L'Oeillet - Francis Ponge
Commentaire de texte : L'Oeillet - Francis Ponge. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar chrodeon • 17 Février 2025 • Commentaire de texte • 1 984 Mots (8 Pages) • 17 Vues
Fremau Martin, 1e5
05/02/2025
Analyse linéaire - L’ŒILLET
Francis Ponge se démarque des autres poètes par sa vision complexe de ce qu’est la poésie, complexité qui occupe un rôle central dans son écriture. Son recueil La Rage de l’expression, paru en 1952, aborde donc plusieurs fois le sujet de la définition de la poésie, et tente de savoir s’il en fait partie ou non. Plus généralement, Ponge offre à travers le recueil une vision claire de son travail, comme il le fait dans l’extrait qui nous intéresse, tiré du début du quatrième dossier. Ce texte, composé de trois blocs séparés par deux ellipses, rentre dans la catégorie des arts poétiques puisque l’auteur y énonce les principes de son écriture, de son art esthétique. Une tension est cependant présente tout au long du texte, qui hésite souvent et offre de nombreuses contradictions et oppositions. Ainsi, sa lecture nous invite à nous demander en quoi ce texte énonce un art poétique paradoxal.
De la 1ere à la 5e ligne, Ponge exprime ce que représente son écriture à ses yeux, puis de la 6e à la 14e ligne, les objectifs du texte se construisent par paradoxes, et enfin de la 15e à la 21e et dernière ligne, le texte énonce la méthode à suivre en jonglant entre art et science.
Ponge exprime ce que représente son écriture à ses yeux.
Effectivement, dans ce premier mouvement, le poète parle de sa vision de ses travaux, et cela dès la première phrase dont le verbe, à l’infinitif, fait penser à un objectif à atteindre ou un mantra qui le suivrait tout du long de l’écriture. L’usage du mot “défi” ajoute également une dimension d’ambition, et de confrontation avec “les choses” qui poseraient ledit défi au langage. L’oeillet, d’ailleurs rarement mentionné dans le passage, n’est ici qu’un exemple de cette idée générale, quand bien même le déterminant démonstratif “ces” le fait apparaître devant nos yeux, suivant un procédé récurrent chez Ponge retrouvé notamment dans le texte du Mimosa. L’emploi qui suit de la première personne montre que l’écrivain assume pleinement le caractère personnel de sa pensée et de ses objectifs, et fait apparaître cette fois non pas l’objet observé mais son observateur, avec qui se forme un lien plus fort. Cet observateur exprime sa détermination d’utiliser “les mots”, faisant écho au “langage”, afin de bien rendre compte de l'œillet et donc de relever son défi. L’alternance possible entre “la lecture ou l’audition” revient aux racines de la poésie, d’abord un art oral avant d’être écrite, et introduit doucement ce concept qui n’avait pour le moment pas été cité, fort bizarrement d’ailleurs dans un art poétique. Cette oralité est appuyée par le verbe “s’écrier”. L’adverbe “nécessairement”, qui annonce les développements du deuxième mouvement, signifie que le langage doit rendre évident l'œillet, et ne pas laisser de doutes dans l’esprit du lecteur ou auditeur. S’ensuit une sorte de dialogue mis en scène où le narrateur se questionne et se répond de par lui même, exprimant clairement qu’il n’importe pas que le texte soit ou non poésie, qu’il ne s’agit pas là de l’intention de l’écrivain, qui, par l’utilisation de la première personne, énumère ce qu’est pour lui l’écriture: “un besoin, un engagement”, le premier exprimant quelque chose de pressant et de fatal, le second faisant écho à ce défi relevé et à l’obstination qu’à Ponge, “une colère” comme l’annonce le titre de son recueil La Rage de l’expression, et enfin une “affaire d’amour propre”, comme l’est tout défi que l’on se donne ou que l’on nous lance, et qui explique l’obstination citée préalablement ainsi que ce besoin de parvenir à son but. Cette énumération invitant naturellement à accélérer le rythme de la lecture accentue l’élan très énergique qu’est cette première partie, finie sèchement par un “voilà tout” presque rageur comme si, dans son emportement, Ponge s’exaspérait des critiques souhaitant l’ériger en poète et grand artiste, et s’éreintait de leur refus de le comprendre. L’écriture est donc présentée comme très importante, et presque violente tant les termes utilisés tendent vers des absolus (“Je n’aurai de cesse”, “nécessairement”, “je n’en sais rien”, “voilà tout”).
Les objectifs du texte se construisent par paradoxes, entre son appartenance ou non au genre poétique.
“Je ne me prétends pas poète”. Cette ouverture du deuxième paragraphe, par la modestie et le calme affichés, contraste fortement avec l’énergie clôturant le mouvement précédent. Par cette phrase, l’écrivain, en plus de faire du poète un être à part , différent du reste de l’humanité, s’en détache complètement, refuse de se place dans l’imaginaire classique du poète, de façon à s’affranchir de ce prisme à travers duquel serait autrement observé son travail, à placer son texte en dehors du genre poétique puisqu’un écrivain n’étant pas poète n’écrit logiquement pas de poésie, et à affirmer le caractère novateur de ses écrits, malgré la contradiction avec une vision qu’il dit “fort commune”. La banalité est renforcée quelques mots plus loins par l’expression “la plus ordinaire soit-elle”, se référant à une chose quelconque, puis contredite vivement par le strict opposé: “particulières”, qui se réfère cette fois ci aux qualités de la chose; un objet peut être à la fois le plus normal possible et unique au monde. La mise au conditionnel des verbes dans la proposition suivante rappelle que l’objectif n’est pas atteint et ramène la question du langage devant servir à exprimer les qualités de l’objet. La qualification de l’opinion comme “unanime et constante” rappelle que l’on doit s’écrier “nécessairement” de la chose, et qu’il ne peut pas y avoir de doute laissé par l’écriture, en plus d’instaurer un climat de sévérité par l’absolu des termes, sévérité qui n’est pas sans rappeler l’indubitabilité que cherche à atteindre Ponge dans ses textes comme il l’explique dans l’ouvrage My creative method, signe supplémentaire que l’auteur expose là ses objectifs. Néanmoins cet objectif seul ne suffit pas, et à l’aide d’un deuxième dialogue avec lui même continuant à le rapprocher de son lecteur, le narrateur affiche une volonté supérieure, une
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