Explication linéaire Manon Lescaut
Analyse sectorielle : Explication linéaire Manon Lescaut. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar maitenabarucq • 23 Mars 2025 • Analyse sectorielle • 1 887 Mots (8 Pages) • 19 Vues
Introduction
L’abbé Prévost, tout à la fois religieux, militaire, aventurier, séducteur, et écrivain prolifique, est l’auteur de Manon Lescaut, publié en 1731.
A l’été 1712, le héros, le chevalier Des Grieux, achève à peine ses études de philosophie. Il se prépare à rentrer chez son père pour les vacances, hésitant entre la carrière militaire et l’état ecclésiastique. Cet extrait marque le début du récit du chevalier à « l’homme de qualité », le marquis de Renoncour, qui nous retranscrit cette histoire. Après s’être présenté, Des Grieux en arrive à sa première rencontre avec Manon, véritable coup de foudre. Il s’agit d’un récit rétrospectif, alors même que le marquis a déjà rencontré le jeune couple au moment de la déportation de Manon au milieu d’autres « filles de joie ». Nous verrons que cette rencontre extraordinaire va bouleverser à jamais la vie du jeune homme. Notre explication sera découpée en deux mouvements : le coup de foudre (lignes 1 à 15) et le premier échange de paroles entre les deux jeunes gens (lignes 15 à la fin).
1er mouvement : Le coup de foudre (lignes 1 à 14)
Dès le début du texte, le narrateur Des Grieux utilise un ton tragique. La première phrase est un alexandrin, l’utilisation du plus-que-parfait et les mots « marqué » et « temps » évoquent l’idée d’une fatalité : le héros se retrouve devant son destin. L’interjection « Hélas ! » le confirme, ainsi que l’expression du regret à la forme exclamative et négative (« que ne le marquai-je un jour plus tôt ! »), préfigurant ainsi la suite du récit. Le regret, porté par l’utilisation de l’irréel du passé « j’aurais porté » (conditionnel passé), montre la fin de l’innocence et du bonheur familial. La rencontre semble décidée par le destin (répétition du verbe « marquer ») qui va rattraper in extremis le héros et changer sa vie à jamais « la veille même de celui que je devais quitter cette ville ». Des Grieux cherche visiblement à apitoyer le marquis de Renoncour (et le lecteur) et à susciter sa curiosité sur les malheurs qu’a pu connaître le jeune homme.
Le récit commence avec l’utilisation du passé simple, « vîmes », « suivîmes » qui marque un ancrage chronologique et même géographique (« Amiens). L’évocation de détails et le présent de vérité générale (« où ces voitures descendent) renvoient à la description d’une ville de province. L’arrivée du coche est montrée comme un événement digne d’éveiller la curiosité des deux jeunes hommes, alors qu’il s’agit d’un événement assez anodin. Cependant, Manon apparait et son arrivée contraste avec celle des autres femmes, anonymes et banales, comme le souligne le parallélisme de construction : « Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. » / « Mais il en resta une, […] qui s’arrêta seule ». Immobile au milieu des autres femmes, Manon se distingue comme le montrent les antithèses « quelques » / « une » et « se retirèrent » / « s’arrêta ». Le fait que la jeune fille, « fort jeune », soit accompagnée sans doute d’un domestique montre son statut social, qui n’est ni noble ni riche puisqu’elle voyage en coche, mais dont la famille est suffisamment aisée pour la faire accompagner, préservant ainsi les convenances sociales.
Dès son arrivée, la jeune femme exerce un pouvoir sur le narrateur ; « charmante », à la ligne 10, est à prendre au sens étymologique du charme magique, de même que le verbe « parut » laisse entrevoir la possibilité d’une exagération de la réalité. Le charme semble si profond qu’il bouleverse tout ce que le narrateur croyait savoir de lui. Ainsi la double proposition subordonnée de conséquence qui suit contient une forme emphatique avec la répétition du pronom personnel « moi » et montre l’opposition entre le narrateur qui existait avant (« moi qui n’avais pensé à la différence des sexes » / « moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue ») (On peut noter également que le narrateur décrit son ancien état au plus-que-parfait, époque révolue, et qu’il prend à témoin l’opinion publique de ses anciennes vertus : « tout le monde admirait ») et l’actuel : « je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport ». Cette dernière tournure passive montre un héros dépossédé de lui-même.
La transformation du narrateur est donc subite (« tout d’un coup », locution adverbiale). Ainsi la conjonction de coordination « mais » marque une opposition entre l’ancienne personnalité du jeune homme et son assurance soudaine : « J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais, loin d’être arrêté par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. » Les deux groupes adjectivaux montrant l’ancienne naïveté du jeune homme s’opposent au verbe « m’avançai » : Des Grieux, à ce moment-là, se met en route vers son destin. La périphrase « maîtresse de mon cœur », est sans ambiguïté : appartenant, comme « enflammé » et « transport », au vocabulaire classique de l’amour. Ils préparent le lecteur à la future passion entre Des Grieux et Manon.
L’étudiant en philosophie est métamorphosé, l’amour lui donnant beaucoup d’esprit. Cette première rencontre est une authentique scène d’innamoramento, terme italien venant de Pétrarque et exprimant le coup de foudre, l’exaltation amoureuse au premier regard pour une femme sans forcément la connaître. La première interaction entre les deux personnages révèle cependant un rapport de force déséquilibré: à la différence de des Grieux, qui affiche une grande émotion malgré son âge, Manon, d’emblée, semble avoir une grande maîtrise d’elle-même et des situations de séduction, comme le montre la proposition circonstancielle de concession introduite par « Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi » met en place un paradoxe renvoyant à son comportement (« sans paraître embarrassée ») qui ne peut s’expliquer que par la précocité de Manon.
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