L'acte anormal de gestion
Commentaire d'arrêt : L'acte anormal de gestion. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Grimaldus20 • 8 Avril 2023 • Commentaire d'arrêt • 2 132 Mots (9 Pages) • 200 Vues
TD n°7 - Droit fiscal - Commentaire arrêt
En l’espèce, une société suisse, résidente fiscale suisse, a cédé l’ensemble de ses actions d’une société française à un cessionnaire, résident fiscal russe. L’administration fiscale a remis en cause la valeur des actions cédées et a réintégré dans le résultat de la société suisse l’écart entre le prix de cession des actions et la valeur vénale qu’elle a déterminée. La société a alors été redressée. La société a demandé au tribunal la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. Cependant, le tribunal administratif a en partie accueilli la demande. La cour administrative d’appel de Versailles, quant à elle, remet à la charge de la société les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt ainsi que les majorations correspondantes mais décharge la société des retenues à la source et des pénalités correspondantes.
La société a alors formé un pourvoi en cassation au moyen que la cour administrative d’appel n’a pas fait droit à l’intégralité de son appel.
La question de droit qui se pose est de savoir si le fait pour une société de céder un de ses actifs à un prix inférieur à sa valeur vénale est de nature à présumer un acte anormal de gestion.
Le Conseil d’Etat a reçu le pourvoi de la société requérante. Dans un premier temps, le Conseil donne une définition claire de l’acte anormale de gestion en considérant que c’est l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Pour ensuite considérer que si l’administration soutient que la cession est effectuée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale et que le contribuable ne peut remettre en cause cette évaluation alors il est considéré que l’administration apporte la preuve du caractère anormale de l’acte de cession. Le contribuable devra donc rapporter la preuve que cet acte considéré comme anormal a été fait dans l’intérêt de la société.
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat vient apporter une nouvelle définition de l’acte de gestion anormal (I) et il précise la charge de la preuve pesant sur l’administration en définissant un nouveau cas de présomption lors d’une cession à prix inférieur à sa valeur vénale (II).
I - La définition de l’acte anormal de gestion précisée
Le Conseil d’Etat vient donner une définition plus claire de l’acte de gestion anormal par rapport à sa jurisprudence antérieure (A) tout en maintenant son critère de l’intérêt de l’entreprise (B) afin de caractériser un acte anormal de gestion.
A - L’anormalité de l’acte
L’acte anormal de gestion est une création prétorienne. Sa théorie se fonde sur l’idée que l’entreprise peut voir sa liberté de gestion limitée dans les cas où elle ne suit pas son intérêt social selon l’administration. Cela permet alors à l’administration de refuser la déduction de certaines charges considérées comme anormales ou bien d’imposer la réintégration de gains qui auraient normalement dû être perçus. Dans l’arrêt étudié, le Conseil d’Etat vient apporter une certaine clarification dans la définition de l’acte anormal de gestion. Il énonce que l’acte de gestion anormal est « l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt ». Dans sa jurisprudence antérieure, arrêt du 10 juillet 1992, le Conseil d’Etat avait considéré que l’acte anormal de gestion est celui qui est accompli dans l’intérêt d’un tiers par rapport à l’entreprise ou qui n’apporte à cette entreprise qu’un intérêt minime hors de proportion avec l’avantage que le tiers peut en tirer. Il était donc considéré que l’acte anormal de gestion était toute mauvaise gestion.
La nouvelle définition de l’acte anormal de gestion marque une modification importante tout en allégeant la notion afin de la stabiliser. Il est précisé le caractère volontaire de l’acte anormal de gestion. En effet, le Conseil d’Etat évoque le fait que la société décide par cet acte de s’appauvrir. L’acte anormal de gestion est donc caractérisé par deux éléments. D’abord, il y a un élément objectif qui est l’appauvrissement de la société. Ensuite, il y a un élément intentionnel qui est la conscience d’agir contre son intérêt qui est marqué par le terme « décide » dans la définition. La simple mauvaise gestion n’entre donc plus dans la notion d’acte anormal de gestion. En effet, il est tout à fait possible pour une société de faire des mauvaises affaires sans en avoir l’intention. Sanctionner un acte car il a entrainé une mauvaise affaire et donc un appauvrissement de la société paraîtrait étrange. Il est donc maintenant nécessaire de rapporter en plus la conscience de la société d’agir contre son intérêt.
La notion d’intérêt de l’entreprise apparait dans la définition du Conseil d’Etat comme centrale afin de déterminer l’acte anormal de gestion.
B - Un acte contraire à l’intérêt de l’entreprise
Dans, l’arrêt étudié, le Conseil d’Etat évoque clairement que l’acte anormal de gestion est un acte conclu « à des fins étrangères à l’intérêt ». Comme nous l’avons vu cet intérêt renvoie à l’intérêt de l’entreprise. L’intérêt social est souvent défini comme étant la volonté pour une entreprise de réaliser et partager des bénéfices. Ainsi, un appauvrissement sera considéré comme contraire à l’intérêt social. Ce critère peut sembler étrange car l’acte anormal devrait être un acte qui ne se fait pas. Or, le Conseil d’Etat considère que l’anormalité tient à la violation de l’intérêt de l’entreprise. La recherche d’un acte contraire à l’intérêt de la société pour caractériser un acte anormal de gestion n’est pas nouveau. Néanmoins, la jurisprudence avait pendant un temps utilisé la théorie du risque excessif afin de considérer des actes de gestion comme anormaux. Cela consistait à définir un acte de gestion anormal du simple fait qu’il était risqué. La jurisprudence a fini par abandonner cette théorie.
Ce critère de l’intérêt de l’entreprise pose problème et notamment sur le fait qu’il permet à l’administration de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Or, cela porte atteinte au principe de liberté de l’entreprise qui permet à l’entreprise de se gérer comme elle l’entend. L’acte anormal de gestion vient donc limiter ce principe de liberté de gestion dès lors que l’entreprise agirait contre son intérêt. Et là encore, il se pose une difficulté sur le fait que l’appréciation de l’intérêt de l’entreprise est subjectif. On peut très bien imaginer que la cession de parts sociales à un prix très bas est contraire à l’intérêt social mais cela peut éviter la dissolution de la société. Enfin, une dernière difficulté tient à la preuve de l’agissement contraire à l’intérêt social afin de qualifier l’acte de gestion comme anormal. En effet, en principe, comme l’administration vient remettre en cause l’acte elle se doit de rapporter la preuve de la contrariété à l’intérêt de l’entreprise. En l’occurence, l’administration rapportait une différence entre la valeur vénale de l’actif et son prix de cession qui permettait d’apporter la preuve d’un appauvrissement et donc l’élément objectif permettant de prouver la contrariété à l’intérêt social. Cependant, l’administration ne rapportait pas la volonté de la société d’agir contrairement à son intérêt social par cette cession.
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