Topos de l'exotisme incarné par l'Italie dans l'œuvre de Nerval /sonnet Le Christ aux Oliviers
Commentaire d'oeuvre : Topos de l'exotisme incarné par l'Italie dans l'œuvre de Nerval /sonnet Le Christ aux Oliviers. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Federica de Gennaro • 20 Décembre 2021 • Commentaire d'oeuvre • 2 430 Mots (10 Pages) • 353 Vues
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Mythe et poésie du
Romantisme au Symbolisme
Federica de Gennaro
n. étudiant 21005381
L'univers mystérieux de Nerval
Cet exposé est divisé en deux parties : la première est un commentaire du sonnet Le Christ aux Oliviers ; la seconde se concentre sur le topos de l'exotisme incarné par l'Italie dans l'œuvre de Nerval. Je ferai référence en particulier à la nouvelle Octavie. De cette façon, je saisie l’occasion pour vous faire découvrir certains endroits de mon pays. Donc, le fil rouge de la seconde partie, c'est l'Italie.
Commentaire du sonnet Le Christ aux Oliviers
Je commence par parler du recueil les Filles du Feu, l'ouvrage qui contient aussi bien le sonnet le Christ aux oliviers que la nouvelle Octavie.
Les Filles du Feu est un recueil de huit nouvelles et de douze poèmes, Les Chimères, paru en janvier 1854, alors que Nerval est interné dans une clinique psychiatrique. La composition des Chimères a eu lieu à la suite d'une phase très délicate de sa vie, lorsqu'en 1841 il fut pris d'une crise de folie et son médecin lui conseillât de continuer à écrire comme forme de thérapie. Les sonnets ayant déjà écrit depuis quelque temps, pour cette publication définitive, Nerval a procédé à diverses permutations de quatrains et de tercets, à des réécritures etc.
Pourquoi Nerval reprend-il la figure du Christ, alors qu'il ne croit pas au Christianisme ?
Il faut tout d’abord préciser que le Christ a inspiré de nombreux peintres, artistes et poètes. Nerval, dans le Christ aux Oliviers, revit la souffrance de Jésus de manière très personnelle, faisant de lui le messager de son mal-être. Ce poème annonçant le néant et l’horreur d’exister, revient sur un épisode clé de la Bible le réinterprétant pour illustrer une angoisse typiquement nervalienne.
La référence biblique est tirée des évangiles de Marc, Matthieu et Luc : c’est le jeudi saint, Jésus et les apôtres viennent à Gethsémani. Ici, le Christ commence à ressentir de l'angoisse, son âme est oppressée par une tristesse mortelle. Il les invite à veiller avec lui puis s'éloigne d'eux et prie le Père que la coupe lui soit retirée, mais ajoute selon la volonté du Père. Les romantiques comme on l’a vu, privilégient les représentations du jeudi saint parce que à ce moment-là, Jésus révèle ses fragilités d'homme ; la religiosité romantique est inquiète et angoissante, tourmentée par la pensée de la mort. Voilà pourquoi Nerval compatit Jésus même s'il ne croit pas du tout à la vie après la mort.
Premièrement, c’est l’énigmatique qui fait la valeur du sonnet comme du recueil dans son ensemble. D’ailleurs, le titre Les Chimères évoque aussi bien une créature hybride, un assemblage composite (ce qui rappelle le mode de composition du recueil) que des figures imaginaires obscures. Le mystère qui traverse Le Christ aux Oliviers résulte d'un syncrétisme de genres littéraires et de références textuelles retravaillées d'un point de vue totalement subjectif, et précisément :
- le mystère médiéval c’est-à-dire un drame mettant en scène des récits bibliques sur les parvis des églises ;
- le mystère au sens romantique caractérisé par une nouvelle forme de poésie s'inscrivant dans le cadre de la controverse entre Classicisme et Romantisme.
C’est Victor Hugo qui, dans la préface de Cromwell (1827), prône un mélange entre les trois genres épique, lyrique et dramatique. Jusqu’à cette époque-là, la poésie lyrique devait exprimer le sentiment de l'auteur de manière subjective (la lyrique étant l’expression du je) ; la poésie épique devait raconter à la troisième personne les gestes historiques ou légendaires d'un héros ou d'un peuple pour préserver la mémoire d’une civilisation ; le drame était une intrigue narrative destinée à la représentation théâtrale. Or, selon les romantiques, il fallait mêler les styles pour rendre la complexité de la réalité.
Le poète n'a pas à décrire la réalité, mais il capte et transmet les impressions les plus vagues et les plus indéfinies, suggère des émotions et des états d'âme, pénètre l'essence intime des choses ; la poésie est « musique » : il faut utiliser des accords musicaux légers, des images nuancées, des mots qui ne sont pas descriptifs mais évocateurs ; et c'est exactement ce que fait Nerval dans Le Christ aux Oliviers.
Tout d’abord, on peut retracer la matière épique aussi bien dans la reprise de la narrative évangélique devenant l’intertexte sous forme d’un contre-évangile (pour le message de désespoir véhiculé par le poète) que dans la reprise de la troisième personne pour parler du Christ. Ainsi faisant, Nerval prive son poème de la bonne nouvelle évangélique : rien ne se réfère à la résurrection ; voilà pourquoi on parle d’un contre-évangile. Se référant au mythe biblique de Caïn et Abel, le poète associe le Christ à Caïn qui se retourne contre Dieu en nous donnant l’image d’un Christ révolté, un Christ luciférien.
Ensuite, quant à la matière lyrique, elle est liée au thrène élégiaque du Christ qui, parlant à la première personne, chante sa souffrance. Nerval se réfère en épigraphe au Songe du poète allemand Jean-Paul Richter. Le Songe de Jean-Paul Richter est à la fois un conte fantastique et une réflexion métaphysique : le narrateur, endormi, rêve se réveiller au milieu de la nuit dans un cimetière. Dans ce cadre va apparaître la figure du Christ, profondément attristée car, après avoir traversé les mondes, il n'avait pas rencontré son père. Dieu n'était pas là et l'éternité reposait sur le chaos. Les enfants morts du cimetière (citation choisie par Nerval) lui demandent : - Jésus, n'avons-nous pas de père ? - et il répond : - Nous sommes tous orphelins, toi et moi n'avons pas de père. À ce moment-là, le narrateur se réveille et se rend compte que ce n'était qu'un cauchemar. Il s’agit donc d’une hallucination négative ou d'une vision délirante : pour Nerval Dieu est mort ? Le poème se clôt au sonnet V, sur « ce mystère » :
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