Dernier jour d'un condamné, Victor Hugo
Commentaire de texte : Dernier jour d'un condamné, Victor Hugo. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar baskerville • 19 Septembre 2021 • Commentaire de texte • 669 Mots (3 Pages) • 1 901 Vues
Lecture analytique , Le dernier jour d’un condamné « incipit »
1. Une volonté d’informer sur la situation du narrateur anonyme
Le narrateur personnage est anonyme et son identité à peine révélée. Il faut être sensible aux indices spatio-temporels pour cerner la situation dans laquelle il se trouve : « Bicêtre », « cinq semaines » (l. 2), « autrefois » (l. 4), « maintenant » (l. 13). Le héros ouvre son récit, qui s’apparente à un journal intime, par l’expression « Condamné à mort ! ». Les lecteurs comprennent aussitôt que le héros vit dans l’attente de son exécution pour des raisons laissées secrètes. Les champs lexicaux de l’enfermement et de la liberté s’opposent dans deux paragraphes distincts pour marquer l’évolution de la situation du personnage. Il existe bien un avant (paragraphe 3) et un après (paragraphe 4), sensiblement distincts chronologiquement et socialement du point de vue du condamné. Le dernier paragraphe fait le point sur l’état psychologique du personnage hanté par l’exécution capitale qui l’attend. Sa pensée se concrétise sous la forme d’une allégorie spectrale qui le hante et qui l’emprisonne doublement (« cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes côtés » l. 16-17). La comparaison finale renvoie directement à la lame de la guillotine (« sous la forme d’un couteau » l. 22). L’auteur a cherché à révéler aux lecteurs un minimum d’informations sans revenir sur l’identité sociale et familiale du personnage en ce début de roman. Nous ignorons tout de son passé et du motif de son incarcération. Il reste un anonyme qui nous transmet directement par la voix et la pensée son expérience de l’emprisonnement et de la peine capitale. Il pourrait être n’importe quel condamné et, par conséquent, une petite part de nous-même.
2. Une volonté d’émouvoir les lecteurs
L’incipit répond également à une fonction persuasive, l’enjeu pour l’auteur étant de sensibiliser ses lecteurs dès les premières lignes par des expressions « choc » et par des indices censés attirer leur compassion. Le choix de la narration à la première personne et les indices d’énonciation situent d’emblée les lecteurs dans un contexte individuel bien spécifique. L’entrée brutale dans l’esprit d’un condamné à mort ne peut laisser indifférent sachant que son crime, demeuré secret, intrigue les lecteurs. Le champ lexical de la liberté, de la fête et de la joie présent dans tout le paragraphe 2 (« fantaisies », « s’amusait », « splendides chapes d’évêque »,« batailles gagnées », « théâtres pleins de bruit et de lumière », « jeunes filles », « toujours fête », « j’étais libre »), accentue la douleur du retour à la réalité et la condition d’emprisonnement du narrateur. Aux phrases longues qui expriment le cheminement de pensée et la rêverie du prisonnier, s’opposent les phrases incisives de sa condition réelle et suscitent la pitié du lecteur. Les marques de souffrance, à la fois physiques et psychologiques, sont exprimées directement par le recours aux exclamatives, aux répétitions (« condamné à mort ! » l. 1 et 15), aux énumérations et au lexique de la peur (paragraphes 2 et 5). Peu à peu, l’état obsessionnel du narrateur donne au texte une dimension fantastique. Différentes sensations sont évoquées : tactiles (« me secouant de ses deux mains » l. 18, « elle se glisse » l. 19,« se colle avec moi » l. 20-21), auditives (« se mêle comme un refrain horrible à toutes les paroles qu’on m’adresse » l. 20), visuelles (« épie mon sommeil convulsif, reparaît dans mes rêves sous la forme d’un couteau » l. 21-22), pour mieux plonger les lecteurs dans cet univers infernal et douloureux. On comprend alors que la souffrance née de l’incarcération est davantage liée à l’enfermement de l’esprit qu’à celui du corps (« mon esprit est en prison dans une idée » l. 13-14). Les lecteurs sont amenés à partager les visions cauchemardesques du personnage et à mieux saisir ses angoisses. Ce principe d’identification provient là encore de l’absence d’identité donnée au personnage et à la forme du journal intime auquel renvoie l’extrait.
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