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L'ivresse du temps

Mémoire : L'ivresse du temps. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Janvier 2021  •  Mémoire  •  2 381 Mots (10 Pages)  •  377 Vues

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Peu accoutumée à provoquer de telles colères chez une personne, la peur me tenaillait le ventre. Ce sentiment de peur anesthésia en moi toute forme de plaisir et refroidi mes os à m’en tétaniser les membres. Charmé par la peur, mon esprit était enseveli dans un torrent de doutes dans lequel je sombrai peu à peu au fur et à mesure que l’après midi avalait le doux-soleil du zénith. J’ignorai presque tout de cet homme et de ce dont il était capable. Je redoutais le moment tant attendu par ma mère, où, le diner servi, son corps frôlerait le mien lorsque, louvoyant entre les chaises de soie vertes émeraude, il irait s’asseoir à sa table, aux côtés de ses parents et de sa tante.

Allongée dans le grand lit, les jambes nues, enveloppées dans les grands draps de soie rosâtres, froids et sans âme, j’oubliais les heures passer. Le temps faisait courir les pensées dans mon esprit, comme des chevaux dans un manège enfantin. Tanguant au gré de la houle marine, je scrutais les moindres recoins de ma cabine à la recherche de réponses. Gorgée de lumière orangée et d’un rouge flamboyant, la pièce brillait fiévreusement, transformant le noir des marbrures en un jaune soleil qui semblait avoir répudié tout le malheur du monde. Les heures passaient et je m’apaisai. Le navire épousait voluptueusement l’ondulation des vagues et me berçait dans une somnolence rêveuse.

Plus tard, je me réveillai en sursaut. Je compris à la vue du ciel qu’il devait être 6 heures passées et que bientôt le dîner serait annoncé. De nouveau, la peur frappa mon ventre et me tétanisa. sa force fut décuplée, tant le sommeil l’avait endormie et m’avais fait croire quelques instants que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. M4évadant de cette illusion, je succombai à l’anxiété. Je ne voulais pas y aller, mais je n’avais pas le choix. J’usais du peu d’adrénaline qu’il me restait pour me glisser hors du lit. J’attrapai la robe de satin rose déposée sur la chaise du bureau, enfilai un collant et me vêtit d’un léger cardigan.

Dix-huit heures quarante cinq. Mère et Jeanne devaient déjà être dans la grande salle. Ne voulant pas les faire s’impatienter, je m’empressai d’enfiler mes chaussures. J’allai ouvrir la porte, quand, dans mon élan, je croisai mon regard dans le miroir. Mon visage était pâle et mes yeux fatigués. « Un peu de poudre » me dis-je. J’ouvris mon poudrier et déposai le pinceau qu’il contenait sur mes pommettes. La couleur rosée tinta mon visage d’une note de fausse joie et servit de camouflage à ma fatigue et à mes songes. Je laissai les vestiges de ma toilette sur la table en bois et quittai la pièce en vitesse, fermant la porte de la cabine à double tour. Je laissai tomber la petite clef dans ma poche et enfonçai mon chapeau sur la tête, afin de cacher mes boucles rebelles, témoignant de ma longue sieste.

Les couloirs du bateau étaient immenses et je les arpentais à toute vitesse, manquant de chuter à plusieurs reprises. Arrivant aux portes de l’ascenseur, je butai contre la jambe d’un passager. « Pardon » m’excusai-je. Il ne réagit point et ne se retourna pas. Son chapeau était enfoncé sur son crâne et ne laissai pas percevoir son regard. Il avait la tête baissée, les mains dans les poches et n’était accompagné de personne, ou du moins, c’est ce qu’il me sembla. Il monta dans le même ascenseur que moi et lorsque le garçon ferma la porte dorée, il s’enfonça dans la cabine, la tête toujours baissée. Je jetai de brefs coup d’œil à l’homme étranger ; il ne me les rendait pas.

Les étages défilaient. La sonnette retentit et nous atteignîmes le rez-de-chaussée. Je sortais en me faufilant entre les autres passagers, laissant cet homme sombre derrière moi. M’arrêtant un instant, je levai la tête pour regarder l’immensité de la salle. Le plafond était haut à m’en donner le vertige. Illuminée de toutes part, la demi-coupole resplendissait de doré et m’éblouissait. La tiédeur de la pièce chauffait mes joues et les faisait rougir. La poudre rose qui recouvrait mes pommettes n’était plus qu’un accessoire subsidiaire, s’étant évanoui au profit de cette pigmentation naturelle. Le maquillage était éphémère et chaque fois que j’en déposait sur mon visage, je savais qu’il ne persisterait que le temps d’un verre ou deux. Mais j’aimai bien cela. Cela faisait partie du jeu, du jeu de la séduction, du jeu de de la beauté, vaniteux et éphémère. Je senti mes intestins se relâcher et chaque membre de mon corps peu à peu se détendre. Je fermai les yeux pour mieux profiter de cet instant de douceur. Une violente bousculade m’arracha à mes rêveries. Je titubai et me rattrapai de justesse à une colonne, évitant une chute embarrassante. Reprenant mes esprits, je relevai la tête, cherchant des yeux celui ou celle qui m’avait ainsi poussée. Un homme se déplaçait rapidement mais il fut trop rapide pour mes yeux et sa silhouette disparu derrière une rangée de colonnades.

Je me déplaçai alors dans sa direction mais en l’espace d’une fraction de seconde, il avait disparu et ne me laissait que sa silhouette en mémoire. J’étais tétanisée et je restai là, au milieu du passage, démunie. Je serrai mon poing et tentai de contenir en moi une colère montante. Mais était-ce vraiment de la colère ou était-ce cette peur timidement enfouie au fond de moi depuis le début de la journée qui ressortait au moindre trouble extérieur ? Je tentai de me ressaisir et d’effacer ce ton grave de mon visage et me mis en direction des tables à diner. Elles étaient déjà dressées, prêtes à accueillir les plats chauds annoncés sur le grand menu d’ardoise au dessus du comptoir.

Je vis ma mère et Jeanne au loin, qui, comme je m’y attendais, étaient déjà assises côte à côte sur les sièges d’une table ronde à la nappe blanche, sur laquelle étaient déposés 4 couverts. Ma mère avait la tête tournée et regardait la scène, elle ne me vit pas arriver dans leur direction. Les bras croisés autour de sa pochette pailletée, elle arborait un regard grave. Jeanne quant à elle, posait un regard joyeux sur les couverts de la table et semblait avoir grand appétit. Elle leva les yeux et croisa mon regard : « Mère ! Voilà Lise ! » De loin, je lui sourit. « Quatre couverts ? » demandai-je arrivée à la table ? Ma mère posa ses yeux sur les miens et demanda d’un ton sévère « tu ne dis plus bonjour à ta vieille mère et ta sœur ? ». Je pris les mains de jeanne dans les miennes et déposait un baiser sur son front. « Que faisais-tu pendant tout ce temps sœurette ? Nous t’avons attendue !» s’exclama Jeanne. Je prétextai une migraine et allai m’accroupir aux cotés de ma mère. Pressant

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