L'’homme peut-il se dénaturer, c’est-à-dire perdre sa « nature humaine » ou du moins ce trait qui le distingue des autres animaux ?
Dissertation : L'’homme peut-il se dénaturer, c’est-à-dire perdre sa « nature humaine » ou du moins ce trait qui le distingue des autres animaux ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar emmabasket2004 • 15 Mars 2023 • Dissertation • 1 173 Mots (5 Pages) • 428 Vues
Se dénaturer
KHOLLE 3 – PHILO
Introduction
« C’est dans ma nature », «montrer sa vraie nature », « avoir une seconde nature » ou encore « les hommes sont méchants par nature » : ces expressions témoignent que l’on a souvent tendance à considérer qu’il existerait une nature humaine. Cette idée de nature humaine est utilisée pour légitimer ou justifier la plupart du temps des traits de caractères négatifs, des actions reprochées ou des quelconques erreurs souvent immorales. Ces expressions supposent aussi que chacun aurait une nature qui lui est propre. Or, l’idée de nature humaine recouvre les caractéristiques propres à tous les hommes sans exception : c’est-à-dire valables pour tous, sans distinction de cultures, d’ethnie, d’époque. L’homme se différencie des animaux par le fait qu’il est transformé à la fois culturellement et personnellement par sa liberté. En ce sens, si l’on admet qu’il existe une nature humaine, l’homme peut-il se dénaturer, c’est-à-dire perdre sa « nature humaine » ou du moins ce trait qui le distingue des autres animaux ?
Admettre que l’homme puisse se dénaturer ne semble pas dépendre d’un degré inférieur ou supérieur de civilisation. Par définition « dénaturer » c’est faire qu’une chose ne soit plus ce qu’elle était ou devrait être, la priver de son caractère naturel. Mais, se dénaturer a une signification supérieure dans la mesure où le pronom réfléchi « se » ramène le sujet, c’est-à-dire l’homme, comme acteur de sa propre dénaturation. En ce sens, l’homme aurait alors le choix et « se dénaturer » serait en fait perdre spontanément ou volontairement sa nature, ses sentiments naturels d’humanité. Il serait donc question de volonté et de liberté derrière la notion de dénaturation. S’agirait-il alors pour l’homme à ce moment là de refuser une sorte d’aliénation à la nature auquel il serait soumis depuis sa naissance, depuis son apparition sur Terre? « Se dénaturer » est-ce se rendre libre ? se rendre plus libre ? Est-ce se trouver avec soi-même ? Cette hypothèse ne se présente pas comme totalement convaincante. En effet, paradoxalement, perdre sa nature nous apparaît comme quelque chose de négatif, d’autant plus que l’expression « dénaturer » est souvent employée pour parler d’une chose qui change en mal, qui s’abîme, qui se corrompt ou est corrompue. S’agit-il alors du fait de s’aliéner à une force mauvaise, contraire à nos valeurs et nos spécificités humaines telles que la liberté, l’autonomie ou le langage ? Lorsqu’on dit qu’un texte est dénaturé, c’est pour expliquer qu’il a subi des modifications qui ont altéré sa signification. Dans ce cas-là, on peut se demander si l’homme qui perd ou altère sa « signification » c’est-à-dire ici ses qualités qui lui sont propres, ses sentiments d’humanité, reste toujours un homme ? Se dénaturer n’est-ce pas se déshumaniser ? De plus, pour comprendre réellement ce que signifie se dénaturer, ne faudrait-il pas construire une sorte de base commune de valeurs considérées comme dégradantes pour l’humanité elle-même ?
Pour certains philosophes, la société a dénaturé l’homme, qui en se civilisant aurait perdu sa nature « humaine ». Le terme de civilisation a longtemps été synonyme de « progrès » ou d’avancement des connaissances et du savoir. La société a en effet contribué au progrès scientifique. Pourtant, dans Le Principe Responsabilité en 1979, le philosophe allemand Hans Jonas remet en cause la progression technoscientifique qui semble irréversible. Jonas se propose de refonder l’éthique qui a pour objet de réguler l’action humaine et donc de mettre des limites à la dénaturation de l’homme. La construction nécessaire d’une nouvelle éthique se justifie selon lui par la modification de l’agir humain. Dans le chapitre 1, il explique qu’aujourd’hui, l’homme est devenu l’objet de la technique, c’est par la technique que l’homme réalise son humanité. L’homo faber a pris le dessus sur l’homo sapiens. Alors que dans l’Antiquité, la technique n’était pas la vocation de l’homme mais un moyen permettant de vivre. Dans ces conditions, la nature de l’homme aurait alors changé depuis l’Antiquité mais cela veut-il pour autant dire que l’homme s’est dénaturé ? Et bien ce que dénonce Hans Jonas, c’est justement cette valorisation de la technique qui apparaît comme une valeur et ne cesse de s’amplifier, créant un déséquilibre dans l’essence de l’homme. Jonas ne condamne pas le progrès technique mais appelle à rééquilibrer en nous, c’est-à-dire dans notre nature, notre soucis éthique et technique, pour garder le contrôle et le pouvoir sur la technique qui tend à nous déshumaniser. Pour illustrer cette déshumanisation et dénaturation de l’homme par le biais de la technique, le philosophe va prendre l’exemple de l’art médical. On parle désormais de « biotechnologies », pour signifier que la technique s’est emparée de la science. Alors qu’avant l’art médical consistait à conserver et restaurer la santé, aujourd’hui ses limites sont sans cesse repoussées : l’homme tente de prolonger sa vie, de repousser la mort alors même que ce sont des spécificités humaines. Si prolonger la vie semble à première vue être un bien souhaitable, ce n’est en réalité pas le cas. Notre désir vers l’immortalité risque en effet d’entraîner une dévalorisation de la vie pour l’espèce et le non-sens de la natalité risque d’apparaître. Eliminer la mort c’est aussi en quelque sorte éliminer la naissance mais aussi la nouveauté et l’altérité. En désirant l’immortalité, l’homme contribue à se dénaturer car une humanité toujours identique n’a plus d’histoire, plus de devenir, est en fait morte. Ainsi, paradoxalement, la recherche de la prolongation de la vie ou encore le contrôle du comportement ou la manipulation génétique, sont comme Jonas l’a expliquée, une dénaturation volontaire de l’homme contre l’humanité puisqu’il nie ses sentiments naturels d’humanité en se transformant.
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