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La vie de Saint Alexis

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Par   •  4 Avril 2020  •  Commentaire de texte  •  4 732 Mots (19 Pages)  •  1 143 Vues

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Le commentaire composé

La Vie de Saint Alexis

Élaboré par Jan Soukup

        Jean-Marie Meunier, le professeur de Phonétique expérimentale et d’Histoire de la Langue française à l’Institut Catholique écrit dans son étude traitant de la vie de saint Alexis qu’il n’y a peut-être de saint dont l’histoire ait été plus populaire de par le monde, que ne l’a été la légende de saint Alexis, nommé également « l’homme de Dieu ».[1] Originairement syriaque, cette légende a été écrite au Ve siècle, puis reprise par les Grecs au IXe siècle, et ce récit grec fera lui-même l’objet de plusieurs adaptations en latin.[2] Cette légende latine se répandit très vite en occident, et fut traduite, vers l’année 1040 dans un beau poème en langue romane : La Vie de Saint Alexis.[3] Nous en possédons de nombreux manuscrits. Dans ce travail nous aborderons la traduction du manuscrit le plus précieux, celui de Hildesheim.[4]

        Désireux de se consacrer entièrement à Dieu, Alexis, fils d’un riche patricien romain, s’enfuit de chez son père le soir de ses noces, considérant que l’accomplissement du devoir conjugal serait pour lui un péché. Il renonce au mariage, mais il laisse à sa femme sa bague, son baudrier, et il part pour consacrer sa vie à Dieu. Il débarque en Asie Mineur, et s’installe plus précisément à Edesse où il vit d’aumônes en priant et en mendiant. Entre-temps, ses parents et son épouse se lamentant à Rome commencent à le chercher. On envoie des émissaires mais personne ne le reconnait. Des années plus tard, il se fait embaucher comme domestique chez ses parents. Il passe les dix-sept dernières années de sa vie sous un escalier supportant les railleries des autres serviteurs. Sentant sa fin prochaine, il demande de l’encre et du parchemin et il écrit l’histoire de sa vie.[5]

        On considère ce récit hagiographique comme le premier texte littéraire français d’une véritable importance. Nous avons déjà connu des textes traitant de la vie des saints, notamment La Cantilène de sainte Eulalie (IXe siècle) ; Vie de saint Léger ; Passion du Christ (Xe)[6], mais jamais encore le français n’avait produit un poème aussi long, à la versification aussi élaborée et à la technique littéraire aussi maîtrisée. La Vie de saint Alexis est composée de 125 strophes de 5 vers en décasyllabes, une forme qui va être reprise par la chanson de geste, comme dans La Chanson de Roland, qui se compose également de décasyllabes assonancés. Dans ce commentaire, on peut donc se demander en quoi ce texte marque une innovation dans la conception de la sainteté et de la littérature ou dans quelle mesure ce texte est fondateur. Dans un premier temps nous verrons l’originalité de cette vie de saint du point de vue spirituel en présentant un nouveau modèle de saint alors que dans un second temps, nous examinerons ce texte du point de vue littéraire.

        Premièrement, nous assistons à une révolution, à un changement quant au modèle de saint. Jadis, c’étaient plutôt des religieux qui ont été canonisés. Prenons pour exemple saint Ambroise de Milan, évêque de Milan ; saint Augustin, évêque d’Hippone ; saint Jérôme, docteur de l’Église et Léon Ier le Grand, le pape et docteur de l’Église. Ce sont les saints qui ont figuré au piédestal de la hiérarchie ecclésiastique et qui ont été également nommés Pères de l’Église, ce sont donc des auteurs ecclésiastiques, généralement des évêques, dont les écrits, les actes et l’exemple moral, ont contribué à établir et à défendre la doctrine chrétienne[7]. Au contraire, dans La Vie de Saint Alexis, le protagoniste est un laïc et un homme marié même s’il renonce au mariage. On découvre un motif très répandu dans les récits hagiographique, le « Contemptus mundi », autrement dit le mépris du monde qui est présenté au travers de la fuite du monde corrompu et la mise au service de Dieu.[8] Là, Alexis abandonne tous ses biens, voire sa femme et ses parents, afin de se consacrer entièrement à Dieu. Nous assistons également à une grande nouveauté et c’est l’accessibilité de la sainteté. Alexis est un saint imitable, c’est-à-dire chacun peut calquer sa vie sur la sienne, ce qui rend la sainteté disponible à tous. Il est saint non pour ses miracles, mais avant tout pour ses vertus et sa vie exemplaire. Il représente le modèle du bon chrétien que chacun dans ses propres mesures peut suivre.

        Alexis dispose d’un certain nombre de vertus qui le qualifient. La première que nous pouvons noter est l’ascèse. À l’origine, le terme « ascèse » signifie l’exercice ou l’entrainement.  Nous pouvons nous en convaincre en lisant le vers 252 : « il en retient seulement ce dont il soutient son corps ». Alexis vit uniquement de ce dont il a besoin. Le minimalisme se caractérise par le mépris non seulement alimentaire mais aussi par le mépris de tout ce qui vient de la sphère terrestre, autrement dit de biens matériels quels qu’ils soient. Dans son ascèse, tout en renonçant à des choses fugaces ou éphémères, Alexis se tourne vers la vie spirituelle pure qui est le fruit de l’abnégation et de la prière. Le motif de l’ascèse ou de la vie ascétique vient d’un texte néotestamentaire, présenté dans tous les évangiles synoptiques. Il s’agit d’une scène lors de la tentation de Jésus pendant sa traversée du désert. En ce temps-là, Jésus passa 40 jours à jeûner et prier. « Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. 3 Et le tentateur, s'approchant, lui dit : "si vous êtes fils de Dieu, dites que ces pierres deviennent des pains." 4 Il lui répondit : "il est écrit : l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." »[9] Dans un poème médiéval, tout en vivant la vie austère, Alexis se rapproche de Dieu. Pour insister sur cette vertu du saint, nous ajoutons également le vers 254 : « il n’en fait pas provision pour engraisser son corps » et le vers 276 : « il a ainsi peiné son corps ». Dans La Vie de Saint Alexis, le protagoniste accomplit cet entraînement, un exercice au détriment de sa santé afin de servir Dieu et approcher son âme des cieux.

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