Le Menteur, Acte I, scène 5 – Corneille

Explication linéaire n°9

Objet d'étude : Le théâtre du XIXe au XXle siècle

Parcours : Mensonge et comédie

Œuvre : Le Menteur, Acte I, scène 5 – Corneille

Passage: « Comme à mes chers » à « nos plaisirs. »

DORANTE, revenant à eux.

Comme à mes chers amis je vous veux tout conter.

J'avais pris cinq bateaux pour mieux tout ajuster;

Les quatre contenaient quatre chœurs de musique

Capables de charmer le plus mélancolique ;

5                        Au premier, violons; en l'autre, luths et voix ;

Des flûtes, au troisième; au dernier, des hautbois,

Qui tour à tour dans l'air poussaient des harmonies

Dont on pouvait nommer les douceurs infinies.

Le cinquième était grand, tapissé tout exprès

10                     De rameaux enlacés pour conserver le frais,

Dont chaque extrémité portait un doux mélange

De bouquets de jasmin, de grenade et d'orange.

Je fis de ce bateau la salle du festin :

Là je menai l'objet qui fait seul mon destin ;

15                     De cinq autres beautés la sienne fut suivie,

Et la collation fut aussitôt servie.

Je ne vous dirai point les différents apprêts,

Le nom de chaque plat, le rang de chaque mets :

Vous saurez seulement qu'en ce lieu de délices

20                     On servit douze plats, et qu'on fit six services,

Cependant que les eaux, les rochers et les airs

Répondaient aux accents de nos quatre concerts.

Après qu'on eut mangé, mille et mille fusées,

S'élançant vers les cieux, ou droites ou croisées,

25                     Firent un nouveau jour, d'où tant de serpenteaux

D'un déluge de flamme attaquèrent les eaux,

Qu'on crut que, pour leur faire une plus rude guerre,

Tout l'élément du feu tombait du ciel en terre.

Après ce passe-temps, on dansa jusqu'au jour,

30                     Dont le soleil jaloux avança le retour :

S'il eût pris notre avis, sa lumière importune

N'eût pas troublé sitôt ma petite fortune ;

Mais n'étant pas d'humeur à suivre nos désirs,

Il sépara la troupe, et finit nos plaisirs.

Mvmnt 1= une entrée en scène grandiose

Mvmnt 2= une tirade mensongère exponentielle grâce au récit d’un dîner d’exception.

Mvmnt 3=l’apothéose d’un spectacle pyrotechnique

Intro :

Pierre Corneille est un écrivain du XVIIe siècle, né en 1606 à Rouen. Il commence par être avocat, mais il se passionne vite pour le théâtre. Il écrit à la fois des comédies et des tragédies. En 1637, il connaît un grand succès avec Le Cid qui permettra de formuler des règles d’écritures pour introduire l’ordre, de l’équilibre et de la stabilité, puis en 1644, il écrit Le Menteur, une comédie basée sur le mensonge et les quiproquos.                                                                                                                                 Le Menteur raconte l’histoire de Dorante, un jeune homme qui ment sans arrêt pour impressionner et séduire. Dans l’Acte I, scène 5, Dorante invente un repas luxueux pour captiver ceux qui l’écoutent. Ce passage montre son talent pour raconter des histoires et illustre les thèmes du mensonge et des apparences. Nous pouvons nous demander : comment Dorante utilise-t-il le mensonge pour impressionner et séduire personnages et spectateurs ?                                                                                              Pour répondre, nous verrons d’abord son entrée en scène impressionnante (lignes 1 à 16). Ensuite, nous analyserons la façon dont il exagère son histoire en parlant d’un repas extraordinaire (lignes 17 à 22). Enfin, nous étudierons le final spectaculaire de son récit (lignes 23 à la fin).

Conclusion :

Dans cet extrait du Menteur, Dorante utilise le mensonge comme un véritable art pour séduire et impressionner son auditoire. Grâce à une mise en scène exagérée, il construit un récit spectaculaire où musique, festin et feux d’artifice captivent autant les personnages que les spectateurs. Son talent de conteur et son imagination débordante lui permettent de transformer la réalité en une histoire fascinante, renforçant ainsi le comique de la pièce.                                                                                Ce jeu avec la vérité rappelle la pièce Le Prénom d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte. Dans cette comédie moderne, un simple mensonge ou malentendu déclenche des disputes et bouleverse les relations entre les personnages, montrant encore une fois comment les mots peuvent tout changer.

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