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De La SDN (société des nations) à L'ONU (organisation des nations unies)

Mémoire : De La SDN (société des nations) à L'ONU (organisation des nations unies). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Novembre 2011  •  4 741 Mots (19 Pages)  •  2 610 Vues

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ÀL’ISSUE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE, la Société des Nations (SDN) prétend, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, matérialiser le très vieux rêve de paix universelle et perma- nente. Un peu plus d’un siècle auparavant, en 1795, dans la tourmente des guerres de la Révolution française, le philosophe Emmanuel Kant, avec justement son Projet de paix perpétuelle, tentait de concevoir ce que pourrait être cette paix. La graine était semée et plus ou moins oubliée. Tout au long du XIXe siècle, une passion, autrement plus enivrante que le raisonnement kantien, l’emportait : la passion nationale, diffusée par la France révolutionnaire dans toute l’Europe, et attei- gnant un sommet sinistre avec la boucherie de la Grande Guerre de 1914-1918. C’est à l’issue de cette tragédie que l’utopie philosophique devient, avec la SDN, un objet et un enjeu politiques. Toute la problé- matique est d’emblée posée. Cela ne suffit pas pour empêcher l’échec. En 1945, à l’issue d’un nouveau déchaînement de violence extrême, l’Organisation des Nations unies (ONU) prend la place de la SDN irrémédiablement discréditée.

La SDN et l’ONU s’inscrivent donc dans un mouvement de fond, qui prend forme à l’époque des Lumières, au XVIIIe siècle. L’idée de progrès s’enracine. Ce qui était regardé comme fatal ou naturel – la faim, la misère, la maladie, la guerre – se transforme en question à trai- ter. L’homme peut se libérer de ces malheurs si, en s’éclairant de sa raison, il en identifie et analyse les causes et les difficultés.

Aller de la SDN à l’ONU, c’est suivre la matérialisation chaotique d’une idée, celle de la paix perpétuelle. En 1919, dès la Conférence de la paix, les questions importantes, celles qui se posent toujours aujour- d’hui, sont sur la table. Mais chacun réagit avec ses souffrances, ses frustrations et ses intérêts. Les solutions retenues sont bancales. Les hommes se trompent sur leurs effets. D’où des engrenages imprévus

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POUVOIRS – 109, 2004

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PHILIPPE MOREAU DEFARGES

ou mal prévus. Alors, surtout après un deuxième désastre, l’on tire des enseignements. L’ONU est modelée pour ne pas répéter les ratages de la SDN. Mais la réalité est têtue. La souveraineté des États, leurs inéga- lités, leur méfiance mutuelle viscérale résistent. L’outil ONU, tout en se montrant incontestablement plus efficace que l’outil SDN, révèle de nouvelles insuffisances. En outre, il n’efface pas le trait fondamental du système international : les configurations de puissance, leur instabilité, leurs variations.

Cet article rappelle d’abord la naissance des deux organisations. Toutes deux sont des enfants des États-Unis. Mais chacune est façon- née bien différemment par l’issue du conflit qui la met au monde; de plus, l’ONU ne peut ignorer l’expérience de la SDN. Puis l’article s’in- terroge sur les trois défis que rencontre toute organisation conçue en vue de la «paix perpétuelle»: quels membres? Quel policier? Quel traitement de la question économique ? L’article se clôt sur une inter- rogation incontournable : de la SDN à l’ONU, y a-t-il quelque chose de changé ? Et quoi ?

UN PROJET AMÉRICAIN

La SDN est l’enfant de l’une des personnalités les plus controversées du XXe siècle: le président des États-Unis, Thomas Woodrow Wilson (1856-1924). Celui-ci, juriste illustre, couvert d’honneurs, entrant tardi- vement dans la politique, élu président grâce à la remarquable habileté de son alter ego, le «colonel» Edward M. House, se convainc d’avoir une mission : justement bâtir la paix perpétuelle. Le projet est présenté dans le dernier des célèbres quatorze points (8 janvier 1918): il s’agit de constituer une association de nations – League of Nations –, fondée sur la garantie réciproque de l’indépendance politique et de l’intégrité territoriale de ses membres, petits ou grands. La démarche est celle d’un juriste: les États, s’acceptant tels qu’ils sont et se reconnaissant mutuellement, doivent conclure entre eux un pacte, fixant leurs droits et obligations réciproques, et prévoyant les mesures nécessaires pour le cas où l’un ou plusieurs d’entre eux violeraient les règles établies.

Une vingtaine d’années plus tard, Franklin D. Roosevelt, beau- coup plus politique et réaliste que son prédécesseur, n’en reprend pas moins la vision wilsonienne de paix par un pacte universel. Les sacri- fices de la Seconde Guerre mondiale, l’abandon de l’isolationnisme ne peuvent être justifiés que par une paix différente, qui ne se réduise pas à une trêve entre deux guerres, mais repose sur un ordre international

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DE LA SDN À L’ONU

juste. L’administration Roosevelt tire les leçons de l’échec de la SDN : la nouvelle organisation, l’ONU, doit être dotée d’une instance légitime et efficace, capable de maintenir la paix, d’un authentique policier.

La SDN et l’ONU sont inspirées par la même notion de sécurité collective : la paix doit être assurée par tous, pour tous, contre tous et avec tous. Les États sont égaux. Que l’un d’eux ou plusieurs portent atteinte au pacte (notamment par une agression), les autres se ligueront pour les sanctionner et les ramener dans le droit chemin. Ici surgit une contradiction capitale, toujours éclatante aujourd’hui. Les États-Unis sont le porte-parole de cette paix par la sécurité collective, parce qu’ils sont le premier vainqueur, la puissance dont l’arbitrage est décisif. Les affrontements du XXe siècle (Guerres mondiales, Guerre froide) érigent les États-Unis en gardien des équilibres planétaires. Donc les voici au-dessus des autres, dans une catégorie à part où ils sont seuls ! Or la paix que les États-Unis veulent est démocratique. Tous les États sont déclarés égaux, quels que soient leurs écarts de taille, de population, de force. Le problème est là : les États-Unis, dans cette paix dite démo- cratique, sont de fait structurellement beaucoup plus égaux que les autres ; ils sont la clé de voûte du système, le garant ultime de son fonc- tionnement harmonieux. La SDN, dès sa naissance, est lourdement

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