Qui vole un oeuf vole un boeuf

Introduction

Celui qui commet un vol est coupable, quel que soit l’objet de son acte : « Qui vole un œuf vole un bœuf ». Dans quelle mesure cette sentence correspond-elle à nos réalités ? Basée sur un principe, elle tient d’abord sa part de vérité. Posée toutefois sans discernement, elle peut pourtant être discutée, et c’est au final la valeur des proverbes que nous interrogerons.

I. Oui : Le vol est un acte répréhensible.

Le vol est d’abord un acte répréhensible.

1. Le droit de propriété.

Parmi les droits fondamentaux figure en effet le droit de propriété. La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 consacre ainsi son dix-septième article à cette affirmation : tout homme peut posséder un objet ; nul ne peut en être arbitrairement privé (maison, téléphone… + l’expropriation exige un jugement).

2. Un tabou.

Le vol figure donc comme une interdiction absolue, un véritable tabou, car quelle que soit son importance il porte atteinte aux libertés fondamentales. C’est d’ailleurs, aussi, un interdit sacré faisant l’objet du septième Commandement.

3. C’est l’intention qui compte.

En définitive, c’est l’intention qui compte : le vol est invariablement condamné, et l’auteur du méfait encourt une peine de trois ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 45000 euros même s’il ne réussit pas le vol ou s’il restitue l’objet.

II. Non : Les intentions et les conséquences sont cependant variables.

Pourtant, les intentions et les conséquences, elles, varient, et c’est toute la raison d’être d’une cour de justice que de les considérer.

1. Des causes diverses.

Il convient en effet de prendre en compte les contextes et de les analyser : il paraît par exemple difficile de vouloir sanctionner pareillement une maman désemparée qui vole un aliment pour nourrir son enfant, et une bande organisée qui vole des voitures dans le but de s’enrichir.

2. Des conséquences différentes.

De la même manière, comment mettre sur un pied d’égalité l’auteur d’un vol qui ferait perdre deux euros au propriétaire d’un magasin, et un autre qui nuirait gravement aux intérêts d’un pays en dérobant des documents de défense nationale ?

3. Une peine accordée au poids de l’acte commis.

Il faut donc que la peine soit accordée à la gravité de l’acte commis : c’est le sens de la balance dans l’allégorie de la Justice, et c’est la raison pour laquelle il existe différentes cours, pénales mais aussi d’assises, où l’on jugera par exemple un vol commis avec arme.

III. Mais : Vérité et mensonge des proverbes.

Le proverbe est ainsi à la fois une source de vérité et de mensonge.

1. Une leçon de morale…

On ne peut pas soustraire à autrui ce qu’il a gagné souvent à la sueur de son front : c’est là une leçon morale et c’est sans doute le but de ce proverbe, utile à l’éducation comme tant d’autres : « Dans le doute, abstiens-toi » ; « Qui ne sait pas rendre un service n’a pas le droit d’en demander », etc.

2. …Qui ne résiste pas toujours à l’épreuve des faits.

Cependant chacun est discutable, car aucun ne résiste entièrement à l’épreuve de tous les faits : simples à dire et à retenir, ils finissent par être simplistes. « Qui va à la chasse perd sa place », par exemple, énonce ainsi davantage une mise en garde d’ordre général qu’une vérité immanquablement vérifiable, de la même manière que les drogues dites douces ne mènent pas forcément aux drogues dites dures.

3. Il faut donc fuir les dogmes.

Pour tirer une leçon, gardons alors celle-ci : il faut fuir les dogmes, et toujours mettre en œuvre sa capacité à discerner, c’est-à-dire à faire la part des choses, par le biais d’une réflexion, pour affiner notre jugement.

Conclusion

Si le vol est donc toujours identifié comme un acte condamnable, la gravité variable de l’acte appelle cependant une réponse judiciaire échelonnée, car le discernement est certainement la qualité première de l’homme. La sentence « Qui vole un œuf, vole un bœuf » exige ainsi d’être nuancée en fonction des contextes. D’autres points de vue remettent d’ailleurs en cause cette sentence comparative à propos du vol, comme celui de Pierre-Joseph Proudhon : « La propriété, c’est le vol » !