Cass. 1ère civ., 3 juillet 1996, n° 94-15.729 P
Fiche : Cass. 1ère civ., 3 juillet 1996, n° 94-15.729 P. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cristina Litvac • 18 Septembre 2020 • Fiche • 1 939 Mots (8 Pages) • 828 Vues
Cass. 1ère civ., 3 juillet 1996, n° 94-15.729 P
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : Vu l'article 1110 du Code civil ;
Attendu que pour débouter la commune de Venthon de sa demande tendant à l'annulation d'un contrat de location de matériel informatique, l'arrêt attaqué énonce que si elle soutient, à juste titre, avoir été induite en erreur du fait des promesses faites par un tiers au contrat, condamné de ce chef pour escroquerie, elle ne peut que se retourner contre ce dernier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu'elle porte sur la substance même de ce contrat, la cour d'appel, qui a omis de rechercher si l'erreur de la commune de Venthon portait sur la substance de l'engagement, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.
Commentaire d’arrêt
I/ Fiche de lecture (qui servira d’introduction au commentaire) Rappel de la grille d'analyse sommaire
Rappel
-énoncer les faits ainsi que décrire les procédures (qui est le demandeur, qui est le défendeur à chaque niveau d’instance) ;
-décrire l’objet de la demande à hauteur de cassation ainsi que les arguments du demandeur au pourvoi ;
-définir le problème juridique ;
-énoncer la réponse de la Cour de cassation ;
-commenter brièvement cette réponse (est-elle nouvelle ? quel est son fondement ? quelles sont ses incidences dans l’affaire mais aussi de manière plus générale ?).
Rappel
-rechercher quelle formation a rendu l’arrêt :
FP : formation plénière de chambre
FS : formation de section
F ou FR : formation restreinte (président, doyen et conseiller rapporteur)
-rechercher si l’arrêt est publié ou non :
D : diffusé sur jurinet (aucune portée doctrinale).
B : inscrit au bimensuel (BICC ; rappel à l’attention des juges du fond).
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P : publié au bulletin (apport doctrinal).
I : diffusé sur le site de la Cour (question « sensible»).
R : mentionné au rapport annuel (apport doctrinal supérieur).
La décision proposée au commentaire est un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation rendu le 3 juillet 1996.
L’attention est attirée vers la solution qu’elle consacre pour deux raisons : la publication dont elle a été l’objet et le fait qu’il s’agit d’une décision de censure pour « manque de base légale ».
Cet arrêt comporte un visa qui mérite attention : l’article 1100 du code civil -en sa rédaction antérieure à la réforme de la théorie générale des obligations- qui décrivait les conditions dans lesquelles l’erreur est une cause de la nullité de la convention « lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet » (al. 1er).
On pressent donc que l’on se trouve en présence d’une solution inédite rendue sur une question qui touche à l’intégrité du consentement des parties au contrat.
Les faits étaient les suivants.
Une commune avait passé un contrat de location de matériel informatique dont elle souhaitait obtenir la nullité au motif qu’elle avait été induite en erreur au moment de sa conclusion. Cette demande ayant été repoussée, semble-t-il, en première instance, la commune avait porté l’affaire devant la cour d’appel de Chambéry afin de voir celle-ci rejugée dans son intégralité et, à cette occasion, d’obtenir la nullité du contrat de location. Cependant, les juges ne l’entendirent pas ainsi et repoussèrent à nouveau la sollicitation de la commune qui se pourvut alors en cassation.
La commune exposait dans son pourvoi que son consentement avait été entaché d’erreur suite à des promesses que lui avait faites un tiers au contrat lequel avait été condamné d’escroquerie de ce chef.
La question qui se posait, en l’occurrence, était de savoir si l’erreur provoquée par le comportement d’un tiers qui agissait par simple connivence avec une partie au contrat était susceptible de provoquer la nullité de ce contrat.
Pour sa part, la commune estimait qu’il y avait eu tromperie mais n’était pas parvenue à convaincre les juges de ce que cette tromperie était susceptible de déclencher une telle sanction. En effet, si ces derniers convenaient que les promesses faites par le tiers l’avaient induite en erreur, ils considéraient qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à cette personne. De la sorte, les premiers juges rejetaient l’idée d’un dol commis par un tiers quand bien même ce tiers aurait été complice du contractant.
La première chambre civile censura cette analyse avec fermeté. Elle jugea que l'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu'elle porte sur la substance même de ce contrat.
Il convient ici d’observer que la cassation est prononcée au titre d’un défaut de base légale qui met au jour l’insuffisance des constatations effectuées par les premiers juges aux fins d’appliquer la règle de droit. Pour la première chambre civile, ces constatations trop peu nourries ne permettaient pas à ces derniers d’écarter l’application du texte en cause.
Une telle décision peut être rapprochée d’autres, plus classiques, admettant le prononcé de la nullité du contrat en raison d’un dol dont s’est rendu auteur un tiers en lien avec le contractant de la victime
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de l’erreur provoquée.
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