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Commentaire - Décret n°62-1127 du 2 octobre 1962

Commentaire de texte : Commentaire - Décret n°62-1127 du 2 octobre 1962. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  23 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  1 907 Mots (8 Pages)  •  269 Vues

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« Mais ils n’ont malheureusement pas tort ceux qui déclarent que, le 28 octobre, il y aura non un référendum mais un véritable plébiscite. On est loin de la lettre de la Constitution de 1958 qu’avec des pouvoirs limités certes, le Conseil constitutionnel a reçu mission d’appliquer. », Léon Noël, juriste et président du Conseil constitutionnel de 1959 à 1965, dans ses carnets, à la date du 19 octobre.

                Appelé par le président de la République René Coty et investi par une Assemblée nationale sous pression, Charles de Gaulle accède en juin 1958 à la fonction de président du Conseil. Alors que la crise algérienne s’enlise, il a été appelé au pouvoir pour former un gouvernement, et dispose des pleins pouvoirs afin de mettre un terme à l’instabilité ministérielle de la IVe République. Le projet de Constitution de la Ve République présenté aux Français le 4 septembre 1958 est largement adopté par référendum à la fin du mois. Dans la foulée, De Gaulle est élu par un collège électoral Président de la République française et de la Communauté africaine et malgache (21 décembre 1958).

                La page de la guerre d’Algérie tournée, le président de la République décide de consolider les institutions nouvellement organisées par une réforme importante : l’élection du chef du pouvoir exécutif au suffrage universel. Il estime que le meilleur moyen de légitimer cette réforme est le référendum, qui fût si efficace entre 1958 et 1962.

                Ce référendum est annoncé par le décret n°62-1127 du 2 octobre 1962, signé de la main de Charles de Gaulle, qui décrète la tenue d’un référendum au jour du 28 octobre 1962, par lequel les Français seront amenés à accepter ou à rejeter la proposition du chef de l’Etat, autrement dit l’élection du président de la République française au suffrage universel direct. S’il venait à être favorable à la volonté de Charles de Gaulles, ce référendum marquerait un changement profond entre les pratiques des IIIe et IVe Républiques, et celles de la Ve République nouvellement installée. La manœuvre lui réussira, puisque 62.25% des suffrages exprimés valideront l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel.

                Dans quelles mesures le décret n°62-1127 du 2 octobre 1962 s’apparente-t-il à un tournant de l’histoire institutionnelle et politique de la Ve République ?

                Il conviendra de d’abord la rupture institutionnelle que prévoit ce décret [I.], pour ensuite s’intéresser au coup de force politique que constitue cette manœuvre du président Charles de Gaulle [II.].

  1. LE DECRET N°62-1127 DU 2 OCTOBRE 1962, UNE RUPTURE INSTITUTIONNELLE

Le décret du 2 octobre soumettant au référendum un projet de loi relatif au mode d’élection du président de la République française marque une rupture institutionnelle en cela qu’il constitue une initiative possiblement irrégulière au regard de la Constitution [A.], rupture qui serait plus profonde encore en cas de victoire du « OUI » au vu du projet de loi annoncé [B.].

  1. UNE INITIATIVE PRESIDENTIELLE POSSIBLEMENT IRREGULIRE AU REGARD DE LA CONSTITUTION

Le décret n°62-1127 du 2 octobre 1962 est, à priori, une initiative du général De Gaulle tout à fait régulière d’un point de vue légal. Toutefois, il apparait que plusieurs points sont à revoir en ce qui touche aux fondements constitutionnels de ce décret.

D’apparence, donc, cet acte est tout à fait conforme aux attentes constitutionnelles, par sa rédaction et les différents éléments auxquels il fait référence. Déjà, le président de la République mentionne différents articles de la Constitution, précisant très tôt « Vu les articles 3, 11, 19 et 60 de la Constitution » (l.2). A première vue, ce décret repose donc sur une solide base constitutionnelle, les articles cités faisant respectivement référence à la souveraineté nationale et au suffrage, la possibilité pour le chef de l’Etat de soumettre au référendum un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou l’approbation et la ratification d’un traité ou accord, la contresignature du Premier Ministre sur certains actes présidentiels, et le rôle de surveillance du Conseil constitutionnel quant à la régularité des référendums.

En outre, il a également consulté le Conseil constitutionnel en amont de la publication du décret, comme en témoigne la mention « Le Conseil constitutionnel consulté dans les conditions prévues par l’article 46 … » (l.3 à 5). Non seulement l’initiative présidentielle semble fondée constitutionnellement, mais en plus de cela elle a été relue par les membres du Conseil constitutionnel avant de paraître.

Finalement, le décret paraît au Journal officiel, comme annoncé en fin de texte (« Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française », l.15 et 16), afin de respecter les questions de procédure et de publicité.

                Toutefois, une lecture plus attentive du texte laisse apparaître quelques potentielles irrégularités et pose certaines interrogations. Revenons pour commencer à la consultation du Conseil constitutionnel susmentionnée : certes, l’organe de contrôle de la conformité à la Constitution a été appelé à se prononcer sur le décret, avant sa publication, mais celui-ci s’est prononcé de façon largement défavorable au décret dans l’avis officieux transmis au président de la République (par sept voix contre deux, et une abstention). L’hostilité de la note du Conseil constitutionnel, qui rappelons-le n’a aucune valeur contraignante, n’a en rien freiné De Gaulle dans son projet.

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