Adel Megdiche.
Fiche de lecture : Adel Megdiche.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar makmiaw • 6 Août 2014 • Fiche de lecture • 1 407 Mots (6 Pages) • 1 546 Vues
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On s’attendait à une explosion de la scène artistique nationale qui, débarrassée de ses chaînes, ravirait son public avec des oeuvres qui traduiraient le formidable mouvement de contestation populaire sorti de ses entrailles l’hiver dernier. Mais les artistes tunisiens demeurent, à quelques exceptions près, étrangement silencieux. Les festivals d’été n’ont accouché, dans leur grande majorité, que
d’oeuvres médiocres où la pauvreté des textes s’allie à des interprétations approximatives. Quant aux galeries d’art, elles n’ont pas encore fait leur révolution et le grand rendez-vous ramadanesque des Tunisiens avec leurs fictions télévisuelles les a laissés sur leur faim.
Nous avons voulu interroger Adel Megdiche, l’un des derniers grands monstres sacrés de la peinture tunisienne sur cet apparent autisme des artistes tunisiens. Nous avons également voulu connaître le regard que lui, artiste, porte à cette année 2011 qui a changé à jamais la face de la Tunisie. Rencontre.
Comme tous les Tunisiens, Adel Megdiche est collé depuis le début de cette année 2011 au fil des actualités. «Ce n’est pas moi qui les suis, ce sont elles qui me suivent», affirme l’artiste qu’on aurait pu croire insensible au quotidien de ses semblables tellement l’univers qu’il représente semble situé dans un espace-temps autre que celui de cette contemporanéité banale. D’ailleurs, il suffit de lever les yeux pour admirer ces visages venus d’un imaginaire collectif rêvé, cette explosion de couleurs qui
ornent les murs de ces lieux où chaque centimètre vous invite à voyager dans l’une des toiles du maître.
En sage chinois, avec sa fine barbe désormais blanche et ses lunettes rondes, sa chemise immaculée et ses baskets, Adel Megdiche nous fait le tour du propriétaire dans cet appartement à El Manar où il partage sa semaine avec sa maison de campagne à Bir Bouregba. C’est là que son nouvel atelier est en voie de finalisation et où il se ressource au milieu de ses arbres fruitiers.
Sur la table du salon, Adel Megdiche scrute, loupe à la main, la définition du mot révolution dans un immense dictionnaire. «Elle a plusieurs significations» me dit-il, l’air préoccupé. Il en lit une, elle n’a pas l’air de le satisfaire. «En tout cas, ajoute-t-il, ce qui s’est passé en Tunisie, c’est juste le déclenchement de quelque chose, ce sont les premières touches d’un tableau qui reste encore, pour l’essentiel, à faire».
«La bête est morte, continue-t-il en allumant une cigarette, mais il y a tellement de charognards qui s’acharnent autour d’elle, tellement de Che Guevara de la 25ème heure qui se sont découvert une âme révolutionnaire mais aussi des gens honnêtes qui sacrifient beaucoup de leur temps et de leur énergie et s’exposent à ces charognards sans vergogne. Il y a trop d’opportunistes, de profiteurs et d’arrivistes. L’espoir d’une démocratie n’a donné lieu jusqu’ici qu’à une médiocratie. Du coup, plusieurs personnes respectables se tiennent loin. Il faudrait avoir la lucidité de sauvegarder ce qui est bon et le courage d’enlever les fruits pourris qui risquent de tout contaminer».
C’est un constat amer que dresse l’artiste qui note que tout brûle en Tunisie, les hommes en s’immolant par le feu ou en se jetant à la mer sur des embarcations incertaines mais aussi les forêts, les bâtiments et les commerces. Adel Megdiche trouve qu’il y a une telle médiocrité ambiante qu’elle anesthésie toute sa capacité à créer et à produire. Inquiet, angoissé même, il me montre d’un geste de la main son coin atelier, où le portrait d’une jeune femme posé sur un chevalet nous fixe de son regard énigmatique.
Il n’a pas pu s’en approcher depuis la révolution. Tout lui semble encore brouillé et a besoin d’être décanté. La perte des repères serait la cause de ses maux, une perte qui n’est pas propre à la Tunisie, comme il le précise, mais au monde entier et particulièrement dans notre région du monde où il note les tensions entre nos deux voisins, l’Algérie et la Libye, la prise de pouvoir des militaires en Egypte et l’OTAN qui se découvre un nouvel humanisme en intervenant militairement dans une révolution populaire. «En même temps, ajoute-t-il, tout ceci est trop beau pour être vrai».
Entre l’angoisse de cette toile qui demeure vide et la nécessité de ne pas forcer son pinceau, Adel Megdiche passe des heures dans cette contemplation qui fait son art. L’accouchement se fera forcément dans la douleur, une douleur qui n’est pas, par contre, exempte de plaisir, celui d’être aux origines, au point zéro d’un nouveau monde où tout est à refaire,
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