? n’a-t-il pas tué en la surpassant toute gloire militaire ? Comment un gouvernement libre pourrait-il naître, lorsqu’il a corrompu dans les cœurs le principe de toute liberté ? Aucune puissance légitime ne peut plus chasser de l’esprit de l’homme le spectre usurpateur : le soldat et le citoyen, le républicain et le monarchiste, le riche et le pauvre, placent également les bustes et les portraits de Napoléon à leurs foyers, dans leurs palais ou dans leurs chaumières ; les anciens vaincus sont d’accord avec les anciens vainqueurs ; on ne peut faire un pas en Italie qu’on ne le retrouve ; on ne pénètre pas en Allemagne qu’on ne le rencontre, car dans ce pays la jeune génération qui le repoussa est passée. Les siècles s’asseyent d’ordinaire devant le portrait d’un grand homme, ils l’achèvent par un travail long et successif. Le genre humain cette fois n’a pas voulu attendre ; peut-être s’est-il trop hâté d’estamper un pastel.
Mais pourtant un peuple entier peut-il être plongé dans l’erreur ? N’est-il point de vérité d’où sont venus les mensonges ? Il est temps de placer en regard de la partie défectueuse de l’idole la partie achevée.
Bonaparte n’est point grand par ses paroles, ses discours, ses écrits, par l’amour des libertés qu’il n’a jamais eu et n’a jamais prétendu établir ; il est grand pour avoir créé un gouvernement régulier et puissant, un code de lois adopté en divers pays, des cours de justice, des écoles, une administration forte, active, intelligente, et sur laquelle nous vivons encore ; il est grand pour avoir ressuscité, éclairé et géré supérieurement l’Italie ; il est grand pour avoir fait renaître en France l’ordre du sein du chaos, pour avoir relevé les autels, pour avoir réduit de furieux démagogues, d’orgueilleux savants, des littérateurs anarchiques, des athées voltairiens, des orateurs de carrefours, des égorgeurs de prisons et de rues, des claque-dents de tribune, de clubs et d’échafauds, pour les avoir réduits à servir sous lui ; il est grand pour avoir enchaîné une tourbe anarchique ; il est grand pour avoir fait cesser les familiarités d’une commune fortune, pour avoir forcé des soldats ses égaux, des capitaines ses chefs ou ses rivaux, à fléchir sous sa volonté ; il est grand surtout pour être né de lui seul, pour avoir su, sans autre autorité que celle de son génie, pour avoir su, lui, se faire obéir par trente-six millions de sujets à l’époque où aucune illusion n’environne les trônes ; il est grand pour avoir abattu tous les rois ses opposants, pour avoir défait toutes les armées quelle qu’ait été la différence de leur discipline et de leur valeur, pour avoir appris son nom aux peuples sauvages comme aux peuples civilisés, pour avoir surpassé tous les vainqueurs qui le précédèrent, pour avoir rempli dix années de tels prodiges qu’on a peine aujourd’hui à les comprendre.
Source : Chateaubriand (François René), Mémoires d’outre-tombe, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", 1951.
Analyse :
Dans " Ma carrière politique ", troisième partie des Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand rappelle la stature politique du soldat et de l’homme d’Etat en la personne de Napoléon. Mais il lui reproche surtout d’avoir été un ennemi de la liberté ; il dénonce la fausseté historique et le despotisme du mythe napoléonien, autour duquel tout le peuple s’est établi après sa mort. Cependant, Chateaubriand apprécie le caractère " éclairé " de ce despote, notamment pour la réorganisation de la société française.
Analyse de la première partie :
Dans la première partie de cet extrait, Chateaubriand dénonce le despotisme de Napoléon ; pas seulement celui de son vivant mais surtout celui de sa mort. Toute la légende que cet Empereur déchu a façonné est encore plus destructrice que sa tyrannie " vivante ". En effet, il ne reste à la France presque plus aucun avenir : Chateaubriand reproche à Napoléon d’avoir surpassé la gloire militaire et ainsi de l’avoir tuée. De même, il a engendré une crainte politique : un gouvernement libre ne peut pas naître puisque toute liberté a été perdue.
Mais qu’on soit pauvre ou riche, en Allemagne ou en Italie, Napoléon reste présent dans tous les esprits. Chacun, en effet, interprète le sens de l’épopée ; personne ne reste indifférent ; son passage a laissé d’énormes souvenirs. Par ailleurs, Chateaubriand craint que le peuple ne lui ait déjà tout pardonné, comme son caractère impérial. De l’image prestigieuse, on a retenu bien souvent que les traits émouvants et les gestes épiques. " Napoléon est devenu un classique de l’art de vaincre ". En effet, après avoir vaincu cinq coalitions, comment ne peut-on pas admirer ses manœuvres, son sens stratégique et militaire ?
Analyse de la seconde partie :
Cependant, Chateaubriand évoque le génie de l’Empereur. Dépourvu de tout privilège de naissance, Napoléon a su se hisser en haut du mât politique par sa seule intelligence. De plus, il a structuré son Empire grâce à un Code civil. Chateaubriand est fasciné par ses actions politiques, ses réformes administratives, ses bouleversements dans les mœurs et ses abondantes conquêtes : " L’œuvre napoléonienne est devenue un enseignement ". Cet émerveillement est d’autant plus marqué, dans le style même de Chateaubriand,
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