L'albatros, Baudelaire
Commentaire de texte : L'albatros, Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar durruty • 12 Mars 2023 • Commentaire de texte • 2 156 Mots (9 Pages) • 224 Vues
Commentaire littéraire
« L’Albatros »
En juillet 1857, Charles Baudelaire publie son œuvre majeure : Les Fleurs du mal. Poète inclassable, il révolutionne le romantisme et se pose en précurseur du symbolisme. Tiraillé entre un idéal inatteignable et un spleen accablant, Baudelaire dépeint ses angoisses et ses espérances, à travers une poésie résolument moderne. Moderne par le choix des sujets : en parfait alchimiste, il transfigure la plus banale des réalités ou au contraire corrompt la beauté ; moderne aussi par la forme adoptée : il joue avec les règles classiques pour proposer une poésie libérée des contraintes formelles. À 18 ans, il est au lycée Louis-Le-Grand et mène une vie de bohème dans le quartier latin. Son beau-père, Jacques Aupick, décide de l’envoyer en voyage à Calcutta pour lui donner le sens des réalités. Il n’ira pas plus loin que l’île Maurice mais gardera de ce voyage en bateau des images fascinantes et exotiques qui nourriront sa poésie, et notamment cette anecdote de l’albatros. « L’albatros » est un poème figurant dans la section Spleen et Idéal, ajouté en 1861 lors de la deuxième édition des Fleurs du Mal, après la condamnation du recueil. C’est un « poème carré », formé de quatre quatrains, composés d’alexandrins et de rimes croisées. Ce poème illustre parfaitement cette première partie des Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, en introduisant ces deux thèmes si chers à Baudelaire. Il utilise une image nouvelle et double : l’oiseau dans le ciel se trouve du côté de l’idéal, il est libre et majestueux. Au sol, il devient maladroit et ridicule : il représente bien la mélancolie du poète inadapté à la société et incompris, prisonnier du spleen. En ce sens, nous nous demanderons en quoi l’albatros est une allégorie du Poète, tiraillé entre spleen et idéal. Pour cela, nous verrons comment l’auteur nous donne à voir un récit poétique, centré autour du voyage maritime. Ensuite, nous nous intéresserons à la quête d’idéal du Poète, symbolisé par l’aspect majestueux de l’Albatros. Enfin, nous observerons en quoi l’albatros, ridicule au sol et martyrisé par les marins, est l’allégorie du poète maudit, incompris des Hommes.
[*Version « plus légère » de l’annonce du plan (sans les verbes introducteurs « nous observerons » etc.) -> mais pour le moment, préférez la version 1, plus explicite : En ce sens, nous nous demanderons en quoi l’albatros est une allégorie du Poète, tiraillé entre spleen et idéal. Le poème se présente en effet sous la forme d’un récit poétique et symbolique, centré autour du voyage maritime. Il met en scène la figure de l’albatros, majestueux dans les airs, mais ridicule au sol. Baudelaire présente ainsi une double allégorie animale du poète : un poète en quête d’idéal d’une part ; un poète maudit, incompris des hommes, d’autre part.]
Dans cette première partie, nous nous intéresserons à la dimension narrative de ce poème. En effet, Baudelaire nous conte l’histoire d’un voyage maritime, au cours duquel les marins capturent un albatros. Plusieurs indices nous permettent de deviner la dimension symbolique et poétique de ce récit, construit comme un court apologue.
Le poète nous plonge d’emblée dans l’univers maritime en usant abondement du champ lexical du voyage maritime (« navire » (v.4), « gouffres amers » (v.4), « hommes d’équipage » (v.1), etc.). Le décor est posé et l’action est rendue vivante et proche de nous par l’utilisation du présent de narration : les « hommes d’équipage », soit les matelots, « prennent » des albatros afin de « s’amuser » avec. L’enjambement au vers 2 (« les hommes d’équipage / prennent des albatros »), insiste sur l’action de la capture et renforce son immédiateté. Cela laisse deviner la violence des sévices qui vont suivre. Les différents registres utilisés par l’auteur, alternance entre registre pathétique (empathie pour l’oiseau), comique (lors des scènes de moquerie), voire tragique (l’oiseau ne peut plus voler, son destin est brisé) renforce la dimension narrative du poème, qui se rapproche ainsi d’un récit poétique.
L’analogie entre l’oiseau et le poète, explicitement révélée au dernier quatrain, est toutefois décelable tout au long du poème. Plusieurs indices nous montrent en effet la dimension symbolique et universelle de ce récit poétique. Tout d’abord l’utilisation du présent de vérité générale dans le dernier quatrain (« est » (v.13), « hante » (v.14), « se rit » (v.14), « empêchent » (v.16)) donne une autre dimension à cette simple anecdote maritime. La majuscule au nom Poète dans le dernier vers indique que cette histoire porte en elle une dimension universelle : Baudelaire parle de la figure du poète en général, pas seulement de lui. L’utilisation de l’adverbe « souvent » en tout début de poème, indique en outre la fréquence de cette pratique : elle est plus qu’occasionnelle, c’est une habitude. Enfin, avant même de révéler que l’oiseau symbolise le poète, Baudelaire personnifie l’animal grâce à des périphrases poétiques (« indolents compagnons de voyage » (v.3), « ces rois de l’azur » (v.6)) et des adjectifs qualifiant habituellement des personnes (« maladroits et honteux » (v.6), « gauche et veule » (v.9), « comique » (v.10)). Dès les premiers vers, puis tout au long du poème, le lecteur perçoit ainsi la dimension universelle de ce récit poétique, qui est bien plus qu’une simple anecdote de scène de mer.
Baudelaire, en se plaçant comme le narrateur d’une histoire (ou le témoin externe ?), nous relate une scène de mer, centrée autour de la capture d’un oiseau. Bien vite, le lecteur devine la dimension allégorique de ce récit. Celle-ci sera confirmée comme nous allons le voir dans cette seconde partie.
Nous consacrerons la deuxième partie de notre commentaire à la figure de l’albatros comme symbole du poète en quête d’Idéal. Comme l’oiseau lorsqu’il est en vol, la figure du poète décrite par Baudelaire est un personnage noble et majestueux qui traverse les âges, déployant son talent et son imagination vers la recherche de l’idéal.
Comme le révèle la comparaison du premier vers du dernier quatrain (« Le Poète est semblable au prince des nuées » (v.13)), la figure de l’albatros est une allégorie de la figure du poète. Les périphrases désignant l’oiseau (« rois de l’azur »
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