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Lettre Persane 68

Thèse : Lettre Persane 68. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Mars 2015  •  Thèse  •  381 Mots (2 Pages)  •  887 Vues

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J’allai l’autre jour dîner chez un homme de robe, qui m’en avait prié plusieurs fois. Après avoir parlé de bien des choses, je lui dis : "Monsieur, il me paraît que votre métier est bien pénible. — Pas tant que vous vous l’imaginez, répondit-il : de la manière dont nous le faisons, ce n’est qu’un amusement. — Mais quoi ? n’avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d’autrui ? N’êtes-vous pas toujours occupé de choses qui ne sont point intéressantes ? — Vous avez raison ; ces choses ne sont point intéressantes : car nous nous y intéressons si peu que rien, et cela même fait que le métier n’est pas si fatigant que vous dites." Quand je vis qu’il prenait la chose d’une manière si dégagée, je continuai, et lui dis : "Monsieur, je n’ai point vu votre cabinet. — Je le crois : car je n’en ai point. Quand je pris cette charge, j’eus besoin d’argent pour la payer ; je vendis ma bibliothèque, et le libraire qui la prit, d’un nombre prodigieux de volumes, ne me laissa que mon livre de raison. Ce n’est pas que je les regrette : nous autres juges ne nous enflons point d’une vaine science. Qu’avons-nous à faire de tous ces volumes de lois ? Presque tous les cas sont hypothétiques et sortent de la règle générale. — Mais ne serait-ce pas, Monsieur, lui dis-je, parce que vous les en faites sortir ? Car enfin, pourquoi chez tous les peuples du monde y aurait-il des lois si elles n’avaient pas leur application ? et comment peut-on les appliquer si on ne les sait pas ? — Si vous connaissiez le Palais, reprit le magistrat, vous ne parleriez pas comme vous faites : nous avons des livres vivants, qui sont les avocats ; ils travaillent pour nous et se chargent de nous instruire. — Et ne se chargent-ils pas aussi quelquefois de vous tromper ? lui repartis-je. Vous ne feriez donc pas mal de vous garantir de leurs embûches : ils ont des armes avec lesquelles ils attaquent votre équité ; il serait bon que vous en eussiez aussi pour la défendre, et que vous n’allassiez pas vous mettre dans la mêlée, habillés à la légère, parmi des gens cuirassés jusques aux dents."

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