Analyse littéraire incipit L'Etranger, Albert Camus
Commentaire de texte : Analyse littéraire incipit L'Etranger, Albert Camus. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar useruguufzef • 24 Février 2025 • Commentaire de texte • 730 Mots (3 Pages) • 10 Vues
L'incipit de L'Etranger, Albert Camus
Introduction
Publié en 1942, L'Étranger d'Albert Camus est un roman emblématique de la littérature du XXe siècle et de la philosophie de l'absurde. L'histoire suit Meursault, un homme indifférent aux conventions sociales, qui sera jugé pour un meurtre commis sur une plage algérienne. L'incipit de ce roman est célèbre pour son caractère déconcertant et sa singularité stylistique et thématique. Il pose d'emblée les bases de la relation étrange du narrateur avec le monde qui l'entoure. Nous verrons donc en quoi cet incipit est singulier, à travers l'analyse de trois mouvements : l'annonce de la mort de la mère, les préparatifs pour se rendre à Marengo et enfin le trajet en autobus.
1. L'annonce de la mort de la mère : un début déconcertant
L'incipit s'ouvre sur une phrase célèbre : "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas." Cette déclaration marque immédiatement la singularité du narrateur et du roman.
- Une situation d'énonciation froide et distante : L'utilisation du présent de l'indicatif ("Aujourd'hui") donne une impression d'immédiateté et de certitude, mais elle est immédiatement contredite par l'incertitude exprimée à travers l'adverbe "peut-être" et la subordonnée "je ne sais pas". Cette contradiction dérange et intrigue le lecteur.
- Un style télégraphique et minimaliste : Les phrases sont courtes, simples, sans fioritures. La sobriété du style renforce l'impassibilité du narrateur.
- Une indifférence apparente : Meursault ne semble pas réagir de manière conventionnelle à la mort de sa mère, ce qui choque le lecteur.
- Le souci du langage : L'incipit met en évidence l'attention que Meursault porte aux mots et à leur signification. Lorsqu'il commente le télégramme reçu ("Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier."), il souligne l'imprécision du message administratif.
Cet incipit déroute donc par son ton neutre, son écriture épurée et l'étrange distance du narrateur face à un événement aussi marquant que la mort d'un proche.
2. Les préparatifs pour se rendre à Marengo : la routine face au deuil
Après l'annonce de la mort, Meursault se prépare à se rendre à Marengo, où se trouve l'asile de vieillards où vivait sa mère.
- Une approche pragmatique du deuil : Meursault organise son voyage de manière fonctionnelle ("Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi."). Il ne manifeste ni douleur ni émotion particulière.
- Un rapport détourné aux conventions sociales : Lorsque son patron réagit froidement à sa demande de congé, Meursault réagit d'une manière peu attendue ("Ce n'est pas de ma faute."). Cette phrase, presque inappropriée dans ce contexte, illustre son décalage avec les codes sociaux.
- Une indifférence persistante : Il anticipe déjà la fin de cette période ("Après l'enterrement, ce sera une affaire classée."), comme si la mort de sa mère n'avait qu'un impact administratif sur sa vie.
- Un quotidien qui se poursuit sans bouleversement : Meursault déjeune chez Céleste, comme à son habitude, ce qui renforce l'impression qu'il ne ressent pas le besoin de modifier sa routine, malgré l'événement tragique.
Ce passage met donc en avant la détachement du narrateur et son regard pragmatique sur les événements, ce qui contribue à la singularité de cet incipit.
3. Le trajet en autobus : une perception sensorielle du monde
Le dernier mouvement relate le voyage de Meursault vers Marengo.
- Une attention aux sensations physiques : Meursault ne décrit pas ses émotions, mais plutôt des éléments sensoriels ("cahots", "odeur d'essence", "réverbération de la route et du ciel"). Cela renforce l'impression d'un narrateur plus attentif à son environnement physique qu'à ses sentiments.
- Un état de torpeur : Il s'endort presque tout au long du trajet. Cette somnolence semble symboliser son rapport distancié à la réalité.
- Un refus du dialogue : Lorsque le militaire lui parle, il répond brièvement ("J'ai dit 'oui' pour n'avoir plus à parler."). Ce refus de communication souligne son isolement et sa difficulté à interagir avec autrui.
Ce dernier mouvement met donc en avant la perception sensorielle et physique de Meursault, plutôt que son implication émotionnelle ou sociale, confirmant ainsi son attitude étrange face aux événements.
Conclusion
Cet incipit se distingue par sa neutralité apparente, son style minimaliste et l'étrange détachement du narrateur face à la mort de sa mère. Meursault ne réagit pas selon les conventions sociales, préfère les sensations physiques aux émotions, et semble déconnecté du monde. Cette singularité préfigure le thème central du roman : l'absurdité de l'existence. On peut rapprocher cet incipit d'autres ouvertures de romans existentialistes, comme La Nausée de Sartre, qui propose également un regard distancié sur le monde.
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