Procès équitable
Rapports de Stage : Procès équitable. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mohito • 10 Février 2014 • 4 634 Mots (19 Pages) • 1 262 Vues
Le droit au procès équitable (par Mme Dominique Karsenty, conseiller référendaire à la Cour de cassation)
Évolution récente de la jurisprudence
de la chambre criminelle
Pierre angulaire de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 6 rencontre, selon l’expression d’un auteur, une "irrésistible extension du contentieux du procès équitable"(1). Evoluant dans un sens toujours plus protecteur des Droits de l’homme, il couvre un territoire en expansion, en même temps que se renforce la portée de ses garanties. Ratifiée le 3 mai 1974, la Convention européenne des droits de l’homme s’impose au juge, tenu d’appliquer les lois en conformité avec la Convention et d’écarter celles se révélant incompatibles avec la norme supérieure.
La présente étude souligne les avancées récentes de la Chambre criminelle sous l’angle des articles 6-1 et 6-3 de la Convention, en évoquant d’abord le droit au juge puis les garanties qui s’attachent au procès.
I. LE DROIT À UN TRIBUNAL
Consacré par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, le droit à un tribunal se traduit, selon la juridiction européenne, par un droit d’accès au juge (A) indépendant et impartial (B).
A. L’accès au juge
Dégagé par la Cour européenne, le droit d’accès au juge(2) garantit "un contrôle efficace de toute ingérence étatique dans les droits des individus"(3).
Si ce droit, qui n’est pas absolu, "peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même"(4).
Proclamé par les juridictions nationales, le droit au juge a une portée générale et croissante (a). Dans l’ordre judiciaire, ce principe s’est traduit d’une part, par une extension du droit à un tribunal dans des domaines qui échappaient encore à tout recours juridictionnel (b), d’autre part, par un assouplissement des formalités (c), enfin, par un accès plus étendu au juge de cassation(d).
1. Un droit de portée générale, reconnu par les juridictions nationales
"Elément inhérent au droit qu’énonce l’article 6-1 de la convention"(5), le droit d’accès au juge est consacré par le droit interne.
Il figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les juridictions françaises. Le Conseil constitutionnel a ainsi consacré "le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction"(6).
Le juge judiciaire, quant à lui, s’est attaché à lui donner une portée très large. Ainsi, par un arrêt rendu en Assemblée plénière le 30 juin 1995(7) , la Haute juridiction a-t-elle consacré le droit d’accès au juge, quelle que soit la valeur de la prétention.
2. Un droit et des recours étendus à des domaines nouveaux
Si l’accès au juge constitue la règle générale, applicable en toutes matières, certains domaines résiduels échappaient encore au recours juridictionnel.
La coopération judiciaire pénale en fournit une première illustration. Dans le domaine de l’extradition, la tendance de la jurisprudence est à l’extension de l’accès au juge et de son contrôle(8). Ainsi, dans le cadre des demandes formulées par un Etat requérant, l’accès à la Cour de cassation est désormais ouvert contre tous les avis des chambres d’accusation rendus en ce domaine(9). Et la Chambre criminelle vient encore de souligner le contrôle juridictionnel en la matière en posant le principe que la personne extradée est recevable à interjeter appel de la décision du juge d’instruction rejetant sa demande en nullité de l’extradition(10). Une évolution dans le même sens se rencontre en matière d’accès au juge chargé de contrôler la régularité des actes exécutés en vertu de commissions rogatoires internationales(11).
L’accès de la partie civile au juge d’instruction a par ailleurs été récemment assoupli :
Par arrêt du 19 juin 2001(12), et au visa de l’article 6-1 de la Convention européenne, la Chambre criminelle a cassé une décision d’une chambre d’accusation qui, se fondant sur les dispositions de l’article 698-2 du Code de procédure pénale(13), avait déclaré irrecevable une plainte avec constitution de partie civile au motif que la juridiction d’instruction ne peut être regardée comme "un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention". La Chambre criminelle a pris position dans le même sens que la Cour européenne(14), en affirmant que "la constitution de partie civile était déterminante pour le droit du plaignant d’agir en réparation et tendait à faire décider d’une contestation sur ses droits de caractère civil". Cet arrêt semble revenir sur une solution restrictive retenue dans une décision du 14 février 2001, énonçant, en ce qui concerne l’application de l’article 6-1 du Code de procédure pénale à une partie civile, tiers à la procédure pénale, que l’obstacle à la mise en mouvement de l’action publique créée par cette disposition ne prive pas la victime d’un recours devant la juridiction civile(15).
3. Un droit réglementé de manière plus souple
Selon la Cour européenne, si le droit à un tribunal n’est pas un droit absolu, les limitations prévues ne sauraient remettre en cause la substance même du droit d’accès(16). Le droit d’accès doit être effectif.
Rejoignant cette préoccupation, le juge judiciaire a assoupli certaines conditions d’accès au tribunal. A titre d’exemple, des restrictions ont été levées pour les personnes morales étrangères. Faisant prévaloir l’article 6 de la CEDH, (combiné avec l’article 14) et par référence à l’article 55 de la Constitution, la Chambre criminelle, suivie de la 1ère Chambre civile, a écarté des dispositions internes de nature à empêcher certaines sociétés d’ester en justice(17). Dans le même sens, la Chambre criminelle a aussi décidé de renoncer à certaines précisions relatives à l’organe représentant une personne morale qui, dans sa jurisprudence antérieure, devaient être contenues, sous peine d’irrecevabilité, dans la déclaration de pourvoi ou d’appel(18).
4. Une extension du droit au juge de cassation
L’accès
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