La poésie soulage t'elle seulement de l'idée de la mort ?
Dissertation : La poésie soulage t'elle seulement de l'idée de la mort ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Gregoire Fournier • 6 Mars 2022 • Dissertation • 2 227 Mots (9 Pages) • 363 Vues
La poésie est un art littéraire, elle est constituée de sensations et d'émotions. A sa création la poésie avait pour nature le lyrisme et était destinée à être chantée. Elle a évolué à travers les âges et s'est diversifiée en une multitude de genres. La mort a toujours été l'un des sujets de prédilection de la littérature et l'un des intérêts de l'évoquer en poésie est de s'en soulager. Ainsi " La poésie soulage-t-elle seulement de l'idée de la mort?". Nous savons qu'elle peut soulager de l'idée de la mort de plusieurs façons: elle peut encourager un deuil ou nous aider à vivre avec. Le sujet insinue que la poésie a pour seul but de soulager de l'idée de la mort. Différentes questions en découlent telles que: "La poésie a pour seul sujet la mort", "La poésie a pour seul but de soulager de celle-ci" ou encore "La poésie doit-elle avoir un but". Le sujet peut être reformulé en la problématique suivante : "La poésie doit-elle constituer un remède contre la disparition ?". L'analyse du sujet se fera en trois phases, en premier lieu, il s'agira d'affirmer le sujet "Oui elle soulage de l'idée de la mort", en second lieu le réfuter et en troisième temps le synthétiser de la manière suivante "La poésie a une multitude de buts, seule l'interprétation change".
La poésie peut servir de soulagement face à la mort. Elle sert au poète pour faire le deuil d'un proche par exemple. Le poète peut parler publiquement et de façon réfléchie pour surmonter sa peine. Victor Hugo, par exemple, en 1847 écrit "Demain dès l'aube", poème parlant de sa fille Léopoldine, décédée 4 ans plus tôt. « Demain dès l’aube » , qui se présente en apparence comme un poème d’amour est en fait un poème funèbre dans lequel Victor Hugo exprime la douleur du deuil , une tristesse qui semble sans fin. Affecté par la mort de sa fille, il écrit plusieurs poèmes en passant par les différentes étapes du deuil. Il commence son poème avec déni et nous fait croire qu'il s'adresse à celle qu'il aime. Il utilise le présent pour renforcer l'idée du dialogue avec une personne vivante. Victor Hugo évolue du déni vers l'acceptation. Il rend la mémoire de sa fille immortelle à travers la représentation d'un voyage imaginaire dans son poème. Il veut pouvoir penser à elle sans souffrir. Il exprime sa volonté d'évoluer avec des verbes au futur de l'indicatif: "partirai; irai; marcherai".
La poésie soulage le lecteur de l'idée de la mort. En atténuant les références à celle-ci, le poète peut aider le lecteur à faire relativiser, ne plus être triste de la fin mais être heureux du chemin parcouru. Les poèmes soulageant de l'idée de la mort comportent souvent des euphémismes. Dans le poème « Consolations à M. Du Périer », Malherbe essaye de consoler et fait réagir un ami qui a perdu sa fille. Dans ce poème, la mort est évoquée au moyen d'euphémismes et de métaphores afin de ménager le destinataire de la consolation. L'auteur compare sa défunte fille à une rose dans la strophe quatre, l'évocation de la mort est adoucie par "elle a vécu", "le pire destin", "terminé sa carrière" et d'autres références mythologiques. Pour créer un contraste l'auteur va aussi présenter la mort sous quelques-uns de ses traits les plus frappants; il utilise le champ lexical de la mort, il l'évoque avec une absence de sentimentalisme, il marque certaines strophes par des interrogations examinant froidement la situation, pour redonner du courage à Du Périer. Comme l'insinue le titre, ce poème a pour but consoler de la mort M. Du Périer.
Certains poèmes peuvent servir d'éloge funèbre. Le poème va venir réconforter de l'idée de la mort et nous faire réaliser que la mort est la suite logique d'une belle vie. Dans le poème « Le Dormeur du val », Victor Hugo vient nous présenter un cadre naturel idyllique où un soldat dort; cependant ce poème a une chute particulière, le dernier vers nous révèle la blessure mortelle du soldat. En seconde vue, ce poème dénonce les horreurs de la guerre mais il a une autre utilité. Ce poème nous présente le cadre de la mort de ce soldat et nous laisse imaginer les derniers instants de paix que le soldat a dû vivre. Hugo nous présente le cadre de sa mort: un cadre apaisant, relaxant, calme et en communion avec la nature. Il vient opposer le contexte du soldat et sa mission, une vie dure à une mort au calme et un lieu de repos funeste. L'auteur nous présente le cadre à l'aide des champs lexicaux de la nature et des couleurs ("verdure, cresson, vert, glaïeuls"; "argent, bleu, vert, rouge") et vient introduire la mort avec des euphémismes ("dors"). Ce poème remet en question l'intérêt de vivre en enfer quand on peut finir au jardin d'éden.
La poésie ne soulage pas seulement de l'idée de la mort, elle peut s'en servir pour une multitude de buts. Elle sert à mettre en garde les vivants, la mort est considérée comme la fin de quelque chose. Utiliser la mort vient à nous confronter à la fin, nous les lecteurs; car si la fin approche, profitons de la vie. De la même manière, François Villon dans "La ballade des pendus" vient créer un dialogue entre lui (prenant la voix angoissée et macabre d'un groupe de pendus) et le lecteur, nous faisant entendre la plainte des morts part le rythme et les rimes de la balade. Dans un cadre réaliste et pathétique, Villon fait de sa balade une demande pour se repentir lui, mais aussi les vivants pour les mettre en garde des tentations et des pêchers. Cette "balade des pendus" pour le moins réaliste, évoque des images d'horreur chez le lecteur et éveille en lui une certaine compassion, d'autant que Villon ne traite pas seulement de son cas mais aussi celui de ses frères humains. Les morts s'expriment depuis le gibet où ils ont été pendus. Il sous-entend qu’ils s’expriment après leur mort, ce procédé appelé prosopopée vient faire une forte impression sur le lecteur. Ce dialogue entre les morts et le lecteur encore vivant permet à Villon d'aller plus loin dans ses propos et d'exprimer l'angoisse universelle du jugement de Dieu après la mort. Avec ce dialogue, Villon fait de sa balade un plaidoyer universel et un appel à la compassion dans son sens le plus chrétien, demandant lui-même la rédemption des péchés de toute l'humanité.
Certains poètes utilisent la mort comme représentation simple de celle-ci. La seule limite à la poésie est son auteur et celui-ci peut la manier comme une extension de sa pensée. La poésie peut avoir une voie descriptive et réaliste de la mort. Pourquoi vouloir forcément soulager ou non de l'idée de la mort, le poète est libre de son art. Ainsi dans "une charogne" Charles Baudelaire illustre la mort. Il vient faire un mélange du Beau et du Laid, inversant leurs valeurs traditionnelles. La charogne apparait dans un cadre idyllique qui vient faire un contraste avec l'immonde cadavre. Ces deux éléments cohabitent au sein de l'oxymore: "carcasse superbe" (v.13). Cette vision s'accompagne d'un lexique mélioratif et hyperbolique; le poète va jusqu'à comparer la charogne à une fleur: "Comme une fleur s'épanouir", il nous montre que l'on peut extraire de la beauté de la description du mal. Finalement, il démontre ici la force sublimatoire de l'Art, "une charogne" illustre le projet poétique de Baudelaire dans Les Fleurs du mal : extraire de la beauté à travers le mal.
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