Voltaire La Bastille
Rapports de Stage : Voltaire La Bastille. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anonyme61 • 4 Mars 2015 • 637 Mots (3 Pages) • 702 Vues
LA BASTILLE (1717)
Or ce fut donc par un matin, sans lune,
En beau printemps, un jour de Pentecôte,
Qu’un bruit étrange en sursaut m’éveilla.
Un mien valet, qui du soir était ivre:
« Maître, dit-il, le Saint-Esprit est là;
C’est lui sans doute, et j’ai lu dans mon livre
Qu’avec vacarme il entre chez les gens. »
Et moi de dire alors entre mes dents:
« Gentil puîné de l’essence suprême,
Beau Paraclet, soyez le bienvenu;
N’êtes-vous pas celui qui fait qu’on aime?
En achevant ce discours ingénu,
Je vois paraître au bout de ma ruelle,
Non un pigeon, non une colombelle,
De l’Esprit saint oiseau tendre et fidèle,
Mais vingt corbeaux de rapine affamés,
Monstres crochus que l’enfer a formés.
L’un près de moi s’approche en sycophante:
Un maintien doux, une démarche lente,
Un ton cafard, un compliment flatteur,
Cachent le fiel qui lui ronge le coeur.
« Mon fils, dit-il, la cour sait vos mérites;
On prise fort les bons mots que vous dites,
Vos petits vers, et vos galants écrits;
Et, comme ici tout travail a son prix,
Le roi, mon fils, plein de reconnaissance,
Veut de vos soins vous donner récompense,
Et vous accorde, en dépit des rivaux,
Un logement dans un de ses châteaux.
Les gens de bien qui sont à votre porte
Avec respect vous serviront d’escorte;
Et moi, mon fils, je viens de par le roi
Pour m’acquitter de mon petit emploi.
¾ Trigaud, lui dis-je, à moi point ne s’adresse
Ce beau début; c’est me jouer d’un tour:
Je ne suis point rimeur suivant la cour;
Je ne connais roi, prince, ni princesse;
Et, si tout bas je forme des souhaits,
C’est que d’iceux ne sois connu jamais.
Je les respecte, ils sont dieux sur la terre;
Mais ne les faut de trop près regarder:
Sage mortel doit toujours se garder
De ces gens-là qui portent le tonnerre.
Partant,
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